Le naufrage qui a couté la vie à 75 personnes au large des îles Kerkennah ce dimanche nous rappelle l’inégalité qui frappe les citoyens tunisiens en matière de mobilité. On ne le rappellera jamais assez mais ce qu’on appelle « les drames » en Méditerranée ne sont pas le fruit d’un hasard tragique mais de politiques publiques européennes, dont les Tunisiens font les frais jusqu’aujourd’hui. Non seulement, la Tunisie est un de ces pays où les citoyens sont soumis de manière systématique aux visas des Etats européens et à leurs lourdes procédures paperassières, mais à l’intérieur même du pays, les citoyens sont inégalement pourvus face à la paperasse et aux exigences absurdes des consulats de l’autre rive optant pour une politique d’immigration sélective. En matière de migration, les autorités tunisiennes ne font rien pour améliorer la situation de ceux qui ne sont pas en mesure d’obtenir des visas, bien au contraire, puisque depuis des années, c’est l’agenda sécuritaire européen réprimant passeurs et migrants, qu’elles ont adopté.
Le visa a une histoire
Tout au long du 20ème siècle, les migrations entre les rives de la Méditerranée se sont faites de manière plus ou moins libres. Mais à partir de la mise en application de l’accord de Schengen en mars 1995, le glas de la liberté de circulation a sonné. Si en Europe cet accord est synonyme de progrès puisqu’il abolit les frontières à l’intérieur du continent, les Européens oublient souvent de mentionner son autre versant qui voit l’effacement des frontières intérieures compensé par le renforcement des frontières extérieures de l’espace Schengen. Renforcement qui s’est soldé par la mort de milliers de personnes en Méditerranée. Cette politique meurtrière est jusqu’aujourd’hui camouflée sous le vocabulaire de la « tragédie humaine », du « drame », pourtant ce sont des politiques publiques très concrètes qui ont transformé la Méditerranée en cimetière.
L’harmonisation des conditions d’entrée au sein des pays membres de l’espace Schengen a entrainé un durcissement généralisé. Au fil des années, les frontières se sont fermées aux moins lotis du Sud. Le durcissement des politiques migratoires européennes n’est pas resté sans effet en Tunisie. Face à l’impossibilité pour certains citoyens tunisiens d’obtenir des visas, notamment ceux qui n’ont pas d’emploi ou de sécurité sociale, des réseaux de traversée maritime clandestins se sont mis en place vers les côtes italiennes. Face à ce phénomène, la législation tunisienne a suivi la pente répressive. Ainsi, la loi relative aux passeports et aux documents de voyage énonce que “Tout Tunisien qui quittera sciemment le territoire tunisien ou y entrera sans être muni d’un document de voyage officiel sera puni d’un emprisonnement de 15 jours à 6 mois et d’une amende de 30 à 120 dinars ou de l’une de ces deux peines seulement“.
Comme le note Mehdi Mabrouk, spécialiste de la sociologie des migrations, « ces lois répressives se sont mises en place à peu près au même moment dans les pays du Maghreb ». Bien qu’il soit difficile de le confirmer au vu de l’indisponibilité des archives, la concordance des changements législatifs au Maghreb laisse penser que ce sont bien des pressions européennes qui ont amené une nouvelle donne. A ce durcissement législatif généralisé s’est ajouté le rôle de garde-chiourme des frontières européennes dévolu au pays de la rive Sud. La contrepartie ? Les gardes-frontières maghrébins se voient équipés et formés par leurs homologues européens.
L’inégalité entre citoyens entérinée par la Tunisie
Il semble pourtant que la docilité des autorités tunisiennes face à la politique migratoire répressive des pays de l’espace Schengen ne paye pas. Les déclarations du nouveau ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini en témoignent. A peine désigné à son poste, ce responsable politique issu du parti néo-fasciste Lega Nord a accusé les autorités tunisiennes de connivence avec les passeurs dans le but d’envoyer vers son pays « les criminels et les délinquants » tunisiens. Cette sortie a valu à l’ambassadeur d’Italie en Tunisie une convocation par le ministère des Affaires étrangères. Salvini, qui a fait cette déclaration lors d’une visite en Sicile, point d’entrée privilégié des migrants et ancien souffre-douleur de la Ligue du Nord du temps où cette dernière était séparatiste, oublie visiblement que l’envoi de « criminels et de délinquants » vers des pays tiers est une activité qui se situe dans la plus pure tradition européenne. Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, que de nations colonisées puis occidentalisées sont le fruit de la déportation des criminels venus compenser l’extermination des autochtones. Sans oublier bien sûr, le cas Bettino Craxi ancien président du conseil italien mis en cause dans l’opération Mani Pulite (Mains Propres) qui a trouvé refuge à Hammamet pour échapper à la justice.
Il faut également ajouter à ces déclarations celles du premier ministre autrichien, lui-même issu de l’extrême-droite xénophobe qui a suggéré l’envoi de garde-frontières européens sur les côtes nord-africaines pour stopper l’arrivée des migrants. Il semble donc que le travail de garde-frontière échu aux autorités tunisiennes ne soit pas à la hauteur des attentes d’une Europe qui s’embourbe progressivement dans le fascisme. Du côté de l’Union Européenne, la position campée est claire : hors de question de revenir sur l’existence des visas. Seule des facilitations seront accordées, nous expliquent les représentants de l’UE en Tunisie, qui soulignent dans leur email que pour ce faire, « des efforts importants sont à faire pour limiter la migration irrégulière croissante des Tunisiens vers l’UE et pour le retour des migrants irréguliers tunisiens vers leur pays ».
Au cours des négociations sur l’ALECA, une demande d’annulation du visa pour les entrepreneurs a été formulée par le secrétaire d’Etat au commerce extérieur Hichem Ben Ahmed. Elle a rencontré le véto européen par la voix de Ignacio Garcia Bercero, chargé des négociations par la Commission Européenne. Ce dernier a assuré que, si des facilitations de procédure étaient envisageables, aucune annulation du visa n’était possible. Contactée par Nawaat, la représentation de l’UE en Tunisie a confirmé ce refus, arguant que « selon le droit européen, soit tous les citoyens d’un Etat tiers sont soumis à une obligation de visas soit ils en sont tous exemptés ». Pour le sociologue et ministre de la Culture sous la Troïka Mehdi Mabrouk, « les Européens pensent que si on annule le visa pour les personnes qualifiées cela va attirer les personnes non-qualifiées vers l’Europe ».
Par-delà le refus, somme toute assez prévisible des Européens, cet épisode montre qu’en matière de droit à la mobilité en Europe, les autorités tunisiennes ne sont prêtes à défendre que celui des pans les plus privilégiés de la population : entrepreneurs, étudiants, universitaires, médecins, soit exactement le contingent voulu par les pays européens. Les autres, chômeurs, précaires, travailleurs informels, sont réduits à emprunter les voies irrégulières au péril de leur vie. L’absence de deuil national est d’ailleurs un signe d’indifférence des plus parlants. Cette inégalité entre les citoyens en matière de mobilité s’ajoute aux nombreuses formes d’inégalités qui sévissent dans le pays et qui s’acharnent à toucher les mêmes personnes à chaque fois. Les quelques voies pour atténuer cet état de fait et contrer l’hégémonie européenne en matière d’agenda migratoire, comme l’abandon des négociations bilatérales au profit de négociations réunissant les pays du Maghreb, ne semblent pour l’heure pas envisagées.
qq remarques:
1./ …”de politiques publiques européennes, dont les Tunisiens font les frais jusqu’aujourd’hui.”
FAUX. ce n’est pas un droit d’émigrer en Europe.idem pour les visas. l’Europe est souveraine d’accepter ou refuser.
l’Europe a acceuilli des immigrés par le passé. aujourd’hui, avec le chomage à 10 %, elle est saturée. saturée !!!
l’expérience montre que les arabo musulmans causent plein de problèmes. leur mentalité — et l’islam– incompatible avec les valeurs occidentales.
conséquence: ils sont rejetés.
Exemple: il y a en france autant de Portugais, que d’Algériens. on n’entend jamais parler des premiers. les seconds remplissent les prisons à 40 % pour vol, viol .. pourtant interdits en islam !!! mais ne mangent jamais le cochon …
autre exemple: les Tunisiens se comportent — très mal — en Suisse. Ils méritent d’ètre expulsés manu militari, illico presto.
je traduis de l’allemand: les immigrés Tunisiens en Suisse ont mauvaise réputation. ils volent, cassent les voitures, alcool sur la voix publique et rendent la vie difficile aux voisins:
https://www.youtube.com/watch?v=dja6lgUORNA
2./ …”Tout Tunisien qui quittera sciemment le territoire tunisien ou y entrera sans être muni d’un document de voyage officiel sera puni d’un emprisonnement de 15 jours à 6 mois et d’une amende de 30 à 120 dinars ou de l’une de ces deux peines seulement“.
Aberrant: tout citoyen peut entrer dans son propre pays, mème sans passport, sans papiers. c’est un droit.
vos lois sont illogiques rédigés par des bourriques, ou des incompétents .
Très bel article qui va au fond du problème ! Une Tunisie à deux vitesses en quelque sorte, on le vit au quotidien ! Que des questions restées en suspens : pourquoi les autorités ne réagissent pas ? Pourquoi laisse-t-on ce diktat se prolonger ? Autrefois , on parlait d’un quota pour les candidats à l’immigration , qu’en est-il aujourd’hui ? Pourquoi on ne parle pas assez des contreparties ?
Il est dommage que l’article se voulant exhaustif, ne parle ni d’ALECCA ni des appels réitérés pour le visa biométrique de circulation.
C’est à croire qu’il participe au black-out pratiqué par les autorités, nationales comme européennes, sur la question !
Voici mes deux derniers billets en la matières :
C’est le visa de circulation qui mettra fin aux drames de la clandestinité
https://www.huffpostmaghreb.com/entry/cest-le-visa-de-circulation-qui-mettra-fin-aux-drames-de-la-clandestinite_mg_5b1914c1e4b0599bc6e0dd61?utm_hp_ref=mg-tunisie
C’est le moment de passer à ALECCA !
https://www.realites.com.tn/2018/06/cest-le-moment-de-passer-a-alecca/
Je suis désolé mais je ne suis pas d’accord avec certains arguments de l’article.
Lorsque le journaliste tente de renverser les accusations -indéfendables- de Salvini (les autorités tunisiennes de connivence avec les passeurs dans le but d’envoyer vers son pays « les criminels et les délinquants » tunisiens) ne fait qu’aggraver la situation.
Les paroles de la journaliste (Salvini et son parti oublient ” visiblement que l’envoi de « criminels et de délinquants » vers des pays tiers est une activité qui se situe dans la plus pure tradition européenne) finissent par donner fondement et légitimité aux accusations mêmes.
Si l’on veut démolir ces accusations il faut évite de «s’abaisser à son niveau » dans le sens que il faut éviter d’entrer dans le détail de ses affirmations – de bar- mais plutôt de comprendre et véhiculer l’idée que le but de la question n’est pas de parle de exporter des criminels (aujourd’hui comme avant), il ne s’agit pas d’une activité actuellement tunisienne et européenne par tradition (que je ne légitime pas).
Répondre à lui avec ses propres arguments ne fait qu’aggraver la situation et atténuer l’ampleur de la question.
Ce qu’il faut faire avec les gens et les commentaires de ce genre, c’est ramener le raisonnement sur la bonne voie, qui transmet un information tridimensionnelle et conscient du “phénomène” (chose que l’article fait pour la partie restante).
…. suite …..
1./ ces immigrés font les frais de l’absence de système social, pas des visas comme écrit dans l’article.
en effet, la solution n’est pas de jeter les immigrés à la mer, pour qu’ils vous envoient des devises qui servent à importer wiskey et bananes.
la solution consiste à créer un système social financé par les riches, et utiliser les ressources pour industrialiser le pays au lieu d’importer l’inutile.
il faut exporter des produits, pas des hommes.
en israel il y a un système social dont bénéficie les palestiniens y résidants, mais pas de système social sous l’autorité palestinienne !!!
en Europe, USA, Canada … les revenus sont imposés à 40 % pour financer le système social ( safety net ), et en Tunisie, les riches ne paient pas d’impots !!!
2./ je reviens sur ce film diffusé en Suisse. je souhaite qu’il soit diffusé en Tunisie. je vous explique comment un Suisse voit ce film:
https://www.youtube.com/watch?v=dja6lgUORNA
1. le tunisien et le macaroni:
personne ne l’a invité, on le nourrit avec notre argent ( nos impots ) et il proteste !!!
2. le tunisien et la bière:
il bafoue la loi, qui interdit l’alcool dans la rue … et il se dit musulman !!!
3. au supermarché:
il achète mais ne paie pas. c’est comme çà en Tunisie ??
4. le groupe qui joue aux cartes:
on les nourrit, on les héberge pour … jouer aux cartes !!!
5. dans le train:
en Tunisie on voyage sans payer ??
6. le tunisien qui dit:” c’est le problème de la police suisse. ou on nous donne les papiers ou on va voler, la drogue” …
il y a une autre solution: t’expulser manu militari , ligoté dans un fauteuil roulant. il ne pas pas crier , déranger les passagers de l’avion. efficacité suisse:
https://www.youtube.com/watch?v=531-6uf3yUg
@ Nedim,
tu fais erreur: ce n’est pas un droit d’émigrer.
quel diktat ?? tout pays est SOUVERAIN en matère d’immigration.
pourquoi les visas ??
y a pas de visa avec le Japon, pourtant pays lointain. pourquoi ??
sur 1000 touristes japonais venant en UE, 999 repartent au Japon.
sur 1000 touristes tunisiens, aldjériens … 999 ne repartent pas.
nuance !!
Les migrations ou l’irrésistible élan qui pousse des centaines de milliers de personnes à braver tous les périls pour aborder en terre européenne sont de la responsabilité des gouvernements de leurs pays respectifs.
Que l’on mette en cause les politiques européennes, le racisme à peine voilé de certains et la fermeture de leurs frontières n’exonère point les régimes africains peu capables de justice sociale envers leurs populations et toujours prompts à se plier aux injonctions de leurs maîtres et commanditaires. Ainsi, la Tunisie fait fonction de gendarme contre ces pauvres, qu’ils soient locaux ou bien des errants de passage…avec bavures en nombre.
Quel bénéfice pour le pays? Visiblement, des miettes hormis le renforcement des moyens dévolus à la chasse aux pauvres.
Il y a une communauté objective d’action entre les politiques des deux côtés de la Méditerranée.
C’est cela qu’il convient de dénoncer.
@ Houcine,
1. en effet. celà se résume en un seul mot: le SOCIAL. et j’appelle le gouvernement à créer un système social financé par des impots prélevés sur les riches, qui actuellement ne paient pas ou presque pas d’impots.
dans tous les pays arabo musulmans, il n’y a pas de système social, au sens occidental du terme. c’est le frère qui doit supporter TOUT le poids de la famille !!! c’est cruel et injuste. la Zaqat = 10 % et qui la paie ?? personne ou presque.
l’impots en occident c’est 30 à 40 % !!! et c’est OBLIGATOIRE. le riche DOIT payer.
2. exemple: pas de visas pour israel. pourquoi ??
on ne voit pas en Europe de clandestins israéliens sans papiers. car en israel, il y a un système social, dont bénéficie mème certains palestiniens.
en revanche, chez l’autorité palestinienne de Abbas, pas de social. c’est encore le frère qu’on écrase … comme en Tunisie !!!
je peut vous le dire: un palestinien préfère vivre en israel , ie. comme en Europe, que chez Abbas comme au moyen age. oui, oui .
3. vous copiez tout sur la France … sauf le social !!!
il est plus facile d’écraser le frère — et au besoin le jeter à la mer — plutot que de forcer les riches à payer des impots.
cette mentalité doit changer.
une nouvelle révolution s’impose.
L’islam est compatible avec les valeurs humaines qui sont supérieures aux valeurs Européennes de cupidité et de haine. Imaginez qu’on vous soumet à un visa de 1000 dt. Imaginez qu’on expulse toutes vos sociétés offshore. Imaginez qu’on boycotte vos produits ou qu’on les surtaxe. N’oubliez pas votre dette exigible et lourde de 70 ans de colonisation.