La valse des experts venus à la rescousse du controversé projet de loi sur la «réconciliation économiques» se poursuit. Diffusé en direct vendredi 18 septembre à 21h sur la Watania 1, le talk-show Wa lakom sadid al-nadhar [A vous de juger] s’est intéressé à la question. Deux invités y ont été présentés sous faux pavillon. L’équilibre apparent de l’émission s’est rapidement écroulé.
Moufida Abbassi, l’animatrice est au centre, comme le veut la tradition. A sa droite, deux députés : Mustapha Ben Ahmed de Nidaa Tounes et Mongi Rahoui du Front Populaire. A sa gauche, le magistrat Ahmed Souab, l’avocat Mounir Ben Salha et Mourad Hattab en tant qu’«expert en gestion des risques financiers». En apparence, l’émission a joué la carte de l’équilibrisme. Deux invités sont clairement opposés au projet de loi : Mongi Rahoui et Ahmed Souab. Deux autres le défendent : Mustapha Ben Ahmed et Mounir Ben Salha présenté en tant que président de l’Association Tunisienne du Droit Pénal. L’«expert» invité aussi.
L’imposture Mourad Hattab
Plus d’une heure et demie après le début de cette émission d’une durée de deux heures et vingt minutes, la neutralité de M. Hattab a été remise en question par ses contradicteurs. «J’ai œuvré à ce que l’expert soit indépendant et objectif», réagit l’animatrice aux contestations de Rahoui et de Souab, accusant cet «expert» de «partialité». Moufida Abassi tombe expressément dans le déni. Tout expert a un background intellectuel ou politique. Et c’est en fonction de leurs référentiels que les spécialistes choisissent leurs grilles de lecture et développent leurs analyses. L’objectivité demeure donc une question relative.
Quant à la prétendue «indépendance» de M. Hattab, ce n’est pas gagné non plus puisqu’il s’agit d’un militant de Nida Tounes. D’ailleurs, la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) a déjà sanctionné Hannibal Tv le 30 décembre dernier. C’était pour avoir violé le silence électoral en invitant M. Hattab, le jour du deuxième tour des élections présidentielles. Présenté en tant qu’«expert» alors qu’il est militant de Nida Tounes depuis avril 2013, selon la HAICA. La chaîne a écopé d’une amende de 10 milles dinars.
Mounir Ben Salha, l’homme aux multiples casquettes
Autre couac de la soirée : C’est sous la casquette du président de l’Association tunisienne du droit pénal que Maître Ben Salha a été introduit au début de l’émission. Un statut censé lui attribuer une crédibilité institutionnelle et l’ériger en référence juridique. Il a fallu attendre une heure et quart après le début de l’émission pour que l’animatrice mentionne le fait que Ben Salha compte parmi ses clients plusieurs hommes d’affaires concernés par «le projet de loi sur la réconciliation économique». C’était juste après un moment de complaisance où elle rétorque : «Oui, ce sont ceux-là» à la diatribe de Ben Salha sur «les porteurs des slogans contre la réconciliation» qualifiés de «partisans de la haine et de la vengeance». L’allusion manque de subtilité, mais les téléspectateurs ont compris qu’il s’agit d’une attaque en règle contre les militants de la campagne «Manich msemah». Après ce réquisitoire, l’animatrice s’enfonce dans la complaisance et laisse l’avocat plaider la cause de son client Slim Chiboub durant 5 longues minutes sur un total de 20 minutes supplémentaires d’antenne «accordées par la direction» (sic).
Le calcul du temps de parole des invités vient confirmer la partialité de l’émission. A part les cinq hommes présents sur le plateau, un sixième a pris la parole en duplex durant 10 minutes. Il s’agit d’un autre défenseur du projet de loi, M. Bechir Bou Jday au nom de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA). C’est sans contradicteur de la centrale syndicale que le patronat s’est exprimé en prime time sur la première chaîne du service public.
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