Les steppes sont définies comme des espaces naturels à couvert végétal bas et discontinu. Il est classique en Tunisie de parler des hautes et des basses steppes. Ces dernières représentent grossièrement le centre-ouest du pays (altitude supérieure à 400 m) et la Tunisie orientale, d’altitude plus basse. En plus de ces deux espaces, on distingue aussi les steppes péridésertiques qui couvrent la marge nord du Sahara, ainsi que le littoral du sud de la Tunisie.
Globalement, le couvert végétal des steppes est composé de :
- Plantes halophytes, adaptées aux sols salés, aux bords des sebkhas et chotts,
- Alpha et sparte, en Tunisie centrale et en altitude, dans les zones où la pluviométrie est plus faible,
- Les armoises blanche et champêtre,
- Les arbustes, notamment le jujubier, le sumac, retam…
Certains types de steppes ont presque totalement disparu, comme celles à jujubier, arraché dans des campagnes organisées par l’Etat pendant les années 1960 pour être transformées en terrains de culture (olivier, amandier, céréales…), ou encore celles à Rhanterium, à cause de la pression de pâturage que subit cette espèce. Les steppes à Polygonum (renouée) ont eu le même sort. Il n’en subsiste que de faibles étendues, à la merci de toute action pouvant les supprimer.
Les steppes en expansion sont celles à astragale (Astragalus) qui, en Tunisie centrale, ont tendance à s’étendre, simplement parce que cette plante n’est consommée que par les dromadaires qui, eux, régressent dans ces régions. La steppe à Peganum s’étend surtout en plaine, dans des zones sous grande pression de pâturage. Son maintien et son extension sont liés au fait qu’elle n’est pas broutée à cause de sa toxicité et que les terrains où elle pousse sont sous pression continue de pâturage. Ces deux espèces ont proliféré suite à la dégradation des milieux et la pression du bétail qui est la cause de la disparition des autres espèces palatables.
Les steppes sont souvent utilisées comme terrains de parcours pour le bétail, particulièrement le petit bétail (ovins et les caprins). Comme plusieurs étendues ont été mises en culture, les espaces restants pour le parcours sont de moins en moins vastes et subissent souvent une pression continue du bétail. Il en est résulté une dégradation de la qualité des steppes et une réduction de la diversité des plantes qui les couvrent. En effet, et particulièrement pendant les années sèches, les annuelles n’arrivent même pas à pousser en raison du manque de pluie. Le rabattement du bétail sur les espèces pérennes a pour effet de les rabougrir, et il est fréquent de voir des arbres et arbustes sans feuilles, jusqu’à la hauteur atteinte par les animaux. Il n’en demeure que des rameaux dépourvus de feuilles. Ces plantes n’arrivent à recouvrir leur vigueur que pendant les périodes relativement humides. Or, vu que ces périodes sont plus courtes que les précédentes, ces plantes n’arrivent pas à se développer.
Bref, au vu de ce qui précède, la végétation steppique en Tunisie a besoin d’un nouveau modèle de gestion. Idéalement, une rotation du bétail, avec interdiction de pâturage pendant certaines années, afin de donner au milieu sa capacité de régénération et, si possible, un renforcement de la végétation native du site.
Le renforcement du couvert végétal des steppes exige au moins la collecte des graines des espèces pastorales pour ne pas risquer de les voir disparaître.
Cependant, et avec les tendances passées et actuelles, l’élevage extensif a atteint ses limites. Il est clair que les terrains de parcours se réduisent désormais aux terres marginales non cultivées et aux espaces forestiers accessibles au bétail. Le constat est pratiquement le même pour les terrains fréquentés par le bétail. Les éleveurs ne semblent pas conscients des limites qu’ils sont en train de pousser. Ce mode d’élevage est à revoir, afin de le rendre plus efficient et en adéquation avec les ressources locales. Ce modèle de gestion des steppes est relativement facile à formuler, mais il faut du temps pour que cela puisse voir le jour. Entre-temps, la dégradation du couvert végétal continue et les revenus des petits éleveurs chutent à vue d’œil. En effet, les stocks de fourrage et de grains, s’ils existent, ne peuvent pas couvrir les besoins d’une année. Les éleveurs se trouvent contraints de vendre une partie de leur bétail pour entretenir les animaux restants. Alors que les prix des aliments pour bétail continuent à monter tandis que ceux des animaux baissent. Au bout de la course, de nombreux éleveurs perdent leur capital animal après avoir épuisé les ressources locales.
Force est de constater que les espaces soumis à une pression croissante des troupeaux sont publics ou à propriété commune. Comme les terrains privés sont presque saturés, les espaces communs (steppes, forêts) sont aussi rongés tous les ans pour être cultivés. La dégradation du couvert végétal a pour conséquence l’exposition du sol aux agents dégradants (eau et vent), ce qui les appauvrit davantage et les rend de plus en plus vulnérables.
Cette contribution ne prétend pas proposer un modèle de gestion des milieux steppiques. Cependant, une réflexion commune est nécessaire pour une gestion efficiente de ces espaces fragiles. L’accroissement des contraintes (changements climatiques avec les sécheresses prolongées, pressions anthropiques croissantes) fragilise davantage ces milieux. Nous ne pouvons pas continuer à gérer le quotidien sans pouvoir prendre des mesures nécessaires pour permettre la viabilité des steppes. Car à terme, nous risquons d’assister à une dégradation irréversible de ces espaces.
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