.Zitouna TV

« Comment Zitouna Tv est vu par les téléspectateurs ? », telle est la question motrice de ce numéro de « La Voix Libre » énoncée par l’animatrice Rihab S’hili. Durant 33 minutes de « libre antenne », elle a conduit ce qui s’apparente à une opération de publicité masquée. Les revendications identitaires de Zitouna Tv ne tarissent pas. Ses attaques dépourvues de sens critique non plus. El Hiwar Ettounsi, Nessma et la HAICA étaient les principales cibles. Mains jointes, vêtue d’un hijab léopard et d’une veste moulante, l’animatrice a défendu « un média qui peut être suivi par toutes les familles tunisiennes, qui représente toutes les catégories de la société tunisienne ».

Surenchère identitaire et victimisation

Une image qu’elle s’est acharnée à brosser durant toute l’émission. Elle présente aussi Zitouna Tv comme « une chaîne qui s’attache à l’identité tunisienne arabo-musulmane ». Après avoir marqué son positionnement conservateur, place à la victimisation. N’ayant toujours pas obtenu sa licence de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), l’animatrice en parle tout en évoquant des « difficultés affrontées et des obstacles défiées » grâce à « la patience, l’endurance et la détermination de l’équipe Zitouna ». La chaîne est donc hors-la-loi et fière de l’être. Sa non-conformité au cadre légal des médias audiovisuels, l’opacité sur ses moyens et leurs origines, sa fidélité sans faille à la ligne politique d’Ennahdha, autant de points éludés par l’animatrice qui prétend travailler pour « un média qui dévoile la vérité ». Et ce n’est pas la seule contradiction observée. « Il est vrai que nous critiquons mais prière de rester loin de la diffamation et des insultes qu’elles soient adressées à nous ou à autrui », avertit l’animatrice. Après 20 minutes du début de l’émission, elle présente un extrait de « Liman Yajroo faqat » où Naoufel Ouertani dénonce une campagne contre El Hiwar Ettounsi orchestrée par Zitouna. Une vidéo qui sera suivie par un montage d’une minute de commentaires de sympathisants de Zitouna sur la page Facebook d’El Hiwar Ettounsi. Que des insultes et des propos diffamatoires et haineux. Le paradoxe est frappant.

Tous élogieux, chacun sa cible

Entre revendications identitaires et victimisation, les cinq premières minutes de « La voix libre » ont montré la couleur du reste de l’émission. Les intervenants par téléphone se sont délectés à jouer les perroquets, parfois même à dire ce que l’animatrice ne pouvait pas assumer. Les six interventions étaient toutes élogieuses envers Zitouna. D’ailleurs, la première n’était même pas une intervention d’un téléspectateur mais celle d’une salariée de la chaîne. Elle s’y félicite, durant 3 minutes, des doux regards et des compliments des gens quand elle prend les moyens de transport en commun et quand elle va dans les souks et les cités populaires. Entrecoupées par des relances valorisant le propos des intervenants, chacune des interventions a repris un des points défendus par l’animatrice au début de l’émission pour se lancer dans un matraquage par procuration. « Vous êtes la véritable chaîne de la famille », insiste la première intervenante. Le deuxième s’est chargé de fustiger la HAICA, sans recadrage de l’animatrice qui renchérit : « nous nous battons ». Le troisième intervenant s’est focalisé à dénigrer El Hiwar Ettounsi. Pour sa part, l’animatrice dénonce « les chaînes qui se heurtent aux lignes rouges de la Oumma tunisienne ». Quant au dernier intervenant, il a fait la synthèse en reprenant le slogan de « la véritable chaîne de la famille » et en s’attaquant à la HAICA tout en encensant une chaîne respectueuse de « notre identité arabo-musulmane ».

Mis à part l’unanimisme des intervenants, un autre couac de l’émission la décrédibilise : elle est enregistrée. Or, un des fondements conceptuels des émissions de libre antenne est leur diffusion en direct. Créé à l’origine par les radios pirates, en harmonie avec leur veine libertaire, voilà que ce type d’émissions se retrouve instrumentalisé pour une opération d’autopromotion et de règlements de comptes entre chaînes tv