Tunisie . Des représentants de la société civile sont en France pour demander plus de solidarité envers les syndicalistes et militants emprisonnés.

Cela fait plus d’une année, et à moins d’un mois de l’élection présidentielle tunisienne, que le syndicaliste Adnane Hajji et les 17 principaux animateurs du mouvement de contestation sociale du bassin minier de Gafsa sont en prison. Pour rappel, cette région a été le théâtre d’un mouvement social pacifique – emplois, salaires, développement de la région et éducation – qui avait duré de janvier à juin 2008 et qui fut durement réprimé par les autorités tunisiennes. Condamnés lourdement en appel en février dernier à des peines allant de deux à dix ans de prison, les 18 syndicalistes ont été depuis séparés et incarcérés dans différents centres de détention loin de leurs lieux d’habitation et de leurs familles résidant dans la région de Gafsa. C’est pour alerter de cette situation, et d’une répression qui se poursuit, qu’une délégation de la société civile tunisienne a rencontré plusieurs partis politiques – PCF, PS, NPA -, syndicats et associations ATTAC, FSU, Solidaires…

« La situation a empiré à tous les niveaux », explique Messaoud Romdhani, président du comité de soutien aux habitants du bassin minier de Gafsa. La compagnie des phosphates de Gafsa est l’unique et principal employeur dans cette région enclavée. Il faut savoir que du fait du désengagement de l’État et des réformes structurelles, les effectifs salariés sont passés de 17 000 à 5 000 en l’espace de quelques années, et ce, dans un contexte où le taux de chômage (38 %) représente le double de la moyenne nationale. Or, dans le même temps, la production minière a augmenté et les cours du phosphate ont flambé. La situation est devenue socialement intolérable notamment pour les familles de détenus : « Le salaire de ces derniers était leur unique ressource. Ailleurs dans le pays, ce n’est guère mieux. Ces jeunes qui bravent la mort en traversant la Méditerranée pour aller en Europe le montrent amplement. Autrement ils seraient restés en Tunisie. En tout cas, le mécontentement social est bien là ».

Plus généralement, « la situation se détériore. C’est l’avenir du pays qui est en jeu », explique-t-il. Et d’argumenter.

« S’agissant des droits de l’homme, les sections de la LTDH (Ligue des droits de l’homme) ne travaillent pas. Leurs locaux sont fermés par les autorités. L’Association des magistrats a été mise au pas, ce qui fait qu’il n’y a plus de voix indépendante au sein de la justice pour s’élever ou dénoncer si besoin est les dérives actuelles. Le Syndicat des journalistes a subi le même sort : il est sous la coupe des autorités. En résumé, ce climat antidémocratique et répressif, ce bâillonnement des voix libres, ajouté à l’absence de presse libre, de culture – disparition des ciné-clubs, des maisons de la culture -, de débats contradictoires, fait le lit du fondamentalisme islamiste. Ce dernier gagne de plus en plus de terrain, occupe l’espace et relève la tête. Rien d’étonnant que de plus en plus de jeunes soient attirés par l’islamisme et que le voile islamique soit de plus en plus présent dans la société tunisienne. De ce fait, le régime tunisien que l’on présente comme un rempart contre l’islamisme n’est qu’une fiction »

, conclut-il.

Hassane Zerrouky
L’humanité