Près de quinze mois après la publication, le 21 mars 2022 au journal officiel de la république tunisienne, du décret présidentiel n°15-2022 relatif aux entreprises communautaires, c’est l’heure d’un premier bilan de la mise en œuvre de ce projet voulu, conçu et porté à bout de bras par le président de la république. Et il n’est certainement pas à la hauteur des attentes du « grand timonier » de la « nouvelle république ».

Au premier juin 2023, seules 58 entreprises communautaires ont vu le jour, dont plus de 90% au cours des cinq derniers mois. Le processus d’implantation de ces nouveaux véhicules dans le champ économique démarre très lentement. Entre septembre et décembre 2022, il ne s’en est créé que… 7. Les choses s’accélèrent dès le début de 2023, mais évoluent en dents de scie (10 en janvier, 7 en février, 12 en mars, 9 en avril et 13 en mai).

Fait important, le tiers des gouvernorats (8 sur 24) demeure, du moins pour l’instant, à l’écart de ce mouvement (Ben Arous, Bizerte, Le Kef, Monastir, Sousse, Kebili, Tataouine et Tozeur) de greffe des entreprises communautaires. L’engouement pour ces entreprises est inégal d’un gouvernorat à l’autre dans les 16 restants. Près des trois quarts des entreprises communautaires se concentrent dans le Centre et le Sud du pays (42 sur un total de 58, dans 7 gouvernorats). Les neufs gouvernorats restants du Nord (Est et Ouest) et du Sahel se partagent les 16 autres.

Par gouvernorat, quatorze (Tunis, Manouba, Ariana, Zaghouan, Béjà, Jendouba, Siliana, Nabeul, Mahdia, Kairouan, Kasserine, Sfax, Gabes et Medenine) compte entre 1 et 5 entreprises communautaires. Deux émergent du lot : Sidi Bouzid, et, surtout, Gafsa.

Sidi Bouzid en a 9 au compteur. Sept sont destinées à opérer dans le secteur agricole, dont deux qui combinent l’agriculture avec d’autres activités. Pour l’une c’est le tourisme, pour l’autre ce sont l’élevage bovin et ovin, l’apiculture et … la production de biogaz grâce à la valorisation des déchets animaux. Une seule entreprise communautaire se positionne dans l’industrie (transformation de l’argile et production de toutes formes de briques).

Enfin, Gafsa est, et de très loin, le champion de la création d’entreprises communautaires, avec 18 annoncées à ce jour. Dans ce gouvernorat aussi, c’est l’agriculture qui prédomine avec près de la moitié (8) des entreprises communautaires dédiées à cette activité.

L’industrie arrive en deuxième position, avec 7 projets réparties entre le recyclage des déchets, l’exploitation des mines et la fabrication de béton cellulaire. Seule l’une d’entre elles pose problème. Comme son nom l’indique -société de transport des phosphates et des matières minières-, ses trois fondateurs la prédestinent à opérer dans un secteur, le transport du phosphate par des privés, problématique et auquel les pouvoirs publics veulent mettre fin.

La plupart des entreprises communautaires veulent opérer dans l’agriculture. Mais il y a quelques projets dans d’autres secteurs : médias (Zarzis), tourisme (notamment création d’une zone touristique à Halg El Oued à Zouaraa, dans le gouvernorat de Béjà), industrie (en plus du béton cellulaire à Gafsa, textile à Jendouba, matériaux de construction à Sidi Bouzid), et transport (le plus important projet se trouve à la Cité Ettadhamen dans le gouvernorat de l’Ariana, dont les porteurs annoncent un capital de 20 millions de dinars pour leur société).

En somme, si sur le plan politique il est arrivé à ses fins –notamment en faisant adopter une nouvelle constitution et élire une nouvelle assemblée, selon un nouveau code électoral-, dans les dossiers économiques, il peine à atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, dont celui d’imposer les entreprises communautaires dans le paysage tunisien.