L’augmentation « facultative » de l’âge de retraite de 60 à 65 ans : un nouveau sujet de discorde entre le gouvernement et l’UGTT. A coups d’interviews interposées accordées à plusieurs médias, les deux camps laissent entrevoir des divergences tant sur la forme que sur le fond de la réforme du système des pensions dans la fonction publique.
Le projet de loi pour amender et compléter la loi de 1985 sur le régime des pensions civiles et militaires de retraite et des survivants dans le secteur public semble cristalliser tous les désaccords. Déposé par l’Exécutif à l’Assemblée depuis le mois de juillet 2015, le document prévoit trois mesures principales qui irritent particulièrement l’UGTT.
Les réserves syndicales
Le projet de loi prévoit que l’employé désirant partir à la retraite à 60 ans doit informer l’administration de sa décision. A défaut de cette notification explicite et irréversible, l’employé partira automatiquement et obligatoirement à la retraite à 65 ans. Les syndicalistes estiment que c’est plutôt à celui qui veut prolonger son activité professionnelle de notifier sa décision à l’administration et non pas le contraire. Deuxièmement, le gouvernement exige que la notification soit faite 5 ans avant le départ à la retraite. Les syndicalistes, eux, estiment que ce délai est irraisonnable et proposent de le réduire à deux ans avant l’âge butoir de 60 ans. Enfin, l’UGTT propose un barème flexible en donnant le choix à l’employé de travailler, une, deux, trois, quatre ou cinq années après la soixantaine. Le gouvernement ne laisse aucun choix : partir à 60 ans ou à 65 ans.
La centrale syndicale a engagé des négociations avec le ministère des Affaires sociales afin de surmonter les blocages. Invité hier sur le plateau de la Watania 1, Abdelkarim Jrad, secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé de la sécurité sociale, s’est offusqué du « renoncement au principe de la continuité de l’Etat ». Cinq mois de négociations avec l’ancien ministre Ahmed Ammar Youmbaï n’auraient servi à rien. La version du projet de loi déposée à l’ARP est toujours la même. Lors d’une audition à l’Assemblée en décembre dernier, les syndicalistes ont découvert que le législateur avait toujours sous les mains l’ancienne mouture.
Pour les syndicalistes, Mahmoud Ben Romdhane, nommé début janvier 2016, a ignoré le travail de son prédécesseur Ahmed Ammar Youmbaï. « Il parle même du projet du gouvernement versus le projet de l’Ugtt, or c’est erronée, car il s’agit d’un projet consensuel» a affirmé Abdelkarim Jrad.
La CNRPS, une caisse sans réserves
Lorsqu’il évoque la réforme des caisses sociales, et plus particulièrement celle du secteur public, la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS), le ministre des Affaires sociales adopte souvent un ton ferme et reprend à la lettre les arguments de l’exposé des motifs du projet de loi : la diminution du rapport démographique (le nombre d’actifs nécessaires pour financer une pension), le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie (75ans). Dans le contexte actuel d’endettement et de déficits chroniques, l’argument comptable parait imparable. Selon les calculs du gouvernement, la nouvelle loi permettrait de réduire, d’ici 2020, le déficit la CNRPS de 4,6 milliards de dinars à 800 millions de dinars. En l’espace de quatre années, l’Etat pourrait ainsi économiser 3,8 milliards de dinars. Cette mesure transitoire devrait préparer le terrain pour la refonte du système de gouvernance et la diversification des ressources de la CNRPS. La centrale syndicale est consciente du déficit de la CNRPS et de la nécessité de le combler. Ses réserves sont en rapport avec le cadre des négociations. Selon Abdelkarim Jrad, toute négociation sociale doit avoir pour cadre la sous-commission de la protection sociale instituée par le Contrat social de 2013.
Le conflit autour de la réforme du régime de retraite dans le secteur public annonce d’autres sujets de désaccord. Deux autres mastodontes attendent des opérations de sauvetage, aussi urgentes qu’imposantes : la CNSS qui gère les pensions du secteur privé et la CNAM qui assure les prestations de l’assurance maladie. D’autres partenaires sociaux et organismes professionnels rejoindront le dialogue national sur la réforme des caisses, lancé officiellement mi-mars dernier.
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