Le déficit de la balance commerciale s’établit désormais à 10068 millions de dinars, c’est ce que révèlent les résultats des échanges commerciaux de la Tunisie durant les huit mois de l’année 2017 dernièrement publiés par l’Institut National de la Statistique (INS). Il dépasse ainsi le pic historique de 9.408 millions de dinars atteint au cours de la même période en 2014. Au terme de l’année 2017, le déficit commercial du pays risque vraisemblablement de dépasser le déficit record de 13.636 millions de dinars atteint en 2014, spécialement au regard de la dépréciation tenancière du dinar. Cette situation est essentiellement due aux dérapages au niveau des importations, elles ont fait un bond de 19,3% depuis le début de 2017 pour avoisiner les 32 milliards de dinars.

La fragilisation de la position extérieure du pays

La Tunisie fait face à des difficultés budgétaires importantes, son économie est actuellement maintenue sous perfusion grâce au recours à l’endettement extérieur. Le déficit commercial en est l’une des principales causes, c’est d’ailleurs un facteur qui a motivé la dégradation de la note souveraine du pays par l’agence Moody’s.

La détérioration du déficit commercial est entrain d’exercer une pression sur les avoirs en devises de la Banque Centrale. Après avoir dégringolé en dessous du seuil de 90 jours d’importation à la mi-août, ceux-ci se sont retrouvés artificiellement maintenus au-dessus de ce seuil grâce au décaissement des emprunts extérieurs, une semaine plus tard. Résultat, la Tunisie disposera d’encore moins de ressources en devises pour assurer son approvisionnement ainsi que pour faire face à l’envolée du service de sa dette extérieure. Ce dernier a connu une hausse de 33%, passant de 3,6 à 4,8 milliards de dinars. En outre, le déficit commercial aura un impact direct sur le taux de change, avec une dépréciation plus importante du dinar, qui a déjà perdu 16% de sa valeur par rapport à l’euro depuis le début de l’année. Une situation qui affectera davantage le service de la dette.

La nécessité de protéger le tissu industriel

La production industrielle est en berne depuis quelques années, l’évolution de l’Indice de Production Industrielle (IPI) montre un encéphalogramme relativement plat, voire légèrement décroissant. Il a d’ailleurs enregistré une baisse de 2,3% au cours du deuxième trimestre de l’année 2017. C’est un dommage collatéral de la dérive des importations, particulièrement celles des produits de consommation équivalents à ceux produits localement, préjudiciable pour plusieurs secteurs d’activité comme le cuir et les chaussures, le textile et l’habillement, les équipements électroménagers, l’ameublement, etc. L’invasion des franchises étrangères n’a rien arrangé à la situation. Marques de voitures, de prêt à porter ou de cuisines… Les hommes d’affaires tunisiens font de plus en plus le choix de la facilité en optant pour la distribution de produits importés, contribuant largement à la réduction des investissements industriels.

Au cours des huit premiers mois de l’année, les importations de biens de consommation autre qu’alimentaires ont connu une hausse de 20,9 %. Il est devenu urgent de pallier à cette fuite en avant, car ces produits ne sont pas de première nécessité. Non-seulement ils menacent le tissu productif local, mais ils alourdissent la facture en devises, chose que les autorités ne peuvent plus se permettre étant donné le niveau du déficit commercial. Alors que les accords de libre-échange prévoient des mesures dérogatoires pour la rationalisation des importations, le gouvernement tunisien n’y a pas procédé. Les autorités se doivent de sortir de leur léthargie pour limiter la casse, surtout que le dinar va avoir une tendance à la dépréciation.

La loi de finances 2018 leur en offre l’opportunité. A côté de l’introduction de mesures fiscales et la réduction des quotas visant à restreindre l’importation de certains produits, il serait utile qu’elle puisse inclure des mesures pour booster les exportations et pour améliorer la compétitivité du tissu industriel, notamment en encourageant les investissements visant à optimiser la valeur ajoutée en modernisant l’équipement et en améliorant la qualité.