Lorgnant du côté de la répression qui guette une jeunesse candidate au départ, Omertà de Mariam Ferjani et Mehdi Hamnane est fidèle au programme de son titre. C’est la loi du silence qui charpente son récit. Avec ses amis Ali et Ibrahim, Yahya célèbre la dernière nuit de sa sœur Donia, la veille de son départ en France en passant la nuit sur la plage pour fumer quelques joints. Sur cette corde lisse, rien qui dépasse jusque-là. Mais tout bascule à l’aube, quand Yahia disparaît. Cette disparition trouble la bande: ne supportant pas de lâcher son frère, Donia veut informer les autorités de sa disparition, quitte à rater son vol et se faire arrêter par la police pour consommation de stupéfiants. Bien qu’un peu flou sur l’écriture de l’engrenage, le fait de se raccrocher à ce dilemme comme bouée scénaristique ne s’avère pas du tout une mauvaise idée.
Ce qui affaiblit Omertà, en revanche, ce sont les raccourcis de représentation. Si l’exposé de la situation dans sa première partie fonctionne gentiment, avec un lâcher-prise joliment capté qui laisse filtrer l’unité de cette bande d’amis, c’est la deuxième partie qui s’avère laborieuse. Plus enclin sur papier à mettre les pieds dans le plat, son rythme évolue à mesure que la situation épouse sa pente dramaturgique. Mais le film peine à cerner le trop plein de tension au moment où la police débarque sur la plage – irruption que rien n’explique si ce n’est la nécessité de trouver un nœud supplémentaire à quoi s’agripper. Compte à rebours à l’appui, la tension monte à la dernière seconde entre la ténacité de la sœur et la lâcheté de ses deux amis. Si cette valse tourne court, on regrette qu’une mise en scène plus appuyée n’ait pu en compenser la mollesse.
Si elle s’efforce à la note tenue, la mise en scène d’Omertà semble diffuser quelque chose qui manque d’aspérité, glissant plutôt sur la surface de sa dramaturgie. La fiction laisse sans doute une grande place à la détresse de la jeunesse, que capte une caméra collée aux corps. Mais c’est au moment où elle s’accroche aux débordements qu’elle révèle ses limites, impuissante qu’elle est à nous montrer autre chose que ce que les dialogues nous disent. À ces limites, s’ajoute la difficulté qu’éprouvent les personnages à négocier leur solidarité qui finira par voler en éclats. Les dialogues, en appuyant chaque propos, se contentent d’offrir aux spectateurs de pales répliques, pas forcément employées à bon escient. Avec une gestion des durées qui tourne court, l’émotion devient surplombée: elle se fait très vite rattraper par le sprint qu’on lui impose.
En pilotage automatique, Omertà a le souffle court. À le considérer depuis la bonne volonté de ses coréalisateurs, il est sûrement honnête mais peu convaincant. Se contentant de jouer sur une corde qui se veut bien tendue, avec l’urgence de la situation dans laquelle la bande d’amis se trouve enfoncée, cette fiction peinturlurée de drame se révèle moins déchirante qu’elle n’aurait dû l’être ; elle retient en otage la nature explosive de cette jeunesse. L’intérêt du propos ne devant pas faire oublier les faiblesses de sa forme, on aurait aimé que le désir d’acteur secoue davantage les comédiens. Mais on préférera retenir l’élan du départ et la photographie bien appliquée qui laissent attendre des deux jeunes cinéastes une démarche plus aboutie.
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