La couverture du congrès national de la jeunesse par le journal de 20h a abaissé la Watania à un relais de la communication gouvernementale, voire même un substitut à ses insuffisances. Micro-trottoir aux intervenants confinés dans l’anonymat, blackout sur les voix dissonantes, temps de parole dominé par les responsables gouvernementaux, divers procédés qui réduisent le service public à un support promotionnel des initiatives gouvernementales.

 

Faute de savoir-faire  journalistique, le journal télévisé (JT) de 20h est tombé dans les Relations Publiques dans son édition du lundi 26 décembre. « Demain, ouverture du congrès national de la jeunesse » a été le premier titre d’un des rares espaces informatifs de la première chaîne du service public, sacrifié, en partie, pour pallier aux insuffisances de la communication gouvernementale.

Au lieu de garder l’événement parmi les prévisions du lendemain, la rédaction du JT s’est empressée de l’annoncer. Faute d’avoir de la matière, elle a recouru au micro-trottoir, technique réduisant le reportage à des témoignages en vrac à la valeur informative nullissime. D’ailleurs, les jeunes qui s’y expriment sont restés confinés dans l’anonymat. Partisan du moindre effort, ce micro-trottoir avait pour décor choisissant l’Avenue Habib Bourguiba.

Blackout sur la contestation

Aucun des jeunes qui se sont exprimés au micro de la Watania n’a adressé de critiques à l’initiative. Pourtant, ce congrès est très contesté par d’importantes organisations de la société civile représentatives des jeunes dont l’historique syndicat estudiantin de gauche l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), le Réseau Alternatif des Jeunes (RAJ) ou encore I Watch pour ne citer que quelques exemples. Il est aussi resté à l’écart des dizaines de mouvements contestataires des jeunes recensés, par exemple, dans le rapport de novembre de l’Observatoire Social Tunisien.

Dans cette édition du JT de 20h, les difficultés de la commercialisation de la récolte exceptionnelle d’agrumes est repoussée au deuxième rang. La grève des enseignants est complètement zappée. Un choix qui aurait pu éviter la prodigieuse réplique d’introduction du présentateur du JT du mardi 27 décembre : « Parents et élèves se sont retrouvés aujourd’hui devant des écoles primaires et préparatoires et des lycées aux portes fermées ou quasiment closes ». Ils n’auraient pas eu cet effet de surprise si la rédaction avait traité le sujet la veille.

Exit la proximité, l’exécutif prime sur tout

Cette incapacité à évoquer la contestation a caractérisé l’ensemble de la couverture du JT du congrès national de la jeunesse, y compris quand son édition du mardi 27 décembre consacre 9 minutes et demi à l’initiative gouvernementale. Réduit à une simple déclinaison audiovisuelle des supports communicationnels de l’événement, le JT de 20h de la Watania a décliné son contenu en deux reportages séparés par un duplex. Ministres et responsables du gouvernement y ont pris nettement plus de place que les jeunes, presque le double de leur temps de parole. Ceux parmi eux qui sont intervenus se sont tous retrouvés vaguement présentés comme « activiste de la société civile ». Leurs organisations ? Leurs champs d’action ? On n’en saura rien.  L’édition du mercredi 28 décembre a suivi la même tendance, à une exception près. Au lieu du très recherché micro-trottoir, les téléspectateurs ont eu droit à un extrait sonore de Solwen, création théâtrale de Leila Toubel accompagné par une introduction faussement poétique, lu en voix off.

Au moment où la Watania vient d’annoncer une grille de programmation dont le principal objectif est accroître la compétitivité du service public, le JT se montre, six ans après la révolution, inapte à couper le cordon avec le pouvoir exécutif, voire même incapable de jouer un autre rôle que celui d’un révérencieux perroquet.