« Nous résoudrons la problématique migratoire à la frontière extérieure de l’Europe », proclame Sebastian Kurz, chancelier de l’Autriche, hôte du sommet informel de l’Union européenne tenu à Salzburg il y’a une semaine. Issu de la droite populiste, Kurz ne raconte rien de nouveau. Par contre, la nouveauté, c’est la proposition défendue par la chancelière allemande Angela Merkel. « Des accords et des arrangements similaires à celui d’Ankara sont nécessaires », a-t-elle déclaré en concluant le sommet informel de l’UE en Autriche.
Rappelons que lors d’une visite en Allemagne en 2017, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a rejeté l’idée de centres de débarquement. Il est donc surprenant qu’au lendemain du sommet de Salzbourg, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bouraoui Limam déclare à l’Agence de presse allemande (DPA) que la Tunisie est ouverte aux accords sur les réfugiés prévus par l’UE. Selon lui, la Tunisie se trouverait en négociation avec l’UE sur ces questions depuis longtemps.
En vigueur depuis mars 2016, l’accord entre l’UE et la Turquie est censé réduire le nombre de migrants qui embarquent en Turquie. L’espoir était de créer un effet dissuasif: tous les migrants arrivant en Grèce depuis la Turquie seront renvoyés. En contrepartie, l’UE donne 6 milliards d’euros à la Turquie pour assurer la prise en charge de trois millions réfugiés et facilite l’obtention de visas pour les ressortissants turques. De plus, pour chaque réfugié syrien expulsé en Turquie, l’UE offre le refuge à un migrant syrien de son choix installé en Turquie, avec une limite de 72000 personnes. Le résultat de cet accord est désastreux: des prisons à ciel ouvert sur les îles grecques ont vu le jour à cause du blocage des réfugiés ni expulsés en Turquie ni autorisés à accéder à d’autres territoires européens. En 2018, quelques 25 personnes sont été renvoyées chaque mois en Turquie, 1500 en total durant les deux premières années de l’accord contre 12500 Syriens qui pouvaient venir en Europe dans le cadre du deal. Le théoricien de cet accord, Gerald Knaus, ne croit pas qu’un tel accord pourrait marcher avec la Tunisie. « Ce que l’UE ne réussit pas à faire à Lesbos sera encore plus difficile en Afrique du Nord », affirme le chercheur allemand expert en migration.
Fuité par Nawaat en 2017, un accord d’expulsion des migrants tunisiens irréguliers a déjà été signé entre l’Allemagne et la Tunisie. Il engage Tunis à plus de coopération au niveau de l’identification et de « la réadmission » des Tunisiens à expulser de l’Allemagne. Résultat ? Les déportations se sont multipliées de 17 en 2015 à 251 en 2017 et 80 dans le premier trimestre de 2018. Cependant, un haut responsable du ministère de l’Intérieur allemand a affirmé en réponse à la question d’une députée que le gouvernement s’engage à exercer des pressions sur la Tunisie dans le cadre des négociations avec l’UE. L’objectif étant d’inclure les ressortissants des pays tiers dans les accords d’expulsion. En même temps, le gouvernement allemand voudrait déclarer la Tunisie comme « pays d’origine sûr » pour rendre les expulsions encore plus faciles.
La question qui se pose pour la Tunisie est : à quel point va-t-elle jouer au gendarme surveillant les frontières de l’Europe ? Certes, la facilitation de l’octroi des visas, les négociations continues sur l’ALECA et l’importante contribution allemande (et européenne en général) à l’aide au développement rendent le choix très difficile.
Titre trompeur et racolleur