TV nationale tataouine

Les opérations de Mnihla et de Tataouine, survenues le 11 mai, viennent marquer un tournant dans le traitement des attaques terroristes par les chaînes tv tunisiennes. Ce qui semblait être des maladies chroniques s’avère être des pathologies curables, même si certaines d’entre-elles laissent des résidus. La convalescence est lente et difficile. Mais il paraît que les critiques de divers organismes ont eu de l’effet. Les efforts de mise en place de mécanismes de régulation et d’autorégulation, fournis en l’occurrence par la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) et le Syndicat Nationale des Journalistes Tunisiens (SNJT), ne semblent pas vains. L’expérience acquise a également contribué à ce redressement.

Signes de rétablissement

Le Journal de 20h de la Watania en témoigne. Son édition du 11 mai se montre débarrassée du sécuritarisme éditorial qui a marqué certaines de ses précédentes. Les témoins oculaires y sont désormais considérés comme des sources à protéger en les présentant sous couvert d’anonymat et à travers le recours au floutage de leurs visages. L’approche se veut exclusivement informative loin des excès de zèle et de la surenchère chauvine.  De nouveaux réflexes valorisant la responsabilité sociale des journalistes s’installent. « On se réserve de préciser le lieu de cette opération encore en cours », indique Khemais Boubtan, correspondant de la Watania à Tataouine. Le service public se montre, dans le cas présent, à la hauteur de sa vocation. De son côté, Nessma arrive plus ou moins à dompter l’humeur de la présentatrice de Ness Nessma News. Après le départ de Borhen Bsaies, l’émission s’est débarrassée des tirades où le discours de haine puise sa rhétorique dans un conspirationnisme pseudo-souverainiste. Toutefois, les invités de Nessma sont toujours présentés sous de fausses casquettes et tentés par le dénigrement des défenseurs des droits de l’homme.

Lente convalescence

« On devrait multiplier les efforts avec les défenseurs des droits de l’Homme, les vrais pas ceux qui le prétendent », lance Mounir Khemili, porte-parole du syndicat du district de la sécurité nationale de Tunis. Après s’avoir positionné en distributeur d’attestations de bonne conduite, ce responsable policier a été interrompu par l’autre invité de Ness Nessma News, Ali Zeramdini. Ancien cadre du ministère de l’Intérieur limogé après la révolution qu’il évoque en la précédant de l’expression « ce qu’on appelle », ce dernier, présenté en tant qu’ « expert », a fini par le contester. « On me dit toujours « expert » mais je suis un sécuritaire avant tout », tient-il à souligner. Il ajoutera ensuite : « Nous avons de la considération pour notre peuple et pour les vrais défenseurs des droits de l’Homme, ceux qui croient en cette nation, avec notre respect à tous y compris ceux qui s’opposent à l’institution sécuritaire. Ceux qui veulent entraver le travail sécuritaire, nous les considérons comme des concurrents et pas comme des ennemis » (sic). Aucun recadrage ou tentative de l’animatrice d’éclaircir les propos brumeux de son invité.

Sur El Hiwar Ettounsi, le ton est plus mesuré. L’approche informative est privilégiée dans le numéro de 24/7 du 11 mai. Même si l’émission s’est déresponsabilisée de la protection de ses sources parmi les témoins oculaires montrés à visage découvert. Cependant, elle est tombée dans les mêmes divagations observées sur Nessma. « Durant les mouvements sociaux de janvier 2015, des éléments terroristes ont profité de certains vides pour s’infiltrer en Tunisie », déclare Walid Louguini, ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur présenté comme « activiste de la société civile et observateur des questions sécuritaires ». La réplique de Louguini a fait glisser le débat dans une sorte de diabolisation des mouvements sociaux.

Ce genre de dérapage est fondamentalement lié aux formats des émissions quotidiennes produites par les chaînes tv privées tunisiennes. Privilégiant le verbiage plutôt que l’information, moins de 10% de leurs durées sont consacrés aux données factuelles. Le reste est à combler par des orateurs se confondant souvent dans le plaidoyer, pour ne pas dire la propagande, plutôt que la recherche d’une valeur ajoutée informative.