Le gouvernement était conscient de la gravité de la crise du coronavirus. Dans les secteurs du tourisme et du transport aérien, il s’attendait au pire. Mais d’aucuns ont commencé caresser l’espoir de sauver la haute saison touristique, qui s’étend de juin à début septembre. Notamment parce que dans notre pays, l’épidémie parait maitrisée. Et dans une lettre adressée au Fonds monétaire international (FMI), l’Etat tunisien a confirmé que le secteur du tourisme est menacé cette année par des pertes de l’ordre de quatre milliards de dinars et de 400 mille emplois.
Cependant, avec l’apparition d’indices de la maitrise de l’épidémie, et les mesures prises par le gouvernement pour soutenir le tourisme, les professionnels du secteur ont commencé à évoquer un possible sauvetage de la saison. Pour promouvoir la destination tunisienne, le ministre du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, a même parlé d’investir dans la réussite face au virus. « De nombreux médias internationaux ont relevé le protocole sanitaire élaboré par la Tunisie au sein des structures touristiques et le succès récolté dans la lutte contre le Covid-19 », a noté le ministre. Et de nombreux établissements touristiques se sont mis à former leur personnel à ce protocole sanitaire.
Le ministre de la Santé douche les espoirs
Mais voici que le ministre de la Santé Abdellatif Mekki remet en cause ce fugace espoir de sauvetage. Dans un entretien diffusé par la chaîne Hannibal dimanche 17 mai 2020, Mekki a en effet estimé que cet été, la baignade sera interdite sur les plages tunisiennes, dans le cadre de la prévention contre le Coronavirus. Ainsi, le ministre a déclaré « la baignade interdite jusqu’à nouvel ordre », exhortant les citoyens à respecter la loi et les procédures approuvées par son département. Et si nécessaire, les contrevenants seront sanctionnés, a-t-il souligné.
Une déclaration qui a suscité la réaction du ministre du Tourisme. Toumi a démenti son collègue, considérant que « la baignade ne saurait être interdite, vu qu’il n’y a pas de contamination en mer ». Ainsi, selon le ministre du Tourisme, son collègue de la Santé s’est mal exprimé en parlant de « baignade interdite », soulignant qu’il était uniquement question d’éviter que les plages soient bondées. Et le 26 mai, le ministre du Tourisme a fixé les conditions et les procédures à suivre pour la reprise de l’activité du secteur. Sur décision ministérielle, les activités touristiques et hôtelières doivent reprendre à partir du 4 juin, avec une capacité d’accueil ne dépassant pas les 50%. Le ministère a présenté un concept de protocole sanitaire à adopter par les installations touristiques et les hôtels.
Parmi les mesures décidées, figurent ainsi l’obligation de respecter l’espacement entre tables et parasols sur les plages et les piscines, et d’éviter les rassemblements à l’intérieur ou à l’extérieur des hôtels. D’un autre côté, le touriste sera appelé à se prémunir d’un liquide désinfectant outre la classique crème solaire.
Ouverture des frontières et circulation entre les régions
Avec l’avènement du mois de juin, le gouvernement était censé annoncer l’ouverture de l’espace aérien pour permettre aux tours operators internationaux d’envoyer leurs contingents de touristes et à nos hôtels de les accueillir à partir de juillet. Pour cela, le gouvernement devait faire le nécessaire pour ouvrir les frontières à la fin de juin courant, afin de tenter de sauver la haute saison, histoire d’assurer la pérennité du secteur. Il fallait donc dans un premier temps autoriser la circulation entre les régions dès début juin, pour ranimer le tourisme intérieur avant d’ouvrir les frontières aux flux touristiques étrangers.
La Tunisie compte principalement sur le balnéaire. Or le produit touristique tunisien manque de compétitivité par rapport à des destinations concurrentes comme la Turquie ou le Maroc. En périodes de crise, ou lors d’événements exceptionnels telle la révolution, comme après les attaques terroristes, l’Etat et les professionnels du secteur ont misé sur le tourisme intérieur. Quand l’image du pays a été écornée sur les marchés traditionnels, la part des Tunisiens séjournant dans les hôtels locaux a atteint près de 20%. Et les gouvernements successifs ont encouragé l’afflux des touristes algériens et libyens, étant donné que ces deux marchés ne sont généralement pas affectés par les crises. Et voici que les déclarations du ministre de la Santé sur l’interdiction de la baignade portent un coup aux efforts déployés par son homologue du Tourisme et les professionnels du secteur.
L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit que le nombre de touristes dans le monde baissera de 60 à 80% en 2020. L’organisation estime également qu’il ne sera pas possible d’envisager un retour à la normale naturel dans le secteur avant mars 2021. Selon l’OMT, tous les efforts devraient se focaliser sur la sauvegarde des institutions touristiques et la préservation des emplois. L’objectif étant de minimiser les dégâts avant la relance, dans l’attente de la reprise du trafic aérien. Travailler à 50% de la capacité d’accueil ne permettra pas aux unités touristiques d’améliorer leur situation financière, mais pourrait leur permettre de se maintenir à flot, et de préserver leur personnel.
Depuis la découverte des premiers cas de Covid-19 au début de mars dernier, les unités hôtelières tunisiennes ont fermé leurs portes, à l’exception de quelques-unes, affectées à l’accueil des individus mis en quarantaine. Les zones touristiques sont quasiment devenues des cités fantômes. Alors qu’en 2019, la Tunisie a engrangé des résultats record qu’elle n’avait pas atteints depuis la révolution. Le tourisme tunisien s’était rapproché des chiffres enregistrés d’avant 2011, avec plus de 8 millions de touristes et des recettes dépassant les 4,6 milliards de dinars.
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