Les espèces endémiques sont celles qui se trouvent dans une région donnée du globe. L’Afrique du Nord comprend des espèces qui lui sont propres. Le nombre d’espèces endémiques du Maghreb est très important. Nous nous limiterons aux principales espèces d’arbres qui ne se trouvent que dans notre région. Le tableau suivant résume le nombre d’espèces endémique des trois pays du Maghreb.
Concernant la Tunisie au moins, le nombre d’endémiques, leur statut taxinomique et leur distribution géographique, sont appelés à être actualisés, au vu des taxons ajoutés au cours des dernières années et des révisions systématiques ayant touché les groupes auxquels ils appartiennent.
La répartition des arbres endémiques du Maghreb, et qui seront traités ici, figure sur le tableau suivant :
Le thuya de Berbérie a une aire globale allant du Maroc à la Libye. Il se trouve aussi en Espagne et à Malte. Il a été introduit aux îles Canaries, Chypre, Sicile et Gibraltar. Son bois a longtemps été exploité comme combustible (hammams), mais il a aussi été utilisé en ébénisterie. Il continue à être exploité à cette fin –et à d’autres– au Maroc. Cet arbre a la capacité de se régénérer très facilement à partir de sa souche lorsqu’il est coupé ou incendié (ce qui a permis à l’arbre de survivre durant des siècles). En Tunisie, il s’étend de Bou Kornine au Cap Bon. Il descend vers le sud jusqu’au nord d’Enfidha en passant par dj. Zaghouan, mais les formations les plus denses se situent au nord de cette aire de répartition. En Algérie, il couvre une superficie bien plus importante qu’en Tunisie[1]. Au Maroc, il occupe une superficie encore plus importante[2], mais il subit d’énormes pressions amenant à la dégradation des milieux qu’il couvre[3]. Le rôle du thuya dans la structuration des paysages forestiers est actuellement reconsidéré dans le sens où cette espèce assure des fonctions écologiques d’une grande importance, mais restées longtemps négligées. Il est regrettable qu’on n’accorde pas à cette essence l’importance qu’elle doit avoir, surtout dans la fixation des sols et la valorisation des terrains dégradés dans son aire historique[4].
Le chêne afares est une endémique algéro-tunisienne. Il n’occupe en Tunisie qu’une petite zone : il est confiné à la réserve de Aïn Zana, au nord-ouest du pays. En Algérie, il occupe une superficie beaucoup plus importante[5]. Il habite des zones d’altitude à importante pluviométrie annuelle. Malgré la faible étendue qu’elle occupe en Tunisie, la forêt de chêne afares ne semble pas encore avoir livré toute sa diversité[6].
Le cèdre de l’Atlas est une endémique algéro-marocaine. C’est un arbre majestueux (peut dépasser 50 m de haut). Il a été planté dans de nombreux parcs en Europe comme arbre d’ornement, mais aussi comme espèce de reboisement dans plusieurs pays, aussi bien en Europe qu’en Amérique. En Tunisie, il ne se trouve que dans quelques stations où il a été planté. Dans son aire naturelle, le cèdre de l’Atlas pousse dans des forêts de haute altitude (au-dessus de 1400 m, jusqu’à 2400 m). C’est une espèce qui caractérise les milieux humides et froids. Il occupe une superficie de près de 130 000 ha au Maroc et 30 000 ha en Algérie[7]. Sa distribution aussi bien en Algérie qu’au Maroc est discontinue[8]. L’aire occupée par le cèdre en Algérie n’a cessé de diminuer avec le temps. Le déclin de l’espèce continue, en raison de pressions d’origine humaine et de la récurrence de la sécheresse[9]. Certaines forêts ont enregistré des taux de mortalité dépassant dans certaines localités 90 % des arbres[10]. Les zones d’altitude inférieures à 1500 m sont les plus affectées par la mortalité des arbres[11]. La régénération des forêts de cèdre est compromise en raison des pressions continues qu’elle subit : coupes des arbres, pâturage excessif, y compris dans les aires protégées. Le passage fréquent du bétail compromet la régénération de l’espèce même si les conditions du milieu sont favorables à sa multiplication. Le même phénomène a été observé au parc d’El Feidja où des arbres âgés de plus de 20 ans n’ont pas pu dépasser un mètre de hauteur. La tendance à l’aridification du climat en Afrique du Nord ne fait que rendre encore plus sensibles les forêts de cèdre à la sécheresse[12].
La pression enregistrée dans les cédraies algériennes est aussi constatée au Maroc où les forêts subissent des prélèvements qui vont au-delà de leurs capacités de régénération[13]. L’accroissement de la population et du nombre de têtes de bétail ne fait qu’amplifier le phénomène de la dégradation du couvert forestier. La précarité des conditions des habitants des forêts de cèdre les pousse à une exploitation accrue des ressources dont ils disposent (bois de feu pour un usage domestique), contribuant ainsi à leur détérioration[14]. Rappelons que le cèdre est un arbre à croissance lente, et qu’il a une longue durée de vie, dépassant les trois siècles[15]. Au Maroc, l’aire potentielle du cèdre dépasse de loin les superficies occupées[16]. Même sous les conditions de changement climatique, le cèdre peut occuper bien plus d’espace que les zones où il existe actuellement[17]. Cependant, l’espèce a tendance à occuper les hautes altitudes offrant les conditions écologiques nécessaires qui lui permettent de se maintenir.
[1] 191 000 ha. Voir Louni D., 1994. Les forêts algériennes. Forêt méditerranéenne, 15 (1): 59-63. La superficie qu’il occupe ne cesse de régresser (140 000 ha ; voir Hadjadj K. & Letreuch Belarouci A., 2017. Synthèse bibliographique sur le thuya de berbérie [Tetraclinis articulata (Vahl) Mast.]. Geo-Eco-Trop., 41 (1): 13-27)
[2] 560 000 ha ; Bourkhiss M., 2017. Focus: une plante, une espèce : Thuya de Berberie (Tetraclinis articulata Vahl Masters) ‑Aperçu taxonomique, phytogéographique et écologique. Le Journal de botanique, 79: 69-71
[3] Fennane M., Barbero M. & Quezel P., 1984. Le au Maroc : aperçu phytogéographique et écologique. Bulletin de l’Institut Scientifique, Rabat, 8: 115-134
[4] Voir par exemple Hadjadj K. & Letreuch Belarouci A., 2017. Synthèse bibliographique sur le thuya de berbérie [Tetraclinis articulata (Vahl) Mast.]. Geo-Eco-Trop., 41 (1): 13-27
[5] Chiffre ancien ; avec chêne zeen 65 000 ha. Voir Louni (1994)
[6] Voir El Mokni R., 2022. Quercus ×numidica Trabut (Fagaceae, Quercoideae) and Cynosuro peltierii-Quercetum afaredis Laribi ex El Mokni ass. nov. new taxon and syntaxon to Kroumirian oak forests of Tunisia with remarks on their ecology and conservation. Hacquetia, 21 (1): 153–161
[7] Harfouche A., Nedjahi A., Ellatifi M. & Daly-Hassen H., 2005. Les ressources génétiques forestières nord-africaines et leur conservation. Revue forestière française, 57 (1): 15-32. Voir aussi Naggar M., 2013. La régénération du cèdre dans le moyen Atlas central au Maroc. Quelle issue pour la durabilité de l’écosystème de la cédraie? Forêt Méditerranéenne, 36 (1): 25-34
[8] Bentouati A., 2008. La situation du cèdre de l’Atlas dans les Aurès (Algérie). Forêt méditerranéenne, 29 (2): 203-208
[9] Sarmoum M., Navarro-Cerrillo R. Mª., Guibal F. & Abdoun F., 2018. Structure, tree growth and dynamics of Cedrus atlantica Manetti forests in Theniet El Had national park (N-W Algeria). Open Journal of Ecology, 8: 432-446
[10] Kherchouche D., Kalla M., Gutierrez E., Briki A. & Hamchi A., 2013. La sécheresse et le dépérissement du cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica Manetti) dans le massif du Belezma (Algerie). Sécheresse, 24 (2): 129-137
[11] Sarmoum M., Navarro-Cerrilo R. & Guibal F., 2019. Bilan actuel et rétrospectif du dépérissement du cèdre de l’Atlas dans le Parc national de Theniet El Had (Algérie). Bois et Forêts des Tropiques, 342: 29-40
[12] Navarro-Cerrillo R. M., Sarmoum M., Gazol A., Abdoun F. & Camarero J. J., 2019. The decline of Algerian Cedrus atlantica forests is driven by a climate shift towards drier conditions. Dendrochronologia, 55: 60-70. Voir aussi Slimani S., Derridj A. & Gutierrez E., 2014. Ecological response of Cedrus atlantica to climate variability in the Massif of Guetiane (Algeria). Forest Systems, 23 (3): 448-460
[13] Ikkou R., Lazhar H. & Benbrahim Y., 2021. Dégradation avancée de la couverture végétale du milieu montagnard subaride. Cas de la forêt d’Itzer (versant sud du Moyen Atlas). Rev. Espace Géo. Soc. Mar., 51: 149-159
[14] El Hairchi K., Benbrahim Y., Ouiaboub L. & Limame A., 2022. Evaluation de l’effet des facteurs anthropiques sur la dégradation des forêts du Moyen atlas central (cas de la forêt Ain Nokra). Rev. Espace Géo. Soc. Mar., 59: 149-166
[15] Naggar M., 2013. La régénération du cèdre dans le moyen Atlas central au Maroc. Quelle issue pour la durabilité de l’écosystème de la cédraie? Forêt Méditerranéenne, 36 (1): 25-34
[16] Laaribya S. & Alaoui A., 2021 Modélisation par l’entropie maximale de l’habitat potentiel du cèdre de l’atlas au Maroc (Cedrus atlantica Manetti). Revue Nature et Technologie, 13 (2): 120-128
[17] Laaribya S., Alaoui A., Ayan S., & Dindaroglu T., 2023. Changes in the potential distribution of atlas cedar in morocco in the twenty-first century according to the emission scenarios of RCP 4,5 and RCP 8,5. Forestist, 73 (3): 1-10
C’est très intéressant, merci pour cet effort. Ça serait mieux, je crois, d’avoir les noms locaux de ces arbres en addition aussi. Après tout, ce sont des arbres nord africains et non français