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S’il y a un acquis sur lequel tous les Tunisiens sont d’accord, c’est celui de la liberté de l’information quelques soient les dérapages, qu’il convient par ailleurs d’endiguer. Mais ceci n’est point aujourd’hui notre propos. L’événement sur lequel je souhaite attirer l’attention est la tenue d’une réunion (très peu médiatisée, comme quoi pour vivre heureux, vivons cachés !) à Tunis le 15 janvier courant pour avaliser le projet de création d’un rapporteur chargé de la liberté d’information dans le monde arabe, rattaché à la Ligue des États arabes et qui serait annoncée, à Rabat le 3 mai prochain, à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la liberté de l’information. Ce projet me paraît dangereux à plus d’un titre.

Tout d’abord la liberté de l’information dans les pays arabes continue à souffrir de la mainmise des pouvoirs politiques et la persistance du portefeuille de l’information dans la majorité de ces pays n’en est qu’un exemple des plus frappants. L’exception tunisienne paraît à ce titre assez dérangeante et un rapporteur qui tient à rester dans son poste (le mandat proposé est de 3 ans) n’a forcément pas intérêt à réviser le smig des libertés vers le haut. D’autant plus que le poste de rapporteur est basé à la Ligue des États arabes, organisation inter-étatique par excellence et qui n’a pas jusque-là brillé par sa défense de la liberté de l’information, ni les autres droits et libertés, d’ailleurs. Bien au contraire, en 2008 La ligue arabe a été le creuset d’une charte de la honte, destinée à restreindre la liberté d’expression sur les chaînes satellitaires au moment où l’unanimisme des pouvoirs étatiques paraissait sérieusement menacé.

Plus loin encore dans le temps et sur un autre plan celui des droits des femmes, les experts de la Ligue des États arabes n’ont-ils pas accouché, au début des années 80, d’un projet de code unifié de statut personnel qui nie tous les acquis enregistrés dans certains pays arabes et à leur tête la Tunisie. Il a fallu la vigilance des femmes notamment tunisiennes mais aussi palestiniennes et d’autres nationalités (que je prie de m’excuser car je ne me rappelle plus) pour mettre en échec ce projet.

La rencontre s’est tenue à l’initiative de Med Media, un programme financé par l’Union européenne qui a pour objectif la réforme des médias dans les régions arabe et méditerranéenne et qui a financé l’expertise qui abouti à la proposition du projet. Ainsi, davantage que par le passé, ce sont les organisations internationales et les chancelleries étrangères qui nous tracent la voie d’une “démocratie sous haute surveillance”.

Les répondants locaux de cette initiative se trouvent être le syndicat national des journalistes tunisiens, la HAICA et le Ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile. C’est dire que nous nageons en plein “consensus” et qu’il n’est aucunement question de l’exercice d’un quelconque contre pouvoir.

La création de ce « super ministre arabe de l’information » ne peut que desservir la longue marche vers la libération de l’information dans le monde arabe dont la Tunisie est actuellement le porte-étendard, et servir les desseins de ceux qui veulent nous faire revenir en arrière.