Wael, Hamza, Hamma et Mouhib ont étudié ensemble et ont quitté l’école à l’âge de 12 ans. Ils sont tous originaires de Hay El-Fath,un quartier anarchique bâti en 2011 à Djebel Jelloud. Désormais, ils en ont 17. « Je travaille dans la peinture. Ça me permet d’être indépendant, de subvenir à mes besoins. J’ai quitté le collège juste après Wael », lance Hamza. Taciturne, Wael ne veut pas s’exprimer. Regard fixé au sol et bras croisés, il écoute les confessions de ses camarades de quartier. Il ne veut pas dévoiler les vraies raisons qui l’ont amené à abandonner l’école. « C’est parce que tu aspires à une vie meilleure que celle- ci », clame un trentenaire qui vit dans le même quartier, en interpelant Wael. « Je suis diplômé en maintenance industrielle, mais je travaille dans un autre domaine, celui de la peinture. Je me trouve dans une situation précaire », poursuit-il. Peu de modèles à suivre ici. La menace de l’échec plane sur le quartier.
Abandon scolaire, une hémorragie continue
Pendant l’année scolaire 2011-2012, le taux de rupture scolaire a atteint son apogée pour les élèves de la 7ème année de base : 24.74% des élèves ont abandonné les bancs de l’école d’après une étude du FTDES. Le même rapport relève que le milieu familial et social joue un rôle central dans l’acquisition d’un enseignement.Les adolescents que nous avons rencontrés en sont une illustration symptomatique.
Détresse et morosité, tels sont les maitres mots ici.Les jeunes du quartier répètent le même constat amer : « les autorités nous ont marginalisés ». La migration est une solution envisageable pour certains, d’autres se sentent bien dans leur zone de confort. « Je suis pizzaïolo et je compte partir en Allemagne dès que mes papiers seront prêts», dit l’un des jeunes du quartier ayant aussi abandonné ses études depuis ses 12 ans. Une sorte de contagion entraînant un effet domino entre les jeunes du quartier.
L’UNICEF estime que l’éducation est la solution pour les enfants. Pour les filles, elle les met à l’abri du mariage précoce et des violences conjugales. Tandis qu’elle permet aux garçons d’envisager un emploi mieux payé. Quelque 264 millions d’enfants et d’adolescents n’ont pas accès à l’éducation dans le monde.
Pas d’eau potable en 2019
Hay El- Fath compte plus d’une centaine de logements privés de services essentiels, en l’occurrence eau, électricité et installations sanitaires. Leila et ses trois filles y habitent. Molka, la cadette, 17 ans, a quitté l’école et travaille actuellement dans le domaine de la pâtisserie. « Nous vivons dans la misère, sans eau ni électricité », déplore-t-elle. Sa fille n’est pas bavarde.
Leila se plaint d’un litige foncier avec la délégation et du favoritisme dans l’octroi des autorisations d’approvisionnement en eau et en électricité. « Grâce à mes voisins, j’ai pu raccorder un câble électrique pour éclairer mon domicile. Nous n’avons pas de robinet. En 2019, et à quelques kilomètres du centre ville de Tunis, nous utilisons encore des seaux pour avoir de l’eau », nous confie Leila avec amertume.
D’après l’UNICEF, 2,4 milliards de personnes dans le monde n’utilisent pas un assainissement amélioré. 946 millions de personnes font leur besoin en plein air. A l’échelle internationale, on compte 663 millions de personnes qui n’ont pas accès aux sources améliorées d’approvisionnement à l’eau et 68% privées d’installations d’assainissement améliorées d’après la Banque Mondiale. L’UNICEF déplorele taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans lié à l’absence d’eau et d’assainissement. « Chaque jour, plus de 800 enfants meurent de maladies évitables provoquées par une eau de mauvaise qualité et le manque d’installations sanitaires et d’hygiène », indique le rapport de l’organisation onusienne.
This feature was supported by the Rosa Luxemburg Stiftung with funds from the German Federal Ministry for Economic Development and Cooperation.
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