Toujours en parfaite symbiose avec leur fonction de bras discursif du pouvoir, nos médias perpétuent leur tradition de gesticulateurs simiesques. A vrai dire, on est presque tenté de penser que c’est une vérité générale que le discours médiatique soit aussi bête. N’oublions pas que les chiottes ne dégagent pas une odeur de jasmin, que les trolls n’ont jamais été réputés pour la protubérance de leur quotient intellectuel, et que les cadavres ne peuvent pas se mettre à chanter du jazz du fond de leurs sépultures. Analogiquement, et toutes proportions gardées, le discours médiatique est, pour plusieurs raisons, aussi bête qu’un poulet rôti, et aussi abêtissant que lui-même. Hé oui ! En termes d’abrutissement, le produit discursif de ces usines de la bêtise ne saurait être comparé à autre chose que lui-même. Et parce qu’elle a le monopole – ou presque – de la production du discours et du sens, l’industrie médiatique, quand elle est atteinte d’un tel tarissement des sources de sa matière grise, devient très nocive à l’égard du corps social.
En Tunisie, les unités de production de la défectuosité intellectuelle ont travaillé à plein régime ces derniers temps. Tout en déchaînant une mobilisation protestataire splendide, Kasserine a déchaîné la bêtise immonde des plateaux télé. A cette occasion, ceux-ci ont immédiatement saisi le message en se jurant de redorer encore un peu plus le blason de leur crétinerie éternelle, comme sommés de produire de nouvelles preuves d’idiotie. Et c’est là que s’enchaînent, à longueur de journée et à lourdeur de journaux, les âneries splendides du « quatrième pouvoir ». Le pouvoir, tient ! Ces inepties ont en réalité un sens bien délimité, et l’absurdité de ce flot ininterrompu de broutilles de la stupidité n’est pas aussi absurde qu’il n’en a l’air. Il remplit une double fonction de légitimation d’un pouvoir en place, et de dé-légitimation du mouvement social. C’est donc une bêtise bien orchestrée, affectée à une mission d’envergure qui consiste à convaincre tout le monde, et aussi inepte que cela puisse paraître, que 2+2 font 5, que la gravité d’un trou noir est nulle, que l’eau bout à une température de 0° et que la forme géométrique d’un cercle est en réalité aussi carrée qu’un tournevis.
Mais notre gros troll, idiot et étroit d’esprit qu’il est, n’est pas particulièrement doux, ni prompt à la tendresse et à la fraternité humaines. Tel un chien enragé, il est doté d’une agressivité digne d’un dinosaure modifié génétiquement dans Jurassic Park. Vociférant et bruyant qu’il est, il montre ses crocs aiguisés à ceux qui n’obéissent pas à sa logique de moutons. Tel un monstre déformé qui juxtapose sa stupidité congénitale à une brutalité sans appel, le bouffon de l’espace public est aussi agressif et malveillant qu’une cellule cancéreuse. Sa violence atteint son apogée sinistre vis-à-vis de ceux qu’il invite à débattre dans sa tanière de la pensée décrépite, et qui ne se sentent pas particulièrement prédisposés à subir la tyrannie de sa stupidité sempiternelle.
Au moment où ce texte est en cours d’écriture, je viens de visionner une vidéo qui illustre parfaitement la violence de cet espace pourri de flatulences médiatiques. Dans un de ces talk-shows politiques de bas étage, les charmants sieurs qui s’évertuent à diffuser leur blablabla assourdissant sur une chaîne TV, ont eu l’auguste obligeance d’inviter un représentant du mouvement social kasserinois. A la manière dont on lui adresse la parole, à la parole même qu’on lui adresse, il est tout à fait aisé de comprendre que ces gentils bonhommes imbus de leurs personnes exècrent leur invité. Une violence aussi évidente qu’abjecte est parfaitement visible, presque à l’œil nu. C’est qu’on regrette presque de l’avoir invité, ce sombre personnage agitateur ! C’est qu’il a besoin d’une leçon, pour qu’il apprenne à se tenir bien droit en compagnie des détenteurs de la vérité. Un spectacle affligeant se met alors en place, et on a presque l’impression qu’ils vont l’agresser physiquement, pour couronner une leçon bien instructive. Et comme pour imiter les pratiques policières, les chiens de garde s’inspirent de la pédagogie de la matraque pour imposer le respect.
Et voilà, la boucle est bouclée ! Car quel est le meilleur système répressif qui puisse exister ? C’est celui qui combine les deux dimensions de la répression : Une flicaille enragée qui fait mordre la poussière à ceux qui dérogent – même involontairement, même obligés – à l’autoritarisme des mesures absurdes, et une belle clique médiatique qui assène des coups symboliques d’une violence inouïe à ceux qui présentent les symptômes de la déviation à l’ordre social, politique et idéologique.
Dès lors, le boycott de ces unités de production de la pourriture du discours s’avère être un devoir citoyen. Et comme on est quotidiennement confronté à un spectacle éternellement reconduit de la répression policière, la mise en spectacle de la répression symbolique n’a rien d’alléchant à voir. On connaît déjà le disque, pas la peine d’y superposer une autre couche. Alors, pour l’amour de la toute-puissante vérité, pour l’intérêt de notre propre puissance, pour notre propre bien-être intellectuel et moral, éteignons nos téléviseurs !
Belle analyse qui plairaient à des intellectuels de salon qu’ils soient de gauche ou non. Mais qui ne servirait à rien au Tunisien moyen qui est facilement émotif et manipulable.
Ce qui veut tout simplement dire, que le révolution savait comment faire écrouler une dictature, mais il lui avait complètement échappé de se rendre compte que ce sont les médias qui devraient immédiatement faire place aussi, juste après la chute du clan des malfaiteurs . Nos medias n’étaient que l’outil redoutable de ce régime affreux ! Pourtant c’était extrêmement évident !
5 ans après, on a toujours les bras croisés, et le même cirque médiatique est toujours là .