« Nous allons propulser l’art dans le futur », annonce le texte de présentation de la 52ème édition du Festival International de Carthage. « Agir aujourd’hui sur demain a toujours été l’action la plus noble de l’art », renchérit la même note qui revendique « Tomorrow is Today ». Or, la dissonance de ces propos avec les spectacles programmés est frappante.
Coincé entre variété et classicisme
Sur les 16 concerts du théâtre antique de Carthage, 9 sont dans le registre de la variété, 2 proposent de la musique classique et 5 s’inscrivent dans différents genres des musiques actuelles. Et ils sont tous dépourvus de toute innovation, à l’exception de Jugurtha qui jouera en première partie de Low Deep T, le 04 août. Sur les 8 concerts de la Basilique de Saint-Cyprien, scène exclusivement dédiée aux artistes tunisiens, la moitié est consacrée à la musique classique et à la variété alors que le reste est réparti sur divers genres des musiques actuelles avec un très timide penchant vers l’expérimentation et l’innovation. Malheureusement, la programmation de la Basilique Saint-Cyprien reste, en grande partie, otage du clanisme des « enfants du ministère » et du corporatisme des ressortissants de l’Institut Supérieur de Musique (ISM). On est bien loin de l’ambition annoncée par les organisateurs dans le texte de présentation du festival, résolument trahie par leur propre programmation.
En perte de pluridisciplinarité
Le Festival International de Carthage a également perdu de sa diversité par rapport aux éditions précédentes. « Une sorte de mise au point par rapport aux formes diverses de toutes les disciplines et une invitation franche pour une action d’avant-garde », annoncent-ils sans pouvoir tenir leur promesse. Il suffit de parcourir la programmation pour s’en apercevoir. A part la faible diversité des registres musicaux des spectacles programmés, les autres arts de la scène (théâtre, comédie musicale, danse…) sont faiblement présents. Sur les 29 soirées du théâtre antique de Carthage et de la basilique de Saint-Cyprien, seulement 4 leur sont consacrés. Quant au cinéma, il n’est présent que par un seul nouveau blockbuster hollywoodien, « Suicide Squad », en rupture totale avec la tradition des festivals publics tunisiens favorisant le cinéma d’auteur.
Du remâché, très peu de nouveautés
A l’exception de 3 artistes, tous les autres concerts programmés au théâtre antique, 13 en total, ont déjà été présentés plusieurs fois en Tunisie. Sur les 4 spectacles, 2 ont été présentés des dizaines de fois : Violence(s) de Fadhel Jaibi et Jalila Baccar et le one-man-show de Lotfi Abdelli. En effet, le Festival de Carthage ne propose que très peu d’exclusivités. Il y a carrément 6 artistes parmi ceux qui se produiront sur sa grande scène qui joueront également au Festival International de Sfax. Avec un grand nombre de vedettes des années 90 tels que Najwa Karam, Melhem Barakat, Khaled, Zied Gharsa et Lotfi Bouchnak, le festival prend l’air d’un défilé de has been.
« Il a pour ambition de devenir plus qu’un lieu, un Esprit, un Projet pour l’art et la culture, en Tunisie et ailleurs pour le monde », écrit le directeur du festival Mohamed Zinelabidine dans sa note d’intention. Encore une ambition trahie par son porteur. Avec une telle programmation, le Festival de Carthage se montre hésitant, confus, clanique et farfelu. Il est rabaissé à un projet fourre-tout, désengagé de toute aspiration citoyenne. Il n’est qu’une simple extension des playlists des radios privées et des émissions TV de variété désormais boudés par les téléspectateurs.
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