16h, Bab Bhar. Des cyclistes fusent des rues adjacentes pour venir se regrouper. Hommes, femmes, enfants, jeunes et moins jeunes, Tunisiens ou étrangers, amateurs ou passionnés, la bonne humeur est au rendez-vous, tout comme le drapeau tunisien, accroché à leurs guidons ou par-dessus les vêtements de sport.
Hamza Abderrahim, ingénieur en mécanique de 27 ans et président de l’association Vélorution Tunisie, donne les dernières consignes avant le départ. Encadrés par une trentaine de bénévoles aux maillots colorés, les cyclistes se préparent à faire le tour des portes de la ville de Tunis : Bab Bhar, Bab Jazira, Kasbah, Bab Souika, Bab El Khadra, en passant par Lafayette, le Passage et l’avenue Bourguiba. Le groupe ne passe pas inaperçu, ils sont plusieurs dizaines à participer à cette nouvelle édition de « Tunis by bike ». C’est justement le but de ces défilés appelés « masses critiques » : manifester à bicyclette, chaque mois, en étant assez nombreux pour pouvoir s’engager dans la rue et l’occuper en toute sécurité.
Plus on est nombreux, plus on s’impose, plus les voitures deviennent marginales et plus on est en sécurité. Ça nous permet de renverser le rapport de force face à la voiture, résume Stéphanie Pouessel, anthropologue de 37 ans et cofondatrice de l’association.
« Révolution by bike » est le nom de cette neuvième parade organisée par le collectif. « Pour le premier rassemblement spontané, en avril 2017, on était 20. Lors du deuxième, en mai, on était 200 ! Face à tout cet engouement, on s’est dit qu’on ne pouvait pas en rester là », raconte Stéphanie. En novembre 2017, l’association est officiellement constituée. « Le nom ‘Vélorution’ n’est pas spécifique au contexte tunisien, même s’il y correspond bien. Ça fait partie d’un mouvement international, dont on partage la philosophie », continue-t-elle. « On a gardé cet esprit. Chaque mois, on fait au moins un événement pour regrouper tous les cyclistes. On partage un esprit, une ambiance », ajoute Hamza Abderrahim. Au fil des événements, c’est une vraie émulation d’idées et de projets qui s’est formée autour du thème du vélo comme moyen de mobilité quotidien en milieu urbain, qui se popularise au-delà de Tunis, à Sfax par exemple. Les participants ont tous leur raison de faire du vélo. Si certains viennent pour le plaisir et utilisent le vélo comme un loisir ou une façon d’expérimenter la ville différemment, d’autres revendiquent leur militantisme.
Il y a des gens qui luttent contre les voitures, les embouteillages et le non-respect du code de la route, ils cherchent leur sécurité. On demande le partage des routes et des rues, avoir des pistes cyclables pour pouvoir aller au travail et faire nos courses en vélo. […] On sait qu’on peut faire mieux, pour la circulation, la pollution et la santé, explique Hamza.
Utiliser sa bicyclette serait-il une réponse politique ? « C’est une solution à plein de problèmes », résume Hamza. S’il ne s’agit pas à l’origine d’un mouvement écologique ni même politique, Vélorution porte des considérations environnementales qui répondent au contexte national : choisir le vélo, c’est de fait lutter contre la pollution routière qui envahit la ville, éviter d’alourdir les problèmes de circulation et comme l’énonce l’un de leurs slogans : « 0 litres de carburant, c’est 0 dinar de dépensé ». C’est donc aussi une question économique : mis à part l’achat et l’entretien relativement peu coûteux de la bicyclette, c’est un moyen de transport gratuit. Traditionnellement, le vélo est plus utilisé en région, où les transports publics ne sont pas toujours disponibles et où la voiture coûte trop cher.
Le vélo est aussi une réponse aux problèmes de santé contemporains liés à l’urbanité. Dépressions, maladies cardiovasculaires, diabète, cancer, plusieurs études internationales affirment le pouvoir préventif de l’utilisation du vélo au quotidien. Dans une étude menée en Europe en 2014, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait qu’investir dans le vélo serait à la fois rentable économiquement et bénéfique pour la santé et l’environnement.
Et puis, « il y a une volonté de renouer avec la nature, à vélo tu es plus proche de ton environnement, tu peux facilement t’arrêter pour parler avec les gens ou découvrir des endroits où tu ne serais pas allé en voiture. […] Il y a une vraie sensation de liberté », décrit Stéphanie, « on retrouve son autonomie, on ne dépend plus de l’horaire du bus ou du bon vouloir du taxi… On retrouve des sensations que, parfois, la ville nous vole ». Un sentiment de liberté retrouvée qui a donné l’idée à l’association Tunisie Vélorution d’organiser son défilé mensuel la veille de l’anniversaire de la Révolution. Dénuée d’appartenance politique ou de prétention révolutionnaire, Tunisie Vélorution œuvre toutefois à porter vers la sphère politique les attentes des citoyens en ce qui concerne la réforme des modes de transport, l’économie, la santé, ou l’aménagement du territoire.
Car si l’utilisation et la promotion de la bicyclette pour la mobilité quotidienne en dehors du sport ou du tourisme est une solution entièrement citoyenne, une prise en considération de la part de l’Etat est nécessaire, à commencer par la création de pistes cyclables. « Peut-être qu’un jour, le ministre des transports ou de la santé viendra participer à l’un de nos défilés ! », espère Stéphanie Pouessel. En attendant, les projets de l’association se multiplient : vélo-école pour adultes, parking gratuit, ou encore atelier de réparation. D’ailleurs, les adhésions seront lancées au cours de la semaine.
Nous partageons les valeurs.
Se sont des valeurs de l’économie circulaires.
Toutes nos félicitations.
Souhaitons vous voir le Concept Canadien
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سعيد الوكيل