Sept ans après son adoption, certaines dispositions de la Constitution de janvier 2014 n’ont pas encore été mises en œuvre, notamment celles relatives aux institutions constitutionnelles.
C’est dans un contexte post-révolution que la Constitution a été élaborée. Il s’agissait de déléguer certaines compétences du pouvoir exécutif à d’autres structures. L’objectif était de concevoir une architecture équilibrée entre les institutions classiques de l’Etat d’une part, et les nouvelles structures créées en vertu de la Constitution. En l’occurrence, il s’agit principalement des instances constitutionnelles indépendantes, de la Cour constitutionnelle et du Haut Conseil des Collectivités Locales.
La Cour constitutionnelle aurait du être mise en place une année après l’adoption de la Constitution, soit en 2015, d’après ses dispositions finales. Mais il semble qu’il n’y ait pas véritablement la volonté de la voir émerger. Cette cour se compose de 12 membres « dont les trois-quarts sont des spécialistes en droit et ayant une expérience d’au moins vingt ans », selon l’Article 118 de la Constitution. Ils doivent être désignés respectivement par le parlement avec une majorité renforcée, soit 145 élus, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et le président de la République.
Cette institution se charge du contrôle de la constitutionnalité des lois envoyées par les tribunaux, les projets de lois votés au parlement, le règlement intérieur de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), etc. Elle est aussi saisie pour statuer sur les conflits de compétences entre le président de la République et le chef du Gouvernement. Cette question s’est posée en 2019, après la dégradation de l’état de santé de l’ancien président Béji Caid Essebsi. Le seul organe apte à constater la vacance du poste du président de la République est la Cour constitutionnelle. Le même problème se pose aujourd’hui, concernant la prestation de serment des nouveaux ministres proposés dans le cadre d’un remaniement ministériel devant le président de la République. Ce protocole est-il formel ou substantiel dans l’exercice des fonctions des ministres ? La Cour constitutionnelle aurait répondu à cette question.
Outre la Cour constitutionnelle, la Constitution a évoqué 5 instances indépendantes. Or la seule exerçant pour l’heure effectivement ses fonctions, est l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE).
La mise en place de ces instances passe par deux étapes. Il s’agit d’abord du processus législatif, celui du vote sur les lois qui régissent les instances. L’ARP a adopté 3 lois relatives respectivement à l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, l’Instance des droits de l’Homme et l’Instance du développement durable et des droits des générations futures. Le projet de loi relatif à l’Instance de l’audiovisuel n’a pas encore été examiné en commission. Quant au processus électoral des instances, il n’est toujours pas parachevé.
D’autres institutions prescrites par la Constitution, dont le haut Conseil des collectivités locales, n’ont pas encore été mises en place. D’après l’Article 141 de la Constitution, « Le Haut Conseil des collectivités locales examine les questions relatives au développement et à l’équilibre entre les régions, et émet son avis sur les projets de loi relatifs à la planification, au budget et aux finances locales ». Ce conseil se compose d’un président de commune sur chaque région, les présidents des conseils municipaux des quatre municipalités les plus peuplées, les présidents des conseils municipaux des quatre municipalités communes affichant le plus faible indice de développement, les présidents des régions, et les présidents des districts.
Outre les instances, certaines lois devraient être promulguées conformément aux dispositions de la Constitution, et d’autres abrogés. A titre d’exemple, l’état d’urgence est encore réglementé par le décret présidentiel du 26 janvier 1978, refusé par plusieurs acteurs civils et politiques, vu son caractère liberticide. La Constitution parle d’« état d’exception » dans son Article 80, qui prévoit la prise de certaines mesures « en cas de péril imminent ».
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