Au moment où les appels à ressusciter l’Agence Tunisienne de la Communication Extérieure (ATCE) se multiplient, au moment où les opérations de communication se substituent à l’action politique, au moment où le gouvernement a pondu un circulaire-filtre face à l’accès à l’information, l’actualité politique française nous rappelle à la raison.
Nombreux sont les enseignements de l’affaire Fillon. L’ex-premier ministre français, actuellement candidat de la droite aux présidentielles, a été épinglé par Le Canard Enchaîné et Mediapart. Près d’un million d’euros ont été versé à sa femme et ses enfants durant les dernières 15 années en tant qu’attachés parlementaires et conseillers alors qu’ils n’auraient pas réellement travaillé. Les accusations de népotisme et de corruption viennent bouleverser la campagne de François Fillon, et donc, redistribuer les cartes à trois mois des élections présidentielles françaises. Pour échapper au naufrage, Fillon s’offre les services d’Anne Méaux, patronne d’Image 7. Un nom qui s’est déjà invité dans l’actualité tunisienne.
Les limites de la démocratie
En juin 2011, Le Canard Enchaîné a révélé que la boite d’Anne Méaux a développé un « discret réseau d’influence » en faveur du régime de Ben Ali constitué de journalistes et de patrons de presse « tout acquis à sa cause ». Une mission de vaste propagande payée par le contribuable à travers l’ATCE à hauteur de 200.000 euros par an. Critiquée au sein même du camp Fillon, la dame semble avoir une clientèle sensible au népotisme et aux malversations. Au moment où les appels à ressusciter l’Agence Tunisienne de la Communication Extérieure (ATCE) se multiplient, l’affaire Fillon nous rappelle que la communication ne peut pas se substituer à l’action politique. Au moment où certains ministres tunisiens se plaisent à tenter des coups de comm’, elle nous rappelle que l’impact de tout succès communicationnel n’est qu’éphémère s’il ne se traduit pas en réalité durable. Mais elle nous rappelle surtout que la démocratie ne représente pas, à elle seule, une immunité contre la corruption et le clientélisme. La transparence est nécessaire mais aussi les médias professionnels et indépendants tels que Le Canard Enchaîné et Mediapart ont un rôle déterminant à jouer.
Le népotisme, bombe à retardement
En Tunisie, le népotisme est une tradition. Pourtant vomie suite à la chute de l’ancienne famille au pouvoir, il a refait surface. Dans ce sens, deux exemples sont incontournables. La nomination de Rafik Bouchleka, gendre de Rached Ghannouchi, à la tête du ministère des Affaires Etrangères fin 2011 sous le gouvernement de la Troïka. Plus récemment, l’ascension de Hafedh Caid Essebsi, catapulté aux premiers rangs de Nidaa Tounes par son père, jusqu’à conduire le parti à des scissions successives. De quoi affaiblir la majorité, déstabiliser le groupe parlementaire et dans un effet domino, l’ensemble de la classe dirigeante.
L’affaire Fillon devrait rappeler que, même si on échappe aux représailles juridiques du mélange entre famille et politique, la facture se paye cash, tôt ou tard, en crédit politique. Et elle est plutôt lourde. Aussi lourde que la facture de nuitées au Sheraton, aussi lourde qu’un don chinois à 7 chiffres, aussi lourde que l’effritement d’un parti quelques mois après sa victoire aux élections.
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