Sous les sables de Tozeur gît le phosphate ; des millions de tonnes, 500 millions à en croire la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) qui fouille depuis des années le sol du Djerid.
On annonce souvent cet ancien fait comme une nouvelle, non sans zèle et avec plusieurs approximations. « Découverte d’une mine gigantesque à Tozeur ! » Peut-on lire ces derniers jours dans les médias dominants. Avec des points d’exclamation et des superlatifs, les succincts articles qui relayent « la nouvelle » ne font que reprendre les déclarations du président directeur général de la CPG. La compagnie compte en effet commencer l’exploitation du gisement de Tozeur– Nafta ( il s’agit jusqu’ici d’un gisement et non d’une mine, un gisement ne devient une mine qu’en phase d’exploitation). Dans la foulée, les appels d’offre pour une étude technique et une étude d’impacts environnementaux ont été lancés. En attendant un dépouillement proche des dossiers, Romdhane Souid, le PDG de la CPG, a indiqué à l’agence TAP que les études ne seraient pas prêtes avant juillet 2018 et que le démarrage de l’exploitation du gisement était prévu pour 2021.
Six strates de phosphate
L’exploitation du gisement qui se situe à 12 kilomètres à l’ouest de la ville de Tozeur s’avère déjà complexe. Une étude réalisée en 2015 par un groupe de scientifiques tunisiens dans le cadre du Symposium international sur l’innovation et la technologie dans l’industrie des phosphates (SYMPHOS) révèle une partie des secrets du gisement Tozeur-Nafta.
Le gisement s’étend sur 4 kilomètres de largeur et 10 de longueur. Les couches de phosphate exploitables sont au nombre de six. Elles se superposent sur une épaisseur de 10,61 mètres et se trouvent enfouies sous une couche de sable et de calcaire épaisse de 78 mètres.
Selon Wissem Gallala, le professeur ayant participé à l’étude, c’est cette couche qui pose problème. La technique des mines souterraines étant depuis longtemps délaissée, l’exploitation des phosphates en Tunisie se fait désormais à ciel ouvert. Pour extraire le phosphate des strates souterraines, il faut donc se débarrasser de la couche de sable. Pour y parvenir, la CPG devrait utiliser des explosifs pour l’abattage de la couche. Une machinerie lourde comme les bulldozers et les camions-bennes est également nécessaire pour déplacer le sable et les roches.
Selon une étude commanditée par l’Union européenne en 2000, « les chocs et les vibrations, à la suite d’abattages en relation avec l’exploitation minière peuvent entraîner du bruit, de la poussière et conduire à la destruction des structures dans les zones environnantes non-habitées. La vie animale, dont la population locale peut dépendre, pourrait également être perturbée. »
L’eau et la poussière
Des habitants de Tozeur craignent particulièrement la poussière, très nocive pour la palmeraie de la région ; une palmeraie dont dépendent les deux poumons économiques de Tozeur : le tourisme et l’agriculture. 74 oasis étendues sur environ 8400 hectares se trouveraient exposées à la poussière. La survivance de plus de 11000 producteurs de dattes se trouverait compromise, non seulement en raison de la pollution aérienne, mais à cause d’un risque de raréfaction accrue de l’eau.
La compagnie prévoie en effet la mise en place près du site de la carrière d’une laverie composée de 2 unités ayant une capacité de 2,5 Millions de tonnes/an de phosphate marchand.
« La teneur en P2O5 du phosphate à l’état brut est de 22,67%. Le lavage permet de se débarrasser d’éléments indésirables comme les carbonates. La teneur en P2O5 peut ainsi atteindre les 30%. Les phosphates sont par la suite transférés au groupe chimique de Gabes pour d’autres traitements » explique le professeur Wissem Gallala.
Mais pour atteindre ce taux économique et rentable, de grandes quantités d’eau seraient mobilisées pour laver les phosphates. Le lavage est souvent entrepris dans des bassins de décantation, où les eaux toxiques issues du traitement peuvent pénétrer les couches et contaminer les nappes phréatiques. Le traitement de la boue et des résidus qui résultent du lavage est un autre défi pour ceux qui entreprendraient l’étude des impacts environnementaux du gisement.
Une étude commanditée par le gouvernement et l’Union européenne et menée par EURONET Consortium en 2012 dressait déjà un profil environnemental et hydraulique critique de la région de Tozeur. Restituant les résultats d’ateliers avec des associations locales de la société civile, l’étude souligne « une aridité graduelle du nord au sud, une désertification accentuée et la fragilité du système et écosystème oasien de la région Sud-Ouest.»
Outre l’exploitation excessive des ressources en eau des nappes fossiles non renouvelables, l’étude met en garde contre la production de déchets solides de phosphogypses.
Makram Boukadi, président de l’Association de la protection de l’oasis de Tozeur, n’y va pas par quatre chemins : « Nous ne voulons pas être une copie des villes du bassin minier ! ». Égrenant les complications qu’une éventuelle mine pourrait ajouter aux problèmes de la ville, l’activiste admet qu’il n’est cependant pas opposé à l’exploitation du gisement « à condition que soient apportées des garanties pour la protection de notre environnement et de la santé des habitants ».
Makrem Boukadi reste néanmoins sceptique quant à la capacité de la CPG à assurer ces garanties. Il évoque la possibilité d’ouvrir l’exploitation à des investisseurs privés voire même de créer une compagnie des phosphates du Djerid. « Contrairement à ce qui se passe à Gafsa, nous voulons que tout investissement dans le phosphate crée une vraie dynamique de développement » insiste-t-il.
Un demi-siècle de réserves
Les consultants d’EURONET Consortium estiment par ailleurs que « la zone devrait faire l’objet d’une stratégie urgente de protection des ressources en eau, de préservation et régénération des palmeraies et de valorisation de leur produits, et de lutte contre l’ensablement et la désertification. »
Présent hier à une audition de la commission de l’énergie à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), Jameleddine Haji, directeur de recherche et d’exploitation minière au ministère de l’Industrie a estimé que « la CPG n’a pas besoin pour le moment du gisement de Tozeur-Nafta ». Pour lui, l’entreprise dispose déjà de réserves suffisantes pour couvrir les besoins des cinquante prochaines années.
Ne vous inquiétez pas, les singes du bled qui sont les nouveaux maitre en Tunisie s’enfoute royalement de l’environnement, seul ce qui compte c’est le flouz
Wa9tech tet7al