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Dimanche 28 juillet, Louay Ghazouani, 19 ans, trouve la mort tragiquement au Menzah 7. Alors qu’il était chez sa copine, la voisine les enferme à clé et appelle la police pour les dénoncer. Pris de panique, il essaye de sortir par la fenêtre pour aider sa copine à prendre la fuite. En passant par le balcon de son appartement situé au 4ème étage, il tombe et meurt sur le coup. Un drame qui a secoué Tunis depuis lundi.

A-t-on le droit d’avoir un rapport sexuel hors mariage ? S’il est évident que la société tunisienne reste imprégnée par le conservatisme et la religion, accusant toute relation amoureuse hors le cadre Halal, la loi tunisienne, est plus libérale car elle n’interdit pas les rapports sexuels entre adultes, célibataires et consentants. L’avocate et militante à l’Association des femmes démocrates, Hayet Jazar confirme qu’« en cas d’arrestation, le couple et surtout la femme ne prend aucun risque si elle confirme avoir une relation amoureuse et un rapport sexuel même régulier avec un homme célibataire, adulte et consentant ».

Alors, pourquoi le jeune couple a paniqué au point de se mettre en danger de mort ? La police judiciaire, souvent conservatrice et répressive envers les libertés, essaye par tous les moyens, à chaque arrestation de couple de leur coller deux crimes sur le dos. « Le premier crime est le concubinage interdit par la loi depuis l’indépendance. Le deuxième crime est la prostitution illégale en prouvant que la femme a reçu une contre partie matérielle avant ou après le rapport sexuel » explique Hayet Jazar.

La loi n° 57-3 du 1er août 1957 réglementant l’état civil ( à ne pas confondre avec le Code du statut personnel, promulgué quelques jours plus tard ) prévoit dans son article 36, que l’union qui n’est pas conclue conformément à l’article est nulle. Les deux époux sont passibles d’une peine de trois mois d’emprisonnement. Les époux, dont l’union a été déclarée nulle et qui continuent ou reprennent la vie commune, sont passibles d’une peine de six mois d’emprisonnement. Selon Hayet Jazar, au moment de mettre en place cette interdiction du concubinage, l’objectif du législateur n’était pas de limiter la liberté individuelle mais voulait à interdire le mariage Orfi encore pratiqué à l’époque.

« Pour prouver le crime de concubinage, les agents de la police judiciaire jouent sur les mots dans les interrogatoires et essayent de piéger leurs victimes. Souvent, ils demandent à la femme si son compagnon prend en charge des dépenses ménagèrent ou s’il l’aide financièrement. La victime répond naïvement par l’affirmative et le tour est joué. Car parmi les preuves tangibles d’un concubinage, l’homme prend en charge le couple comme dans un mariage légal » explique Hayet Jazar.

La deuxième loi qui pourrait entraver la liberté sexuelle des tunisiens est l’article 231 du code pénale lié à la prostitution illégale. Cet article précise que « hors les cas prévus par les règlements en vigueur, les femmes qui, par gestes ou par paroles, s’offrent aux passants ou se livrent à la prostitution, même à titre occasionnel, sont punies de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement, et de 20 à 200 dinars d’amende ».

Cette formule ouverte  permet à la police de considérer une simple invitation à un dîner ou un café comme une preuve de prostitution. « Si la femme confirme que son conjoint a payé l’addition d’un repas ou d’un café avant ou après le rapport sexuel, cela serait très suffisant pour que la police judiciaire la considère comme une prostitué » affirme la juriste avant de rappeler que le simple fait de paraître devant un juge dans une affaire de moeurs est une énorme humiliation et atteinte à la dignité et la réputation des femmes, plus vulnérables aux jugements de valeurs de la société. Cependant, la répression et le tabou sur la sexualité ne pèse pas seulement sur les femmes mais aussi sur les hommes. La mort tragique de Louay en est la parfaite preuve.

Selon Hayet Jazar, avec la nouvelle loi 13/2013 amendant le Code de procédures pénales qui garantie la présence de l’avocat lors de la garde à vue, ces abus policiers moralistes ont diminué. Néanmoins, il y a encore du pain sur la planche pour changer les mentalités et se débarrasser de la tutelle morale imposée par l’État.