Mise à Jour (03 Dec 2015) Karim Traoré a été libéré aujourd’hui à 13h. La décision de son expulsion vers la Côte d’Ivoire a été annulée suite aux négociations menées par son avocate Samia Jelassi avec la police des frontières et Belgacem Sabri, secrétaire d’État chargé des Affaires de l’immigration et de l’intégration sociale.

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Depuis dimanche, 29 novembre, Karim Traoré, migrant en Tunisie depuis 2011, a été empêché de quitter la zone internationale de l’aéroport de Tunis-Carthage après un court séjour en France. Sans nourriture, ni contact avec son avocate, le migrant ivoirien ne connaît pas les motifs de son arrestation, ni la décision de son expulsion vers son pays d’origine. Les autorités tunisiennes annoncent, mardi premier décembre, à Samia Jellassi, avocate de Karim, qu’il sera expulsé, sans donner d’explication ou de préavis.

Après le déclenchement de la guerre en Libye, en 2011, Karim Traoré est venu en Tunisie s’installer dans le camp de Choucha, à la frontière Tuniso-libyenne sous la responsabilité de l’UNHCR. En 2012, des centaines de demandes de protection internationale et d’asile ont été refusées par l’UNHCR, dont celle de Karim. Les déboutés se sont retrouvés confinés à Choucha, une prison à ciel ouvert.

Réintégration locale : L’Etat s’engage, puis rien !

Devenu, malgré lui, migrant économique, Karim accepte l’option d’une réintégration locale proposée par l’État suite aux négociations avec l’UNHCR. En 2013, il quitte le camp de Choucha et s’installe à Tunis. Suite à un appel de la Présidence du Gouvernement, les réfugiés étaient autorisés, à partir du 18 juillet 2013, à entamer un processus de régularisation en Tunisie. Karim dépose un dossier pour l’obtention de la carte de séjour. Deux ans après, sa demande est encore en suspens.

Depuis 2011, Karim anime un groupe informel de couture, appelé « Refuge ». En voyant son projet s’agrandir, Karim entame, en 2014, une procédure juridique pour créer légalement son entreprise. L’atelier attire de plus en plus de monde avec le soutien d’organisations tunisiennes et étrangères. Il fait travailler sept personnes.

En octobre 2015, Karim obtient un visa Schengen pour aller présenter ses produits à Paris. Sa candidature a été appuyée par plusieurs organisations, y compris l’Institut Français de Tunis (IFT).

C’est à son retour de Paris, que Karim se trouve bloqué à l’aéroport de Tunis-Carthage par la police des frontières. Il a fui la Côte d’Ivoire pour la Libye, en 2004, suite à l’embrasement post-électoral qu’a connu son pays.

Désert juridique

Bien que la Tunisie soit signataire de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, un vide juridique persiste au niveau des statuts de réfugiés, migrants et demandeurs d’asile. Cette convention définit les modalités selon lesquelles un État doit accorder le statut de réfugié aux personnes qui en font la demande. C’est donc l’UNHCR qui gère les dossiers des demandeurs d’asile. La Tunisie est en droit d’expulser les ressortissants étrangers en situation illégale. Dans ce cas, le migrant doit en être informé et peut disposer des droits à la défense. Suite à l’intervention de son avocate, Samia Jellassi, les autorités tunisiennes avouent qu’une interdiction d’entrée sur le territoire tunisien a été émise à l’égard de Karim, depuis son départ en France. Une décision prise à son insu et sans justification.

« Depuis que le gouvernement a proposé la possibilité d’accorder des cartes de séjours, des exclus du système d’asile de l’UNHCR, ont entamé les procédures dictées. Ils n’ont, à ce jour, pas obtenu la documentation nécessaire pour régulariser leur situation en Tunisie. Ils ne peuvent ni travailler, ni même accéder aux soins médicaux. Malgré l’existence d’une proposition de loi sur le droit d’asile à l’Assemblée des Représentants du Peuple, même les migrants reconnus “réfugiés” par l’UNHCR ne jouissent d’aucun droit », explique Debora Del Pistoia représentante de COSPE, une ONG italienne qui travaille dans le secteur de la coopération et de la solidarité internationale pour le développement des pays émergents.

Dans un portrait consacré à Karim traoré en Avril 2015, notre collègue Teycir Ben Nasr écrivait :

Le jeune couturier, […], n’attend plus de miracles. La création de l’atelier « Refuge » en est déjà un. […] Parfois, il se surprend à rêver d’un plus grand atelier, et d’une collection de prêt-à-porter.

Son expulsion de Tunisie, risque de faire voler en éclats le rêve de Karim.