Pour cette édition 2023 du Festival de Cannes, la Tunisie a été présente en compétition officielle avec le docu-fiction “Les filles d’Olfa” de Kaouther Ben Hania. Une présence en compétition attendue depuis un demi-siècle. Les réseaux sociaux du microcosme cinématographique tunisien ont été envahis par l’actualité cannoise. Les drapeaux rouge et blanc ont été de nouveau brandis pour l’occasion, histoire de remonter une fierté patriotique trempée à toutes les sauces. De quoi conforter l’ego national.
Et pour l’occasion, le Centre National du Cinéma et de l’Image (CNCI) a voulu mettre les petits plats dans les grands en lançant la campagne «Shoot in Tunisia». C’est dire que le pavillon tunisien a mis le paquet cette année pour promouvoir le pays comme destination privilégiée de tournage pour les films étrangers. Un roll-up du film tunisien en compétition, des affiches de films tournés en Tunisie au format A3, des représentants avec des badges, et une brochure dépliante, en anglais s’il vous plaît ! La brochure fournit des informations sur la géographie, le climat, la population en chiffres. Mais aussi les noms des aéroports, l’infrastructure routière et les télécommunications.
Des photos des monuments, de Sidi Bou Saïd et du site de Star Wars (restauré il y a quelques années par des passionnés du film et non par l’Etat tunisien). Mais ce que nous cherchions dans la brochure, ce sont les avantages financiers ! Nous avons fini par en dénicher : les importations nécessaires au tournage sont exonérées de taxes douanières. À titre de comparaison, le Centre cinématographique marocain rembourse 30% des dépenses des productions étrangères sur son territoire à partir d’un certain budget. Encore une fois, au-delà des slogans, l’industrie est en réalité bloquée faute de réformes, pourtant débattues en long, en large, et en travers.
En tous cas, la brochure du CNCI a le mérite de présenter des « liens utiles », dont celui de son site web officiel. Nous avons navigué dessus en nous mettant dans la peau d’un producteur étranger. Rien sur les démarches à entreprendre, aucune information sur “Shooting in Tunisia”, et pas de choix de langues non plus.
Nous avons évidemment comparé le site web tunisien avec celui du Centre Cinématographique Marocain (CCM). Et il n’y a pas photo. Sur le site du CCM, “Tourner au Maroc” vous saute aux yeux dans le menu. En cliquant, vous accédez à une page dédiée à l’historique des films tournés sur le territoire du royaume, accompagnée d’une phrase percutante : “The Guardian” a élu le Maroc deuxième meilleure destination mondiale pour les tournages de films”. En cliquant, une autre page s’ouvre, disponible en 3 langues, où toutes les informations sont accessibles.
Stéréotypes mâchés et remâchés, généralités et style verbeux, faibles arguments et avantages peu concurrentiels, la brochure du CNCI et sa démarche dans « Shooting in Tunisia » est une masterclass en matière d’art de proférer des banalités. Avec certaines coupes budgétaires, comme le fonds pour les salles de cinéma, il serait peut-être judicieux de prévoir un budget, au moins, pour créer un site web respectable.
En conclusion, la face de l’industrie cinématographique tunisienne est toujours sauvée par ses cinéastes. En témoigne l’accueil du film « Les Filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania, largement encensé par la critique internationale.
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