Cette année, à l’école Kouttab Louzir, dans le quartier de Souk El Blat (Médina de Tunis), c’est une salle de classe et un jardin qui ont été réaménagés. Agés de 6 et 12 ans, trois élèves par classe ont été élus pour participer aux ateliers. Sur un terrain en friche, au fond de l’école, Rim Mathlouthi plante avec les enfants différentes variétés de légumineuses et d’aromates. Dans un coin, ils ont réalisé une butte et installé un peu plus loin des bacs remplis de terre. « Au départ, ils osaient à peine mettre les mains dans la terre, la mélanger avec du fumier. Mais après plusieurs séances, regardez comme ils sont à l’aise ! », dit-elle en souriant. Deux arbres surplombent le jardin. « C’est fou tout ce qu’on pourrait faire ici. Il y a à peine quelques semaines, ça ressemblait à une déchèterie ». A travers ces activités, Rim espère aider les enfants à se relier au vivant et à prendre le temps d’observer la nature et ses miracles. Les enfants viennent de terminer la plantation de semis et profitent de l’espace pour courir et jouer. Certains demandent à écrire leur prénom sur les petits pots de semis. « Pourquoi écrire ton prénom sur quelque chose qui appartient à tout le monde ? », interroge Rim.
Culture et espaces publics
Une salle blanche et jaune, aux larges fenêtres, donne sur le jardin. Il s’agit de la future classe dédiée aux pratiques artistiques et culturelles. « Rym Abid, notre designer, a organisé des ateliers avec les enfants pour qu’ils expriment leurs envies et leurs besoins, afin que cette classe réponde à leurs attentes », explique Aya Rebai, chargée de projet Art & Education au sein de l’association. Mais le grand défi sera de donner vie à cet espace. « Malheureusement, nous ne pourrons pas compter sur les enseignants, nous sommes en train de voir avec des intervenants extérieurs », poursuit-elle. « Et nous comptons suivre de près les activités, pour que cette classe ne se transforme pas en salle de profs, comme c’est le cas dans une autre école ». Théâtre, lecture, arts plastiques, les idées fusent. Meriem, 10 ans, attend avec impatience le début des activités : « Je fais du théâtre avec l’association, à Dar Bach Hamba, et j’adore ça ! Mais si on pouvait en faire à l’école aussi, avec mes amies, ce serait encore mieux », s’exclame-t-elle. L’aventure a commencé en 2012, en partenariat avec la Cité Nationale de l’Architecture et du Patrimoine de Paris. Depuis, cinq salles de classes de différentes écoles primaires ont été rénovées : l’école Al Abassia à Sfax et l’école El Hafsia à Tunis en 2012, l’école Hay Hella 2 et Maakal Ezzaim à Tunis en 2015, et enfin, l’école Kouttab Louzir. Le choix des écoles se fait au hasard des rencontres et de la motivation du directeur, des enseignants et des élèves. « Nous voulons que le projet émane des enfants, d’où un travail d’écoute très important », note Aya Rebai. L’objectif étant qu’ils s’approprient ces espaces.
Un autre rapport à l’école
Après quatre années d’expériences, l’heure n’est pas encore au bilan. Les premiers outils d’évaluations ont été mis en place pour l’école de Kouttab Louzir. Il faudra donc attendre au moins une année pour mesurer l’impact. « Avant et à la fin de chaque projet, je pose les mêmes questions aux élèves. Leurs réponses me permettent d’apprécier les effets de cette expérience sur eux », explique Aya Rebai. Selon Aurélie Machghoul, chargée de communication au sein de l’association, ces évaluations permettront de voir les changements de l’élève à plusieurs niveaux : la confiance à l’autre ; l’estime de soi ; la confiance par rapport à l’école et au corps enseignant.
En transformant une classe en un espace de création et en sortant de la typologie classique des lieux scolaires, on offre la possibilité aux élèves d’avoir un autre rapport à l’école et d’accéder à des activités artistiques dans de bonnes conditions.
Et de poursuivre : « En les impliquant dans tout le processus, les enfants découvrent qu’ils peuvent être acteurs de l’amélioration de leur école ». Plus largement, l’association entend investir l’espace public dans son ensemble et remettre la culture au cœur de la Cité. Selon eux, l’art peut contribuer au développement d’un territoire tant au niveau artistique qu’au niveau socio-économique. Ainsi, à travers le projet « Change Ta Classe » ou « Dream City », l’Art Rue souhaite mobiliser le territoire autour de projets citoyens. « Nous demandons aux artistes de valoriser les savoir-faire et ressources locales, d’impliquer les habitants, de s’adapter à eux et de les amener à se réapproprier l’espace », précise Aurélie Machghoul. Afin de favoriser l’expression culturelle et artistique jusque dans la cour de récréation.
Dream City 2015: the social connection
07/11/2015
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