Après la chute de la dictature, plusieurs pays ont affiché leur soutien à la Tunisie. Certains ont appuyé le projet de transition démocratique et l’édification de la société civile, tandis que d’autres sont venus à la rescousse d’une économie tunisienne vacillante. En effet, les troubles (manifestations, grèves, blocages de routes, etc.) et l’effondrement de l’Etat (dégradation de la situation sécuritaire, dégradation du service public, etc.) ont fortement impacté l’économie tunisienne et sa productivité, le pays a même connu un taux de croissance négatif en 2011.

Notre fausse perception des pays « frères »

Contrairement à ce que laisse croire la communication officielle et les effets d’annonce médiatiques, ce ne sont pas les nantis du Golfe qui ont fait preuve de générosité dans leur soutien à la transition démocratique tunisienne. La notion de « fraternité » et de « solidarité panarabe » est sérieusement mise à rude épreuve par le schéma comparatif des taux d’intérêt sur les prêts contractés par la Tunisie.

 

En effet, parmi nos créanciers, c’est le Japon qui a été le plus clément dans ses conditions de financement, avec un taux d’intérêt de 0,6%. Hormis nos voisins algériens, les monarchies du Golfe (Arabie Saoudite, Qatar et Koweït) ont prêté à la Tunisie avec des taux d’intérêt proches de la moyenne en vigueur sur le marché financier. Pire, la Banque Islamique de Développement (BID) ou le Fond Arabe pour le Développement Economique et Social (FADES) ont octroyé des lignes de crédit avec des conditions assez désavantageuses au regard de la dégradation des indicateurs économiques de la Tunisie ; des taux de 3% et 3,25% sur des crédits qui dépassent 100 millions de dollar ont une lourde répercussion sur les modalités de remboursement, avec un impact direct sur les réserves en devises de la BCT. Pour un pays étouffé par le surendettement, ces conditions de crédit ont davantage creusé la dette extérieure.

La diplomatie économique tunisienne continue à ignorer le Japon

Avant ou après la révolution, la boussole de la diplomatie économique tunisienne reste figée sur l’axe France, Etats-Unis et pays du Golfe. Pourtant connu pour sa rigueur et son savoir-faire technologique, pour quelle raison les gouvernements successifs n’ont pas davantage développé la coopération avec le Japon ?

L’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) est présente à Tunis depuis 1975. Durant les deux derniers décennies, la JICA a réalisé en Tunisie plusieurs chantiers majeurs, notamment le Pont de Rades, l’autoroute Sfax-El Jem, une partie du système de contrôle des inondations de Oued Medjerda ou l’aménagement de la technopole de Borj-Cedria. A contrario de certains pays qui s’affichent en grands mécènes et capitalisent leurs soutien à la Tunisie par une communication politique qui frise l’indécence, le Japon a toujours agi dans la discrétion.

Contactée par Nawaat, la première secrétaire attachée à l’ambassade du Japon à Tunis, Aiko KADO nous a affirmé que « malgré sa discrétion, le Japon a intensifié sa coopération avec la Tunisie durant sa transition démocratique ». Il est actuellement le deuxième donateur derrière la France. Mme KADO fait également référence à la ligne de crédit allouée à la Tunisie en 2014, portant sur un montant de 38.075 millions de yens (soit 600 millions de dinars), et l’appui de JICA dans « l’exécution de projets de développement ». Il s’agit de trois projets majeurs : le COGEPT, un système de cogestion des pêcheries côtières au golfe de Gabès, achevé en septembre 2016. Le KAIZEN, un programme d’amélioration de la qualité et de la productivité de la production industrielle, en cours d’exécution. Et enfin, un programme de valorisation des résultats de la recherche sur les ressources biologiques, également en cours d’exécution.