Politiquement, il y a deux manières de réfléchir. Soit du point de vue de l’Etat, c’est-à-dire (et ce n’est pas un raccourci) du point de vue de la classe dominante, des puissants en gros. Soit du point de vue de ceux qui souffrent. Et il n’y a pas de synthèse possible. Ainsi, prenez un riche. Ou quelqu’un qui le représente. Demandez-lui ce qu’il pense des mouvements de la contestation dans le sud. Il vous répondra qu’il a beaucoup de compassion pour les jeunes chômeurs et leurs familles, que leurs demandes sont « légitimes », mais qu’il est tout à fait inconvenant de bloquer la production et d’avancer des revendications irréalistes qui menacent la stabilité et la pérennité de l’Etat. Ou alors qu’il ne faut pas que ceux qui n’ont rien soient égoïstes et menacent l’économie nationale, c’est-à-dire finalement l’Etat.
Autrement dit, pour délégitimer des revendications et des luttes vitales, impératives, très concrètes, ce riche, ou celui qui parle en son nom même s’il affirme le contraire, invoquera des abstractions. Il utilisera des concepts qui nous semblent parler de réalités concrètes mais qui, au vrai, planent à une telle hauteur qu’à ce niveau même le sommet de la montagne a le vertige. Jamais, il ne vous dira : « Moi, en tant que riche… ». Jamais, il ne vous dira : « Ces luttes menacent les moyens d’enrichissement de la classe des riches dont j’ai le plaisir de faire partie ». Jamais, il n’invoquera ses intérêts particuliers. Il parlera toujours du point de vue d’un tous abstrait, d’une communauté d’intérêts abstraite autant qu’illusoire, c’est-à-dire de l’Etat. Toutes les questions politiques, économiques, sociales, il les abordera d’un point de vue général ou, plus exactement, il masquera les intérêts très particuliers qui sont les siens par l’intérêt commun. Je dis le « riche », mais en fait cette manière de réfléchir se décline sur tous les tons dès qu’on a quelques privilèges, économiques ou autres, que l’on perçoit comme menacés par la révolte de ceux qui n’ont en partage que les privations et la souffrance.
Et bien sûr, nous avons des intellectuels, des journalistes, des fonctionnaires, des experts, des politiques, des juristes – les juristes, ce sont les pires ! – qui légitiment cette pensée, une pensée de l’Etat, la pensée des riches en fait, comme la seule convenable. Au point que même ceux qui sont privés de tout, de l’essentiel et non pas du superflu, et qui pourtant pensent « naturellement » à partir de leur drame immédiat et concret, et ont tout intérêt à penser ainsi, se sentent souvent contraints d’adopter ce même point de vue qui n’est pas le leur. Pour justifier leurs revendications, leur manière de réfléchir et de voir les choses, ils n’ont pas le choix s’ils veulent qu’on les écoute, et parfois ils en arrivent à croire que c’est la bonne manière de penser, que de prétendre servir l’intérêt général et l’Etat. Plutôt que d’affirmer tout de go : « Je veux du pain parce que j’ai faim », ils en sont réduits à dire : « Je veux du pain parce que c’est bon pour l’Etat ou la communauté nationale », « Je veux du pain, mais attention, dans la seule mesure où ça ne fait pas baisser la croissance », ou tout autre formule du même genre.
Rassurez-vous, leur dit-on, les équilibres macro-économiques s’améliorent. Si cela se confirme et, pour que cela se confirme, le mieux est que vous patientiez tranquillement chez vous, si cela se confirme, donc, vous pourrez bénéficier des « retombées » de la croissance. Bref, ce qu’on leur promet, en échange de la paix sociale, de leur subordination pour dire les choses comme elles sont, c’est d’être des êtres humains qui vivent des « retombées ». Le paysan scrutait le ciel dans l’attente de la pluie, désormais, quand on est pauvre et démuni, il faut scruter les équilibres macro-économiques dans l’attente des « retombées ». Misérable destin !
« Il faut raison garder », « il faut être responsable », « il faut être réaliste », voilà trois lieux communs dont sont friands ceux qui pensent à partir de l’Etat. Or, le Réalisme n’existe pas. Le réalisme avec un grand « r » n’est qu’une supercherie de l’Etat. De l’Etat moderne, capitaliste, rationnel, « neutre ». Il n’y a pas un réalisme qui s’oppose à un non-réalisme, des réalistes qui s’opposent à des non-réalistes. Il y a un réalisme d’en haut qui s’oppose à un réalisme d’en bas. C’est tout. Quand on dit à nos concitoyens qui bloquent les routes, qui bloquent les pompes à pétrole, qui bloquent la production, etc., que leurs revendications ne sont pas responsables ou qu’elles ne sont pas réalistes (mais enfin, qu’est-ce qui est donc plus réaliste pour ceux qui n’ont rien que de lutter « par tous les moyens nécessaires », comme disait Malcolm X, pour avoir quelque chose ?) alors que leurs revendications et leurs luttes sont pour eux une condition de survie, physique et morale, qu’elles sont la condition de leur dignité, on prétend être raisonnables. Et on l’est d’une certaine manière qui est la manière de l’Etat, de l’« Economie », et en définitive – je ne me lasserai pas de le dire – de ceux qui vivent bien, très bien, et même formidablement bien, au prix du sacrifice de ceux qui n’ont rien ou vraiment pas grand-chose.
Quand, sous la pression, on consent enfin à leur faire quelques concessions, on a le toupet, l’aplomb, le culot, l’outrecuidance, de présenter ces piètres concessions comme des sacrifices que fait la « communauté nationale » à travers l’Etat. Et si, d’aventure, le pauvre, le démuni, le chômeur, celui qui n’a rien, rejette fièrement les misérables concessions dont on lui fait l’aumône, on le bastonne, on l’étouffe, on le lacrymogène, on le met en prison, on lui tire dessus (car c’est là la pensée concrète de l’Etat, ses « moyens nécessaires » à lui), pour le punir de tant de toupet, de culot, d’outrecuidance, d’arrogance, d’égoïsme, d’irréalisme, de sabotage, d’atteinte à l’intérêt collectif et à l’Etat.
L’humaniste, qui pense l’intérêt général et se risque parfois jusqu’à être de gauche, est du coup désemparé. Comme il est accoutumé à réfléchir politiquement à partir des abstractions de l’Etat, il craint sincèrement que ces luttes sociales qui s’étendent, qui durent, qui se radicalisent, ne desservent l’« Economie ». Mais, comme il est humaniste, il ne saurait tolérer tant d’injustice, la misère et les pogroms policiers comme il hait, du reste, la violence et la contre-violence populaire, c’est-à-dire la violence autodéfensive. Alors, il prend la tangente. Il défend les droits de l’homme, deux abstractions en une seule, et prône le dialogue (là où « négociations » pourrait faire sens) et le consensus, deux abstractions étatiques supplémentaires qui s’opposent à la pensée concrète, réalistement réaliste, particulière, impérative, des luttes sociales, « par tous les moyens nécessaires ».
L’Etat m’insupporte.
L’humanisme m’indiffère.
N’acceptez jamais votre sort !
Bel article
C’est tout simplement, la réalité des classes sociaux…d’un côté, Une lutte sans merci pour garder les privilèges… Tous les moyens sont bon, même les discours misérables du genre, les pauvres, les contestataires, ont raison, mais, il faut regarder l’intérêt commun, général,… En somme, politiquement, c’est le social libéralisme… D’où les petits sacrifices, à travers des petites mesures urgentes et d’autres Après ! Si Dieu le veut !
La droite libérale c’est sec avec elle. Tu manifeste, tu es d’office lacrymogèné, arrêté, …
La classe populaire, les chômeurs des longues durées, leur conscience de classe dans ces sociétés actuelles, n’a de sens que par les luttes. Ainsi a voulu le principe de la lutte des classes, je veux dire la nature.
Sans les luttes, il n y a pas des droits, des nouveaux droits, du progrès…
La classe populaire, les chômeurs longues durées,… leurs conscience
عقلية البرجوازية في التمسك بالدولة التي تحمي ما نسميه المصلحة العامة لا تتغير … أيام الديكتاتورية موقف البرجوازية واحد ، موقفها بعد الثورة واحد لا يتغير (المحافظة على المكاسب )… سلوك الدولة منذ هروب بن علي ، لم يندرج في إعادة توزيع الثروات و الحكم .. لحد الآن المسارات الدستورية التي يحملها دستور جانفي 2014 معطلة ، خاصة و أنها تتضمن نوع من العدالة الاجتماعية و نوع من المساواة ، و حرية الضمير ، لم تتعود عليها البرجوازية التونسية … تكاثر لوبيات الفساد و ترعرعها بعد الثورة ، هو نفسه صناعة برجوازية ، سخرت كثير من المحرومين مع الأسف ، لخلق مكاسب أخرى ، منها السياسي ، و منها الثراء … فالمعركة بالأساس معركة أفكار ، و من يربح معركة الأفكار يربح معركة صراع الطبقات …
جأت احتجاجات تطاوين تحمل بعد نضالي عميق على مستوى معركة الأفكار … اليوم يجب أن يفهم الجميع أن التمويه على الشعب لا يخدم أحد .. و أن الذهاب في طريق الانخراط في مستحقات الثورة و اهدافها ، هو الطريق الوحيد … و هذا يستوجب تحديد ضرورات البناء الوطني الجديد ، لتكون تونس متحركة ، منتجة ، فاعلة ، و لا تذهب الأمور لنموت تاريخيا على مستوى كوكب الصراع ، كوكب الحركة و التنافس .
ضرورات البناء الوطني الجديد:
1 – الرعاية الصحية و الاجتماعية للجميع ، من الحمل إلى الوفاة ،
كيف التمويل ؟ بالمساهمة للعمال و الأعراف ،
كيف تكبر المساهمة بخلق فرص العمل ؟
ما هو طريق خلق فرص العمل ؟ الاستثمار ، محاربة الفساد ، خلق مناخ تنموي آمن ،
كيف يمكن للمساهمة الوطنية أن تغطي حاجيات كل السكان ؟ يجب إدخال كل المنظومات الهامشية و الموازية في الدورة المنظمة (مع إلغاء الفاسد منها ).. هكذا يمكن خلق على مدى 3 سنوات على الأقل نصف مليون فرصة عمل .. من سيضمن حسن تسيير تلك الأموال ؟ التصرف الديمقراطي و المراقبة الديمقراطية و الاجتماعية و جمعيات المجتمع المدني المختصتة.. مع منظومة شفافية قوية و مراقبة إدارية جادة .. هكذا نكون قد ألمامنا “بكل” آليات حسن التصرف ، و حسن الحوكمة و يكون تفعيل كل ذلك خيرا على البلاد و العباد…
2 – الدفع لإستكمال المسارات العالقة .. هكذا نكون حققنا الإطار الحوكمي النافع (الدولة القوية بمؤسساتها، خلقنا مناخ إستثمار شفاف و آمن ، حررنا المبادرات ، و فعلنا حرية الضمير لتكون خلاقة و تحقق الكرامة لكل تونسي و هكذا نقضي على كل عنصرية و تمييز ؛ و يصبح الفرد ينظر لما يقدم للمجتمع و يخرج نوعا ما من الانزواء الطبقي)؛ كل تونسي و تونسية يشعروا أن لهم وطن يستوعب الجميع، يحمي الجميع و يدفع الجميع للمساهمة … ثم ما تبقى يأتي (التقليص من المديونية ، المنوال التنموي الجديد ، الممارسة الديمقراطية ستتنمى و ترقى لتكون في أحلى مشاهدها …).
هذا أقل ما يمكن ؛ و يمكن لكل العائلات السياسية أن تلتقي عليه … السياسي في دولة الثورة له دور احتواء الصراع الطبقي الذي يدفع لتستمر آليات التهميش ، التمييز،…
ما أقدمه هنا ليس نفي لأي طبقة إجتماعية ، و انما هو تمشي يقبله العقل ، فتونس لا تحمل إستمرار الفوارق الحالية .. فقبل الانفجار ، يجب حل وسط .. في غياب ذلك ستكون دائما الدولة في خدمة مكاسب معينة ، و قد يكون لها قدرة تماسك لفترة من الزمن ، لكن حياة التماسك عبر آليات التهميش المتواصل و التمييز المقيت ، و آليات الدفع لتكون الفوارق الاجتماعية و غيرها هي سيدة الموقف ، هذه الحياة ليست خالدة .
و ثورة 17 ديسمبر ، 14 جانفي جأت لتوحي لنا بأننا في طريق غير سليم ، و أن المصلحة العامة لها تفسير آخر غير الذي تعودنا عليه …
هل سنفهم رسالةالثورة ؟ أليس الحرب على الفساد تبدأ من هنا ؟ إعادة توزيع الثروة و الحكم .
Analyse magistrale!
Mais, ajoutons que depuis ces dernières heures, après la violence et la brutalité étatiques, nous assistons au déploiement des techniques de diversion dont l’objectif est de détourner les regards de cette violence en fabriquant le consentement et la condamnation unanimes d’un “ennemi” commode”la corruption”, même s’il est sécrété par le système!
Tout discours est situé, mais les ruses de la raison et de l’idéologie peuvent porter ou emporter certains à tenir des positions pas toujours en cohérence avec leurs position ou place sociale. On peut aller jusqu’à conforter le camp que l’on prétend ou compte combattre…en toute bonne foi et méconnaissance.
La ou Les Lumières se moquent bien de ce qu’il advient de leurs effets sur les hommes et leurs consciences, chacun demeure responsable de ses actes y compris de ses contradictions.
Voilà un exemple parfait de masturbation intellectuelle dans un salon petit bourgeois..Un discours qu in’a aucun rapport et aucun contact avec la réalité des contradictions sociales? Il ignore l’histoire des luttes sociales. L’Etat c’est comme le Dieu des croyants et des religieux, sauf que c’est l’ennemi, mais de qui SVP. L’auteur à atteint le stade ultime des contradictions du discours abstrait. C’est comme le chat qui tourne sur lui-même parce qu’il veut mordre sa queue?
Beaucoup d’amalgames d’un pseudo-gauchiste dans un discours qui tourne en rond et se perds dans l’abstrait. L’anarchisme n’a abouti à rien, historiquement et théoriquement. Seul le réel est omniprésent et détermine tout. L’auteur devrait relire les philosophes grecs qui ont mis les base de la réflexion et ceux des catégories de la raison. Sans ces principe de base tout discours devient une masturbation intellectuelle. Or les masses populaires (du su) n’ont pas besoin de cela.