Le système Ben Ali

La nouvelle ère inaugurée le 7 Novembre 1987 par Ben Ali a introduit des changements drastiques dans le mode de fonctionnement des pouvoirs et des institutions. Bourguiba président autoritaire détenait constitutionnellement la quasi-totalité des pouvoirs. Il en déléguait quelques uns. A partir des années soixante Wassila son épouse s’est arrogé quelques prérogatives qui devaient par la suite peser sur la politique ainsi que sur les équilibres internes des forces. Quelques fortes personnalités ou barons historiques manifestaient des velléités décisionnelles et le faisaient savoir grâce à un jeu subtil d’alliances qui se faisaient ou se défaisaient au hasard des affinités de couloirs et d’intérêts.

Les Premiers Ministres successifs de la Tunisie indépendante disposaient d’un champ réel d’action, ce qui leur permettait de prendre des initiatives politiques. Il leur arrivait d’affirmer leur visibilité médiatique selon les codes et les moyens de l’époque en accordant par exemple des interviews y compris à la presse étrangère ou en improvisant leur discours. Ils géraient un ordre du jour d’une manière relativement autonome sans la bénédiction de Carthage devenue depuis 1987 l’épée de Damoclès hantise de toute la classe politique actuelle quel que soit son degré d’allégeance ou de dévouement.

Il est même arrivé que des Ministres à forte personnalité impriment un caractère personnel à leur action et marquent leur implication dans des décisions et des mises en œuvre majeures de certains choix fondamentaux politiques, économiques et sociaux, ce fut le cas entre autre de Taieb Mhiri, A. Ben Salah, Driss Guigua, Tahar Belkhodja, Abdallah Farhat, Mansour Moalla etc…

L’arbre mafieux

Or de nos jours, on constate que « Ben Ali président » détient encore plus de pouvoirs que Bourguiba. La Révision constitutionnelle de 1988 lui a conféré en plus de ses pouvoirs ceux que détenait constitutionnellement le Premier Ministre avec cette différence par rapport à la pratique “bourguibienne” que Ben Ali ne délègue aucun pouvoir à son Premier Ministre encore moins à un quelconque titulaire d’un portefeuille ministériel. Il gère tout lui-même. Il approuve le recrutement d’un simple technicien dans une Municipalité et il supervise la création d’un microprojet de développement agricole.

Autre innovation par rapport à la pratique bourguibienne du pouvoir et non des moindres c’est la propension de Ben Ali à investir les membres de son clan/famille sans cesse élargi de pouvoirs parallèles mais néanmoins réels. Parmi les plus influents citons les membres du premier cercle c’est-à-dire les seigneurs de l’anneau majeur des affaires les plus lucratives et des privilèges les plus absolus à savoir les Ben Ali, les Trabelsi, les Chiboub, les Zarrouk, les Mabrouk, et last but not least les Materi. A cette camarilla il convient d’ajouter les complices, les hommes de confiance, les copains et les coquins de tout acabit…

Ainsi comble de la perversion de l’Etat et de ses rouages et pratiques dans la Tunisie d’aujourd’hui, Leila Ben Ali dispose de plus de pouvoirs réels que le Premier Ministre. Elle peut faire et défaire le gouvernement, nommer ou limoger Ministres, Ambassadeurs, PDG quand bon lui semble. Elle peut enrichir, appauvrir, faire emprisonner ou libérer qui elle veut quand elle le décide. Ces “surpouvoirs” peuvent échoir pratiquement à tous les membres du clan en fonction de la position de chacun dans la hiérarchie clanique établie par Ben Ali.

Belhassen Trabelsi frère de sa sœur détient plus de pouvoirs que n’importe quel ministre. Il décide à qui sera adjugé tel marché (si ce n’est pas à lui …), quel titre foncier est à déclasser, par quelle banque tel portefeuille devra être géré, ainsi de suite… Imed fils de sa tante et/ou neveu de sa mère détient plus de pouvoirs que le Directeur Général des Douanes. Hayet sœur cadette de Ben Ali a plus de pouvoirs à Sousse que le Gouverneur et le maire réunis. La liste pourrait s’allonger encore. En fait le nombre et les identités de ces détenteurs de pouvoirs réels sont connus de tous. Ils seraient environ deux cent cinquante auxquels il faut ajouter les complices, les prête-noms, les associés comme les Hédi Jilani, les Aziz Miled, Hamadi Touil, Lazhar Sta, Hakim Hmila soit une bonne centaine de courtiers/intermédiaires/négociants en tout genre.

Tout ce « beau monde » habite palais ostentatoires et roule en Jaguar et Audi 7, dispose bien évidemment d’un solide réseau de limaces au sein de l’appareil d’Etat pour exécuter les desiderata. Il s’agit généralement de Conseillers à la Présidence, un quarteron de Ministres aux ordres, une poignée d’Ambassadeurs en poste dans les capitales névralgiques ainsi que des Responsables d’entreprises publiques et d’institutions financières nationales. Le plus emblématique de ces personnages est bien entendu Abdelawahab Abdallah Majordome de la famille Trabelsi et Ministre de l’information et des Affaires Étrangères à ses heures perdues. Il agit en duo avec son épouse née Gorgob qui porte une double casquette de “Bonne en Chef” du même clan et PDG de la Banque de Tunisie suite à un hold-up mémorable que seule la scène financière tunisienne est capable de produire.

Le « Majordome » est en conflit ouvert avec Abdelaziz Ben Dhia le “Valet Senior” du clan des Materi. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces rivalités entres domestiques ne font que traduire des conflits de pouvoirs et d’intérêts qui secouent de temps à autre le sérail “BenAlien” généralement sans grande conséquence pour la pérennité du système d’autant que le Parrain veille de près à la bonne marche du marché et à la coexistence pacifique entre les pillards.

Une nouvelle branche mafieuse

Comme si cela ne suffisait pas voila qu’un nouvel acteur débarque dans ce lupanar. En effet depuis quelques années l’opinion hébétée s’est presque habituée à l’image de ce jouvenceau gominé dont le seul titre de gloire est d’avoir pris pour épouse l’aînée du deuxième lit. Son CV réel mentionne un QI à peine testable ainsi qu’un tapis de prière sous le bras. Aussi analphabète que ses aînés et accessoirement acolytes mais tout aussi affamé. On sait qu’il s’est nourri au sein de la traîtrise (le père ex-conspirateur galonné a souillé l’honneur et l’intégrité de toute la famille Materi lors de la tentative de putsch de 1962). Wassila ayant intrigué pour lui éviter l’escadron, Ben Ali en a fait un Sénateur d’opérette. Déjà le tableau de chasse prend du volume : pillage et détournements de deniers publics ne se comptent plus. En effet à l’actif du gendre quelques trophées de poids, délits d’initiés dans l’affaire de la privatisation de la Banque du Sud, prise de concession de 600 mètres de quai au port de la Goulette, acquisition frauduleuse de la Société Ennakl, appropriation d’un périmètre de la Sonede (Château d’eau de Sidi Bousaid) pour ne citer que cet échantillon de performances.

Jusque là Sakhr El Materi nage dans l’affairisme profane, il fallait donc donner un habillage spirituel à la fortune si “durement” acquise. La mode étant au “télésalafisme” il lance une radio “Zeitouna” dans le “droit fil de la diversification du paysage médiatique et du pluralisme décidé par le Président Ben Ali.” Cette initiative s’avère en fait générique et annonciatrice d’autres du même goût. Un projet de mosquée à Carthage, une Banque Islamique. Les agissements et les gesticulations tout terrain de notre super manager baptisé par les journaleux sous la botte “l’homme d’affaires M.S.

El Materi” au cas où on ne le saurait pas, suscitent quelques interrogations sur le sens réel de ce mariage de déraison entre affairisme délinquant et religiosité surexposée. Certains pensent que le pouvoir en l’occurrence son unique détenteur l’instrumentalise pour exhiber la carte de visite « Islam » à l’opinion. Les islamistes toute tendances confondues se frottent les mains et constatent la mine réjouie que le pouvoir qui les a brutalisé ne fait en réalité qu’appliquer leur projet… Ces initiatives après tout n’aboutissent-elles pas à l’élargissement de leur influence au sein de la société ? On croit même percevoir les contours clairs obscurs de possibles alliances qui leur permettraient de prendre le pouvoir ? Ce n’est pas un hasard si lors du lancement de la Radio Zeitouna, R. Ghannouchi et quelques autres figures de proue de la Nahdha se sont empressés pour féliciter S. El Materi et exprimer leur satisfaction de voir la Tunisie se remettre sur le droit chemin…

Il s’avère donc que des liaisons dangereuses et des connivences douteuses sont entrain de se nouer et de se développer dans l’ombre. Mafieux, limaces, Cheikhs, tartuffes en tout genre cherchent coûte que coûte à dominer la société et le pays avec pour ultime objectif richesse et pouvoir ou plus exactement le pouvoir pour plus de richesses.

Les citoyens indifférents, méprisants, résignés ou révoltés sont convaincus qu’ils vivent sous la botte d’une bande d’individus au profil somme toute homogène. Ils savent qu’ils ont affaire sans exception à des affamés voraces, des ignorants arrogants, des parvenus indécents, des illettrés obscènes qui ne cessent par leurs agissements de diffuser dans le pays la culture des lupanars et des bas-fonds où rapines, coups bas, coups fourrés et larcins petits et grands alimentent colère et dérision.

Touansa Makhourin

Dés maintenant, et jusqu’aux élections « grossière farce » de 2009, les droits et libertés d’expression et d’information seront encore plus férocement réprimés. Afin de briser la loi du silence, nous vous prions fraternellement, amicalement et patriotiquement de diffuser ce texte sur tous les sites couvrant la Tunisie, de le transmettre à toutes vos relations afin de participer à la dénonciation du système ben Ali.

Mansoor Maclil
TUNISNEWS

Via Tunisia Watch