Puisqu’on ne peut pas narrer la fin des disparus, puisque cette disparition est sans fin, alors justice ne sera pas rendue tant que la disparition durera : c’est ce que proclame depuis le début Hebbe de Bonafini, une des mères de la Place de Mai en Argentine, malgré des offres étatiques très importantes d’indemnisation […] Le crime de disparition rend impossible la justice, puisqu’il est sans retour” (1)

Le 30 août dernier plusieurs associations, le Comité des Familles de Disparus en Algérie et la FEMED en partenariat avec l’International Coalition Against Enforced Disappearances, la FIDH, l’ACAT, la LDH, le Forum Vérité et Justice (Maroc) et Amnesty International-France, ont organisé une manifestation à Paris à l’occasion de la journée internationale des disparus. Des centaines de portraits de disparus exposées, des films sur les disparitions en Algérie et au Maroc, des lettres de familles à la recherche d’un proche, des mises à jour sur la convention de l’ONU (2) et les actions à mener, cette initiative se voulait informative.

Maroc, Turquie ou Algérie, les disparitions forcées y relèvent d’une politique, d’un système mis en place à cet effet. En Tunisie, rien de tel. Quelques cas de disparitions existent mais ils ne relèvent pas d’une politique délibérée et élaborée à une échelle de masse.

Et pourtant, la douleur et le calvaire de leurs familles sont identiques à la souffrance des millions de proches de disparus à travers le monde. De surcroît, elles n’ont pas pu confronter leurs expériences ou bénéficier de la solidarité qui est de mise dans les pays où la disparition forcée a été à l’origine de mobilisations collectives.

En Tunisie, dédions cette journée aux familles Matmati et Mellouhi :

Kamel Matmati a été arrêté en octobre 1991 sur son lieu de travail à la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz de Gabès. Depuis lors, les siens, ses parents, son épouse et ses deux enfants ainsi que les membres de la famille n’ont eu de cesse de le chercher, en vain (3). Les autorités n’ont jamais répondu aux demandes de vérité, n’ont pas restitué de corps. En 1992, il aurait même été jugé par contumace, déclaré” en fuite”.

Abbès Mellouhi, un expert comptable à la retraite, a disparu en avril 2005, enlevé par des policiers en civil en voiture devant son domicile de Jebel Jelloud. Les efforts de son épouse pour obtenir des informations sont restés infructueux (courriers, plainte). Abbès Mellouhi estt père d’une petite fille.

Luiza Toscane

(1) “Les paradoxes de l’événement d’une disparition”, Jean-Louis Déotte, in L’histoire trouée, négation et témoignage, l’Atalante, 2003.

(2) http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/html/convention-enforced-disappearance-interview-201206

(3) les photos des membres de la famille de Kamel Matmati : http://smawebdesign.com/mcgallerypro/index.php?album=33&PHPSESSID=29b316d4a0ea7380a50cdc2c4c4b5412