Amateurisme journalistique, prédication, plagiat, très faible mixité des intervenants et propagande politique, la chaîne privée Al Insen TV dispose de moyens rudimentaires et d’un très faible audimat. Pour se distinguer auprès de ses téléspectateurs, ses animateurs la présentent comme une chaîne qui rame à contre-courant. Un leurre.
« Une chaîne culturelle de sensibilisation », c’est ainsi qu’Al Insen se présente. Du moins, depuis le 05 août 2015, date de son obtention de la licence de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), après avoir commencé sa diffusion en septembre 2012. A l’époque, elle se présentait comme « la chaîne du Coran et de la Sunna ». Aujourd’hui, même si elle a pris de la distance de prédicateurs wahhabites connus dont le tunisien Bechir Ben Hassen et l’égyptien Mohamed Hassan, elle maintient une grille de programmes très tournée vers la prédication et résolument réactionnaire. Elle n’a de culturel que le nom. Les femmes y sont totalement absentes. D’ailleurs, son instrumentalisation partisane est manifeste. Le rapport de la HAICA sur le pluralisme politique dans les médias audiovisuels durant le premier trimestre de 2016 relève que 99,39% du temps de parole sur Al Insen est accordé à des représentants d’Ennahdha. Le peu d’émissions aux allures journalistiques sont en rupture avec la déontologie et le droit du téléspectateur à un sérieux traitement de l’information. L’émission Hadath wa Hadith en est l’illustration parfaite.
Une audace mensongère
« Notre débat traitera d’un sujet tabou », lance le présentateur Ghaith Chafaï au début de l’émission Hadath wa Hadith consacrée à « la réalité de la drogue en Tunisie », diffusée vendredi 20 janvier. Plus tard, dans la même émission tournée dans un studio virtuel, il évoque « des médias qui banalisent les drogues et incitent à la consommation du cannabis ». Voilà que ses propres contradictions le trahissent. Les faits le démentent aussi. Rien que durant le mois de janvier courant Nessma, Attessia et El Hiwar Ettounsi, pour ne citer que les exemples les plus visibles, s’y sont intéressées. Des débats ont été consacrés au sujet dans Ness Nessma News du 04 janvier, Attessia Massa’an du 05 janvier et 24/7 du 23 janvier.
Plusieurs radios lui ont dédié du temps d’antenne : Radio Med le 19 Janvier, RTCI le 02 et le 19 janvier, Express Fm et Mosaïque Fm le 13 janvier, IFM le 10 janvier, Radio Jeunes et Cap Fm le 03 janvier. Les médias internationaux aussi dont Radio Monte Carlo Doualiya le 04 janvier et Al Jazeera Mubasher le 19 janvier. Même l’Agence France Presse (AFP) a publié une dépêche sur le sujet, notamment reprise par Libération, le 18 janvier. Bref, c’est plutôt Al Insen qui a pris beaucoup de retard pour évoquer le sujet. Et elle cherche à rattraper son atermoiement en adoptant la posture de « la chaîne audacieuse ». A part cette malhonnêteté, Al Insen transgresse la loi et la déontologie en faisant du plagiat une tradition dans la production de ses émissions.
Plagiat, amateurisme et alarmisme
Dans Hadath Wa Hadith du 20 janvier, ils ont plagié un reportage d’El Hiwar Ettounsi d’une durée de 11 minutes tout en recadrant l’image de sorte à cacher le logo de la chaîne détentrice des droits de diffusion. Dans son numéro du 24 janvier, la même émission a volé un reportage de Nawaat de 3 minutes et 20 secondes. Cependant, notre plateforme web a déjà connu le vol d’images de certaines chaînes privées tunisiennes dont Al Janoubeya et El Hiwar Ettounsi qui a diffusé les reportages de Nawaat en utilisant les mêmes subterfuges d’Al Insen. Ils recadrent et suppriment le logo, comme avec notre reportage à Jemna (Voir la vidéo de Nawaat, voir la vidéo diffusée sur El Hiwar Ettounsi).
Les contrevérités et l’exagération du présentateur de Hadath Wa Hadith attestent du manque de professionnalisme de la chaîne. Dans le numéro du 20 janvier, Ghaith Chafaï va jusqu’à prétendre que « le dealer frappe aux portes et leur demande de consommer ». L’alarmisme de l’animateur le pousse jusqu’à établir un lien entre drogue et attentats suicidaires. Overdose de superficialité et de simplisme. Dans l’édition du 24 janvier de la même émission, il se montre complètement à côté de la plaque quand il affirme que « la Loi 52 est la solution adoptée par les autorités pour lutter contre la consommation du cannabis après la révolution ».
Or, il s’agit d’une loi promulguée et mise en application depuis 1992. D’ailleurs, le contexte de la création de ce dispositif juridique a souvent été au cœur de la polémique vu ses fins politiciennes visant à faire oublier l’implication de Moncef Ben Ali, frère de Ben Ali et un des barons du réseau de trafic de stupéfiants appelé Couscous Connection. Le présentateur ne maîtrise même pas une information fondamentale dans le sujet débattu. Un manque de professionnalisme effarant s’ajoute au faux positionnement et au plagiat.
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