L’agroforesterie peut constituer une des pistes d’adaptation aux changements climatiques en cours. Elle consiste à planter des espèces forestières dans les champs agricoles. Les objectifs de la plantation des arbres forestiers dans les espaces cultivés sont multiples. Parmi leurs intérêts, nous pouvons citer :
- La fixation du sol, notamment dans les barrages de terre établis sur des terrains en pente,
- L’enrichissement du sol en azote, par la plantation d’espèces capables de le faire (légumineuses, notamment les acacias),
- L’atténuation de la vitesse du vent. C’est le cas des haies plantées à la bordure des champs,
- La fourniture de fourrage pour le bétail.
Des paysages où alternent champs cultivés et haies n’existent presque pas en Tunisie. Ailleurs, le bocage normand caractérise le paysage du nord-ouest de la France. Les champs cultivés et les prairies sont entourés d’arbres et d’arbustes forestiers ou fruitiers de cette région. En Espagne et au Portugal, la dehesa constitue un paysage particulier où des champs sont plantés de chêne vert et dont la vocation est l’élevage. Des paysages analogues existent en Algérie où les arbres sont constitués de caroubiers, de chênes ou d’oliviers. Pour ce qui est de la péninsule ibérique, le chêne vert fournit les glands qui assurent l’engraissement des animaux mais aussi du bois de chauffage pour les exploitants. D’autres sources d’alimentation pour les humains sont exploitées dans ce paysage, notamment les champignons, les fruits et le gibier. Ce mode d’exploitation agro-sylvo-pastoral s’est développé dans des régions économiquement défavorisées à sols pauvres et à faible production agricole et a pu maintenir les populations sur place malgré la dureté de leurs conditions d’existence…
Faible enracinement
En Tunisie, si on a associé des arbres et des arbustes aux champs cultivés, on constate un manque d’entretien des cultures. Les arbres et arbustes morts ne sont pas remplacés, preuve que la technique n’a pas été adoptée par les agriculteurs et ne s’est pas ancrée dans les pratiques agricoles. D’ailleurs de nombreux travaux de conservation des sols et de collecte des eaux de surface n’ont pas tenu longtemps faute d’entretien de ces structures. La plupart de ces travaux ont été réalisés par l’Etat et les bénéficiaires n’ont pas assuré le suivi pour maintenir les structures vivantes en place et les faire évoluer en fonction de leurs intérêts par la suite.
Avec les changements climatiques en cours, une nouvelle dimension devrait être ajoutée aux fonctions que les arbres peuvent jouer, à savoir la fourniture de l’ombre pour les animaux pendant les périodes de grandes chaleurs. En Tunisie, l’élevage extensif est le mode d’élevage dominant. Or la majorité des éleveurs ne construisent pas d’abris pour les animaux afin de leur offrir un minimum de confort (face à la chaleur, la pluie ou d’autres agents climatiques). Ils confectionnent souvent des clôtures fixes pour empêcher leurs animaux (surtout le petit bétail) de sortir.
Les arbres les plus communément utilisés en agroforesterie sont des acacias ou du casuarina. Mais dans certains paysages, on voit des oléastres, des caroubiers ou des azeroliers. Les trois dernières espèces sont gardées en vue de la consommation de leurs fruits ou de leur transformation. Parmi les arbustes, figure souvent une espèce d’Atriplex introduit, qui a été plantée. Certaines espèces plantées ont posé problème aux agriculteurs qui se sont parfois trouvés contraints à les arracher sans les remplacer. C’est le cas notamment de l’acacia épineux qui a servi de dortoir et de site de nidification pour les moineaux qui s’attaquent aux champs de céréales pour nourrir leurs petits. Le choix des espèces à planter est donc très important pour le succès de telles opérations.
Il est dommage que des améliorations n’aient pas été apportées aux systèmes agroforestiers mis en place. Le remplacement des Atriplex par des arbustes fourragers serait une bonne option à creuser. La diversification des espèces d’arbres est elle aussi importante, pour que les exploitants des terrains trouvent leurs intérêts à les entretenir et à remplacer le vide lorsqu’il survient. Il y a lieu de remarquer que les arbres plantés dans les champs cultivés n’entrent par en compétition pour l’eau avec les autres cultures. D’une part, simplement parce qu’ils occupent des espaces non cultivables, mais aussi du fait que les racines des arbres explorent des profondeurs inaccessibles aux cultures.
Vulgariser certaines techniques pour montrer leur importance aux agriculteurs et éleveurs de bétail est une nécessité, pour que ces derniers les adoptent et les développent. Les figures d’érosion visibles sur plusieurs ouvrages (tabias, terrains en pente) appellent à des actions visant à conserver les terrains touchés. Il n’y a pas mieux que les arbres pour stabiliser les ouvrages réalisés.
Le recours à des essences locales est une meilleure option que celle de planter des espèces exotiques, comme c’est souvent le cas. Nombreuses espèces s’apprêtent à cet effet, sous différentes conditions climatiques. Parmi ces essences, citons le pin pignon, le pin d’Alep, le gommier, le pistachier térébinthe ou de l’Atlas, le frêne, le figuier, l’olivier (ou l’oléastre), le caroubier, l’azerolier, le micocoulier, le chêne vert, le mûrier, le noyer, le peuplier…
Il est réellement dommage que l’agroforesterie ne soit pas considérée en particulier dans la gestion des espaces pastoraux, ainsi que des terrains en pente ou à faible valeur agricole. Elle est d’autant plus importante qu’elle offre de nombreux avantages à ceux qui l’adoptent, notamment parmi les éleveurs de bétail, mais pas uniquement. Les paysages désolants où pas une seule ombre n’existe à des kilomètres à la ronde caractérisent plus d’un espace dans les régions arides…
On peut penser à « domestiquer » les techniques d’agroforesterie en adaptant des techniques développées autour de la Méditerranée à nos propres conditions. Un travail de sensibilisation et de formation en faveur des agriculteurs en particulier peut les amener à les adopter…
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