Depuis le coup d’Etat orchestré par Ben Ali, le 7 novembre 1987 sur l’ancien président et fondateur de la République, Habib Bourguiba, la Tunisie vit une situation de terreur.
Nous sommes près de 10 millions de citoyens, vivant tous les jours l’humiliation, la persécution, la frayeur, la torture mentale pour ceux qui sont à l’extérieur des prisons et la torture physique en tout genre pour ceux qui y sont à l’intérieur. On dit même de la Tunisie qu’elle est l’un des plus grands pays inventeurs des techniques de torture au monde.
Cela fait maintenant 17 ans que nous subissons, attendons, et souhaitons la libération. Je ne cherche pas à mettre en doute le fervent militantisme de certains, seulement pointer l’apathie de la majorité des tunisiens, stigmatiser l’attitude des autres qui ont choisi d’être au côté du terrorisme d’Etat. Ils ne représentent heureusement qu’une minorité. A ces derniers je dirais : vous avez choisi le mauvais côté.

Sur le point d’achever son troisième et dernier mandat, le 26 mai 2002 Ben Ali et ses sbires qui terrorisent le peuple ont organisé un référendum constitutionnel formellement illégal, lui permettant d’assurer la présidence à vie. Ceci avec une première sur le plan juridique, une garantie d’impunité non seulement au « président », mais aussi à sa famille. Les résultats du référendum étaient de 99,52 % des voix en faveur des changements constitutionnels proposés. D’après le « ministre de l’intérieur », 99,52 % des citoyens tunisiens, opprimés, torturés, terrorisés ont été en faveur des changements constitutionnels. Une réforme de la Constitution qui cherche à cacher en fait les manoeuvres permettant à Ben Ali de rester au pouvoir jusqu’en 2014, en d’autres termes : à vie !
Sur un total de près de 3,5 millions d’électeurs, seuls 16 642 personnes auraient dit “non” au référendum !!

Le monde aujourd’hui a changé pour toujours. Une guerre mondiale a été déclenchée contre le terrorisme depuis les attentats du 11 septembre.
En Tunisie, nous subissons tous les jours le terrorisme de l’appareil répressif de Ben Ali. Le terrorisme n’est pas simplement un avion qui s’abat sur un building. Le terrorisme c’est aussi les millions de Tunisiens qui vivent tous les jours les abus de tout genre et la crainte permanente de l’appareil répressif de Ben Ali.
Le terrorisme, c’est aussi les centaines de milliers de mères, de pères d’épouses qui vivent dans la crainte permanente de voir leur époux, frère, enfant disparaître sans nouvelles dans les geôles de Ben Ali.
Nous devons rejoindre le monde contre cette guerre et mettre fin à cette tumeur. Nous devons suivre les pas des « américains » pour mener à bien notre guerre.
Ceci dit, je ne légitime aucunement l’invasion de l’ Afghanistan ni celle de l’ Iraq par ces derniers ni le régime fasciste du président Bush, mais j’appelle à la mobilisation de toutes les instances nationales, à l’unification du pays tout entier contre cette guerre.

Afin que nous puissions réaliser cette mobilisation, et unir notre peuple derrière notre cause, nous devons agir de façon lucide, avec clairvoyance, et intelligence. Il faut absolument débattre de la conduite à tenir et des objectifs à atteindre.

Nous ne militons pas, simplement, pour exister ou déranger l’autoritarisme du pouvoir, entendons-nous tous là-dessus : nous agissons pour libérer nos familles du terrorisme régnant.

De fait, comme je l’ai déjà mentionné en amont, il faut en premier lieu, envisager une redéfinition de notre sens des responsabilités. Que chacun d’entre nous accepte le challenge de changer vers le meilleur, débarrassons-nous de tout tempérament radical et impulsif, apprenons à lâcher du lest quand il le faut pour servir honorablement notre cause.

Ensuite, il nous faut réorienter le dynamisme de notre engagement vers ce défi. Il faut que les matières dites d’intelligence et d’habilité réfléchies fassent partie dorénavant de nos moyens de lutte. Les méthodes classiques ne fonctionnent plus. Pour preuve : le terrorisme persistant.

Enfin, dans la phase activiste actuelle, les clivages idéologiques et les mésententes politiques entre les différents partis de l’opposition tunisienne, n’ont fait que ralentir, pour ne pas dire rétrograder le processus de notre combat. Il faut absolument canaliser nos efforts et nous unir pour l’essentiel sans pour autant faire un trait sur nos différences qui font notre richesse.

Le 24 octobre Ben Ali sera « réélu ». Comme d’habitude, on verra le ‘ministre de l’intérieur’ annoncer la « victoire » de ce dernier avec le fameux score de 99, ??%.

Que faire ?

Pour tenir des propos plus efficaces, et avoir la conscience tranquille envers l’histoire, en essayant de contribuer à la résolution, de mon point de vue et avec les moyens dont je dispose, je perçois l’avenir comme suit :

Il faut impérativement organiser une conférence nationale avec les figures opposantes tunisiennes pour trouver les moyens et s’entendre sur les points fondamentaux suivants :

1. Les procédés organisationnels de la mobilisation sous une seule devise : le combat collectif pour la libération de la Tunisie

2. L’étude de tous les moyens possibles afin d’éviter un échec ou un futur effondrement des efforts de cette initiative, et la mise en place d’un stratège de recouvrement.

3. La formation d’un gouvernement de front national par intérim à l’exil.

4. Le développement des grandes lignes du nouveau système démocratique tunisien. Les moyens de l’annoncer largement au tunisien et au monde entier. (des spots publicitaires sur les chaînes Tv et radio les plus regardés et écoutés par les tunisiens par exemple, tels que el-jazeera, al-arabiya, des brochures en support papier, en format pdf, la création d’un site web officiel à caractère professionnel, simple, sobre, où on peut trouver toutes les informations nécessaires, sans images animées qui font mal aux yeux, ou des plug-ins qui fonts fuir les visiteurs…..)

5. Les moyens de garantir la continuité du dit-système.

6. Les « comment » éviter un état de chaos et l’effondrement relatif de l’Etat après la chute du terrorisme.

7. Des plans de financements pour les actions envisagés et les activités relatives à la campagne, ainsi que la création des ressources nécessaires.

8. La mise en place d’un bureau d’intelligence et d’étude stratégique avec le staff approprié.

9. La création d’une institution médiatique professionnelle et digne de son nom.

Comment développer un tel projet ? Sommes-nous vraiment capable de le réaliser ? Peut-être faut-il commencer par la création d’une commission provisoire, composée de personalités respectées telles que et j’en oublie : Mokhtar Yahyaoui, Abdelaziz Mzoughi, Mustapha Kraïem, Sahbi Amri, Fawzi Ben Mrad, Ali Ben Salem, Anouar Kousri, Radhia Nasraoui, Hamadi Rdissi, Sami Souihli….. , avec pour but la définition d’une feuille de route pour un tel projet, et synchroniser la coopération entre les différents partis de l’opposition.

Après un tel dynamisme et mobilisation, l’opposition gagnera du terrain, une légitimité incontestable, une base populaire atténuée, conduisant à un déséquilibre inévitable de la machine terroriste.
Le jour J où vous rentrerez au pays, vous trouverez toute la Tunisie sur les portes de l’aéroport.

Cela, pourrait paraître pour certains naïf, non réaliste, impossible…, peu importe, ma réponse est la suivante : avancez donc vos suggestions.
Je rajoute que, voir le possible là où les autres voient l’impossible, telle est la clé du succès*, de même qu’avoir connaissance du mal et ne pas bouger, c’est prendre sa part de culpabilité**.

Seule la vulnérabilité de la dictature et du terrorisme après les années Bourguiba suivies par celles de Ben Ali me donnent espoir et certitude que la libération et la démocratisation du pays est une conséquence. Seulement, étant donné la conception complexe du monde d’aujourd’hui, un changement violent ou improvisé nous entraînera dans un fiasco total.
On ne subit pas l’avenir, on le forge. Si on ne retrousse pas nos manches pour le changement, rendez-vous donc dans cinq ans, en 2009, pour une prochaine campagne de boycott « Non à Ben Ali ». A ce moment là, j’aurais l’intime conviction que notre opposition n’a de sens que parce qu’elle se définit par rapport aux notions de dictature et de terrorisme, et que la crainte de la voir s’évanouir conjointement avec la disparition de ces phénomènes, expliquerait l’absence d’actions concrètes.

* Charles-Albert Poissant
** Bertha Peppenheim