Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

 

Homophobie-Tunisie-Taxi-Commerces
Des exemples, en Tunisie, où des commerces et un Taxi sont interdits aux Homosexuels. (Crédit photos: Facebook)

Plusieurs de nos concitoyens ne font que juger la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) sans vraiment savoir que, depuis la nuit des temps, culturellement, l’homosexualité était bien présente dans la société arabo-musulmane. D’ailleurs, plusieurs icônes de la musique classique arabe et adulées par tout un peuple, à l’image de la diva égyptienne, Oum Kalthoum, n’avaient pas froid aux yeux pour afficher leurs orientations sexuelles en plein public. Alors, pourquoi juger, condamner ou interdire une lesbienne, un bisexuel ou un homosexuel ? Après tout, ces individus ne sont pas si différents de nous. De quoi les homophobes ont-ils peur ? En Tunisie, ces dernières années, l’homophobie n’a cessé de défrayer la chronique en faisant tâche d’huile sur la toile. Entre commentaires haineux et publications choquantes, le spectacle des dérives comportementales a atteint son paroxysme. Doit-on s’attendre au pire?

Manifestement, dans notre jeune démocratie, faut croire qu’il est inaccoutumé, voire atypique de montrer plus de fermeté à l’égard de certains homophobes pour peu qu’ils aient cumulé à la fois diarrhée verbale, constipation cérébrale, machisme et bigoterie. Quand les bêtises arrivent en escadrilles, on finit par se demander si ce bled n’est pas destiné à supporter les balourdises de certains de ses citoyens. Il faut dire que le mois d’Avril 2016 restera sans aucun doute dans les annales de l’Histoire burlesque de la Tunisie. Et, tout porte à croire que les idéaux du Troisième Reich sont en train de bourgeonner un peu partout dans le monde y compris dans notre pays. Certes, on n’est pas au stade de l’Aube dorée en Grèce ni dans le cas de figure de l’Ukraine et de la Serbie où le nationalisme rime avec néonazisme. Néanmoins, les prémices dans nos contrées sont assez manifestes, et je ne vous raconte ni des salades, ni un Poisson d’Avril. Certes, en ce mois-ci, tous les mensonges sont permis, mais dans ces trente jours, où il est conseillé de n’enlever aucun fil, l’actualité nous a servi que des patates chaudes.

À Djerba, le 18 avril 2016, jour du Bac sport, un événement a choqué plus d’un et surtout la communauté judéo-tunisienne. L’île des rêves, qui abrite sur ses terres la plus ancienne synagogue d’Afrique et s’apprête à fêter le pèlerinage juif de la Ghriba, était, ce jour-là, le théâtre d’un regrettable dérapage. C’est ainsi qu’un groupuscule de jeunes insulaires candidats au diplôme du Baccalauréat 2015-2016, ont commis l’ilotisme en brandissant un étendard inspiré du drapeau rouge, blanc et noir de l’Allemagne nazie et dans lequel la croix gammée affichait dans ses extrémités des clefs plates (en référence à leur section technique-Ndlr).

En haut dans un lycée à Jendouba en 2015 et en bas dans un établissement scolaire, en 2016, à Djerba. (Crédit Photos: Facebook)
En haut dans un lycée à Jendouba en 2015 et en bas dans un établissement scolaire, en 2016, à Djerba. (Crédit Photos: Facebook et Djerba Scoop)

Toujours dans le cadre des fameuses « dakhla », un an en arrière, dans un lycée de Jendouba, le chahut immature d’une centaine d’éleves s’est manifesté au pieds d’une gigantesque banderole illustrant Adolf Hitler avec son salut fasciste devant l’actuel drapeau allemand : un scandale largement relayé dans la presse internationale.

Last but not least, en effet, après les révélations de la poubelle des « Panama Papers », c’est autour de l’homophobie de montrer toute sa laideur au grand public : primo, sur le plateau de Klem Ennes (deux semaines de suite), et deuzio, sur les murs de facebook à travers des photos montrant des pancartes interdisant à la communauté LGBT (et même aux athées) l’accès à des locaux commerciaux (un restaurant et un publinet) ou de prendre, carrément, un taxi.

Un restaurant et un publinet interdits aux homosexuels. (Crédit photos: Facebook)
Un restaurant et un publinet interdits aux homosexuels. (Crédit photos: Facebook)

Entre les goujateries du Maktoub boy, alias Ahmed Landolsi et la tartufferie de l’hurluberlu-chanteur, Walid Tounsi, le prestige des intellectuels tunisiens a pris, chez nos confrères d’El Hiwar Ettounsi, un sacré coup de massue. Dieu soit loué ! Heureusement, il y avait la courageuse et jeune actrice, Raafa Ayadi pour sauver les meubles du cercle des artistes disparus.
En revanche, pour les écriteaux (homophobes) relayés sur le réseau social de Mark Zuckerberg, ces derniers nous ont renvoyé, étrangement, à l’année 1938, quand Hitler et ses sbires ont pris des mesures visant à rompre “tout lien social et physique des Juifs avec la population allemande“. Depuis, que ce soit en Allemagne ou dans les pays occupés par la Wehrmacht, l’accès aux écoles publiques et aux universités, aux restaurants, aux parcs à jeux réservés aux enfants, aux cinémas, aux théâtres et aux centres sportifs devint interdit aux Israélites. Dans plusieurs villes, des zones étiquetées comme zones « aryennes » ne leur étaient plus accessibles.

Des affiches anti-juifs en France et en Belgique pendant l'occupation allemande pour les écriteaux en français et en Allemagne des années 30 (Crédit Photos: Wikipedia).
Des affiches anti-juifs en France et en Belgique pendant l’occupation allemande pour les écriteaux en français et en Allemagne des années 30 (Crédit Photos: Wikipedia).

Pis encore, plusieurs de nos compatriotes oublient que le tristement célèbre chef SS, Heinrich Himmler dirigea, sous la bénédiction du Füher,  “des persécutions de plus en plus sévères contre les homosexuels sous le Troisième Reich. Par contre, les lesbiennes, n’étant pas considérées comme une menace pour la politique raciale nazie, ne furent généralement pas visées“. D’ailleurs, “certains “experts” nazis considéraient que l’homosexualité était une maladie curable et mirent au point une politique de “soins” basée sur un travail dur et des humiliations“, selon les archives du Holocaust Memorial Museum de Washington, DC aux États-Unis.

Tiens, tiens! Ça ne vous rappelle pas les propos d’un certain Cheikh qui a soutenu, mercredi dernier, sur le plateau de Klem Ennes, l’hypothèse que l’homosexualité est une “maladie” susceptible d’être soignée ? Sinon avec de telles pratiques, doit-on s’attendre à un remake de la Nuit de Cristal sous nos cieux? Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas autoriser l’adoption d’un symbole tel le Rosa Winkel pour distinguer les Homosexuels? Sincèrement, faut-il être vraiment ramolli du bulbe pour s’exciter de la sorte en affichant une telle haine de l’autre? Décidément, pour ces énergumènes, le mea culpa n’est pas pour demain! Et il n’est pas exclu de voir certains d’entre-eux troquer notre « 3asslema » (salut, en dialecte tunisien-Ndlr) par un heil homophobe !

Pendant ce temps-là, dans la cacophonie d’une éternelle transition démocratique, nos gouvernants font tous leurs possibles pour s’afficher davantage sur le petit écran et alimenter encore et encore le buzz cathodique, mais dès qu’il s’agit de donner un coup de pieds dans la fourmilière et assainir l’agora, l’éboueur se plaint d’un rhumatisme articulaire aigu et affiche son handicap. En même temps, depuis l’époque coloniale, le très controversé article 230 du Code pénal n’en finit pas d’accumuler les records de longévité, et en contrepartie, du côté de l’hémicycle du Bardo, aucun projet de loi ne semble pointer le nez pour sanctionner tout acte ou incitation à la haine, y compris les propos et les agissements homophobes. Or, ce qui dérange dans tout cela, c’est que chez nous, nos politiques doivent comprendre qu’il ne suffit pas de jouer, par intermittence, le rôle de “Mr. Propre”. Il faut aussi en finir avec tout ce qui pue et s’en débarrasser une fois pour toute, sinon vivement le (dés)amour au temps du choléra.