En ratifiant l’Accord de Paris sur le climat en 2016, la Tunisie a tablé sur une réduction de l’intensité carbone de 41% dans tous les secteurs et de 46% dans le secteur énergétique en 2030 par rapport à 2010. L’Etat tunisien s’est également engagé à intégrer les énergies renouvelables dans la production d’électricité à hauteur de 30%. Actuellement, 97% de l’énergie électrique produite dépend du gaz. Quant à l’énergie renouvelable, elle ne représente que 3% de la production totale d’électricité, selon le ministère de l’Industrie. Fin 2018, la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables demeure « limitée », d’après le ministère. Les projets en la matière se mesurent à deux parcs éoliens totalisant une puissance de 245 Mégawat (MW) au nord de la Tunisie, une production de 55 MW sous le régime de l’autoconsommation grâce à l’énergie solaire photovoltaïque et 62 MW provenant de l’hydroélectricité.
Un état des lieux qui contraste avec la recrudescence de l’exploitation de l’énergie fossile. En juillet 2019, six permis d’exploration ont été octroyés à des compagnies étrangères. A cette occasion, le ministre de l’Industrie, Slim Feriani, s’est félicité de l’augmentation de l’octroi des permis d’exploitation, y voyant un pas vers la réduction du déficit énergétique. « On est face à une accélération de l’exploitation d’hydrocarbures fossiles comme le gaz et le pétrole », alerte Marco Jonville, coordinateur du département justice environnementale au Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES).
Arbitraire et contrôle parlementaire
La concession du champ Nawara a été attribuée à la compagnie autrichienne OMV et l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP). Selon Jonville, «OMV considère la Tunisie comme prometteuse et sous-explorée. La Tunisie tend à se vendre comme un pays ouvert aux investissements étrangers, quitte à sacrifier les enjeux environnementaux et sociaux ». Dans ce sens, le FTDES appelle à « un réel contrôle parlementaire » sur les permis d’exploration pour les hydrocarbures, en qualifiant d’ « arbitraire » l’octroi de ces permis aux investisseurs étrangers. Rappelons que depuis l’amendement du code des hydrocarbures en 2017, ces permis sont soumis au vote du parlement pour approbation.
Le secteur des énergies renouvelables n’échappe pas non plus à « la mainmise des investisseurs étrangers puisque une partie de l’énergie solaire est exploitée par des compagnies étrangères ou exportée vers l’étranger», souligne Marco Jonville. A titre d’exemple, en juillet 2019, le ministère de l’Industrie a annoncé que des opérateurs internationaux sont intéressés par la construction de de cinq centrales solaires photovoltaïques à Tozeur, Sidi Bouzid, Kairouan, Gafsa et Tataouine. Ces projets entreront en exploitation à compter de 2021.
Sacrifice environnemental
Selon la convention cadre des Nations Unies pour les changements climatiques, le climat aride et la côte méditerranéenne exposent la Tunisie aux dangers des changements climatiques. La diminution de la pluviométrie et l’élévation du niveau de mer sont les principales menaces. En 2012, les émissions brutes de gaz à effets de serres (GES) sont estimées à 46,6 MtéCO2 et les émissions nettes de GES à 32,6 MtéCO2, contre respectivement 29 et 20,5 MtéCO2 en 1994. La persistance de la domination des combustibles fossiles dans la production de l’énergie « va à l’encontre du contexte international et national alertant sur les effets néfastes avérés des GES », déplore Marco Jonville.
Et il poursuit : « Certes, un projet comme celui de Nawara contribue à diminuer le déficit énergétique de la Tunisie mais les coûts environnementaux et sociaux à long terme sont énormes ». Ces coûts sont d’autant « plus préoccupants », selon le représentant du FTDES, vu l’apport négligeable de ces projets pour répondre aux besoins sociaux. Le champ Nawara emploie en effet 300 emplois directs sur le site de Tataouine et 120 autres à Gabes. « Comme l’ont récemment montré les nouvelles manifestations des sit-ineurs d’El Kamour, la région de Tatouine, qui présente des indicateurs sociaux parmi les plus mauvais en Tunisie, notamment le taux de chômage le plus élevé, doit bénéficier d’un réel développement sur le long terme », alerte le communiqué du FTDES.
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