Le député Hatem Chahreddine Ferjani fait partie de la composition du nouveau gouvernement de Youssef Chahed en tant que secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la diplomatie économique. En cas d’investiture, il devrait céder son siège à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) au sein du bloc Nidaa Tounes, selon les dispositions de l’article 35 de la loi organique n° 2014-16 du 26 Mai 2014 relative aux élections et aux référendums interdisant le cumul de fonctions dans des cas semblables. Le nom de Ferjani a été proposé directement par Nidaa Tounes selon les dires de Borhen Bsaies hier sur Shems FM pour faire partie du nouveau gouvernement Chahed. Elu de la circonscription électorale d’Allemagne qui n’est représentée à l’ARP que par un seul siège, Ferjani était le seul candidat de sa liste aux dernières élections législatives. En effet, la loi électorale de 2014, dans son article 34, stipule qu’« en cas d’épuisement des candidats à partir de la liste initiale, sont organisées des élections partielles dans un délai n’excédant pas quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date de la vacance ».

Il faudrait donc organiser, dans les 90 jours suivants la démission officielle de Ferjani de l’ARP, des élections dans la circonscription électorale d’Allemagne afin de le remplacer. Une session extraordinaire se tiendra, lundi 11 septembre, pour accorder la confiance au nouveau gouvernement, d’une manière individuelle, pour chaque responsable nommé, d’après le député de Nida Tounes Mongi Harbaoui, assesseur chargé de la communication. Depuis la révélation de Borhen Bsaies concernant la volonté de Nida Tounes de présenter la candidature de Hafedh Caïd Essebsi pour remplacer Ferjani, la manœuvre s’éclaircit. Le fils du président de la République ne semble pas avoir abandonné son ambition d’intégrer l’ARP, avortée à la veille des élections de 2014 suite à de nombreuses pressions et accusations de népotisme.

S’il est élu, Hafedh Caïd Essebsi, aujourd’hui directeur exécutif de Nidaa Tounes, pourrait être propulsé président du bloc du parti à l’ARP, devenant ainsi chef d’orchestre du deuxième groupe parlementaire à l’assemblée. Néanmoins, le scénario peut être poussé bien plus loin. L’article 50 du règlement intérieur de l’ARP stipule que :

L’Assemblée des Représentants du Peuple peut retirer sa confiance de son Président ou l’un de ses vice-présidents à la majorité absolue des membres de l’Assemblée, et ce par une demande écrite et motivée présentée au Bureau de l’Assemblée par au moins un tiers (1/3) des membres. La demande est soumise à la séance plénière pour voter sur le retrait de confiance ou non dans un délai ne dépassant pas trois semaines de son dépôt au bureau d’ordre.

La vacance constatée suite à un retrait de confiance est comblée par la même procédure d’élection prévue par les articles 10 et 11 du présent règlement intérieur.”

Il est donc tout à fait possible que quelconque député se présente à la présidence de l’ARP, y compris Hafedh Caid Essebsi en cas de remplacement de Hatem Chahreddine Ferjani. Et il peut même aller plus loin. En cas de vacance du poste de président de la République, “pour cause de décès, d’incapacité permanente ou pour tout autre motif de vacance définitive”, c’est le président de l’ARP qui occuperait provisoirement ce poste, selon l’article 84, paragraphe 2, de la Constitution:

Si la vacance provisoire excède les soixante jours ou en cas de présentation par le Président de la République de sa démission écrite au Président de la Cour constitutionnelle, de décès ou d’incapacité permanente ou pour tout autre motif de vacance définitive, la Cour constitutionnelle se réunit sans délai, constate la vacance définitive et en informe le Président de l’Assemblée des représentants du peuple qui est sans délai investi des fonctions de Président de la République par intérim, pour une période de quarante-cinq jours au moins et de quatre-vingt-dix jours au plus.

De plus, l’article 86 dispose que:

Au cours de la vacance provisoire ou définitive, le Président de la République par intérim exerce les fonctions présidentielles. Il ne peut prendre l’initiative d’une révision de la Constitution, recourir au référendum ou dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple.

Au cours de la période d’intérim présidentiel, il est procédé à l’élection d’un nouveau Président pour un mandat présidentiel entier, il ne peut également être présenté de motion de censure contre le Gouvernement.”

En clair, si Beji Caid Essebsi venait à disparaitre et que Hafedh ait été élu président de l’ARP entre temps, il deviendrait président de la République par intérim jusqu’à l’organisation d’élections présidentielles. Quand on observe la difficulté de mettre en place des élections municipales, qui seront probablement retardées, ce scénario n’envisage rien de bon pour l’alternance au pouvoir.

La manœuvre annoncée par Bsaies pour que Nida Tounes puisse placer Hafedh Caid Essebsi à l’ARP risque d’aller bien loin, très loin, surtout que Mohamed Ennaceur a l’air de plus en plus distant de ce parti. Aujourd’hui, rien n’indique qu’il bénéficie réellement de son soutien.