Mohammed Ben Mohammed a disparu, comme des dizaines de jeunes gens dans la dernière période. Mais ce n’est pas la première fois, malheureusement.

En effet, ce jeune homme, né le 28 avril 1977, diplômé du baccalauréat en 1996, puis titulaire d’une maîtrise en gestion depuis 2001, a été recruté en mars 2003 à Tunisie Télécom en tant que gestionnaire financier. Le 3 avril 2004, il a été arrêté de façon illégale, son domicile a été fouillé [1] ; il a été torturé lors de sa garde à vue au ministère de l’Intérieur à Tunis, contraint de signer un procès verbal et écroué en vertu de la loi anti terroriste promulguée le 10 décembre 2003. Alors qu’il est originaire de la région de Bizerte, il a été emprisonné dans des conditions inhumaines à la prison du 9 avril à Tunis avec des droits communs. Le manque de lits (40 pour 140 prisonniers dans cette cellule), la violence contre les détenus, l’avaient alors conduit à mener une longue grève de la faim en mai 2005 [2].

Il a été condamné en première instance à dix ans d’emprisonnement dans l’affaire dite de « Bizerte ». Il s’agissait d’une des premières affaires où s’appliquait la loi anti terroriste et dont la majorité des accusés résidaient en Tunisie où ils avaient été arrêtés. Elle avait été particulièrement suivie par les défenseurs des droits de l’homme, au niveau national et international et Mohammed Ben Mohammed avait été parrainé pendant toute sa détention par l’ACAT-France. En appel, le 3 juillet 2005, il avait été acquitté, avec cinq autres, tandis que les huit autres étaient condamnés à des peines allant de cinq à vingt ans d’emprisonnement [3] et sont toujours incarcérés. Il était sorti du tribunal, libre. Libre ???

Pas tout à fait, plutôt dans une prison à ciel ouvert. Sur le plan professionnel, Mohammed Ben Mohammed n’a jamais pu réintégrer Tunisie Télécom, en raison d’une mise à pied. Il avait fini par se lancer dans un projet de ruches et de fabrication de miel.

La Sûreté de l’Etat l’avait pris en chasse, le convoquant à de nombreuses reprises, le soumettant à des questionnaires, voulant lui faire signer des engagements à ne plus porter de barbe. Il a parfois été retenu une nuit entière à leur poste à Bizerte, comme lors du dernier mois de Ramadan. Il ne pouvait quitter son lieu de résidence sans les en avertir préalablement.

Dernièrement, le harcèlement avait pris une nouvelle forme, il était questionné sur son acquittement de 2005 : « Comment as-tu fait pour t’en sortir ? », « Ton père a dû en dépenser des fortunes, pour que tu sois acquitté ! » et autres allusions menaçantes. Une semaine avant son arrestation, il a été de nouveau interrogé sur des personnes qu’on lui a demandé de reconnaître. Le 20 janvier dernier, les agents de la Sûreté de l’Etat se sont présentés à son domicile en son absence et l’ont convoqué au district de Bizerte. Depuis, il n’a pas réapparu. Les recherches des siens sont restés vaines, se heurtant à la même réponse : il ne fait pas partie des listes des personnes arrêtées.

Pour lui, pour ses parents et pour ses cinq sœurs qui s’inquiètent, intervenez !

Luiza Toscane, 3 février 2007

[1] Se reporter aux communiqués de section de Bizerte de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme des 6 et 8 avril 2004.

[2] « Report de l’examen de l’affaire relative à la loi anti-terroriste, Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), 19 juin 2005

[3] Se reporter à : « Lourdes condamnations dans le procès des jeunes de Bizerte, CNLT, 3 juillet 2005 et « La justice tunisienne voit des « terroristes » partout », Libération, 5 juillet 2005.