Comment éviter de parler du nouveau Premier ministre ? En fait, je ne suis même pas sûr que nous ayons un nouveau Premier ministre. Il y a bien quelque chose qui a été chargée de constituer un gouvernement mais est-ce vraiment un Premier ministre ? Il semblerait que cela qui a été nommé Premier ministre soit un engin qui serve de relais, une sorte de retransmetteur assez sommaire et facile à manipuler. Je n’ai pas lu le mode d’emploi mais je crois qu’en appuyant sur les bons boutons, il permet de répercuter au sein du ministère, les directives qu’il reçoit. Celles de Béji & Fils au bénéfice desquels il a déjà œuvré au sein de Nida Tounes ou, comme cela a été révélé par les médias, celles des entreprises et multinationales américaines spécialisées dans l’agriculture et la biotechnologie. En abrégé, l’ex-ministre de la pêche est au service des requins de la politique et du capital (la déduction est schématique et la plaisanterie facile, je vous l’accorde).

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Comme tout le monde, jusqu’à récemment, je n’avais jamais entendu parler de lui et je ne l’avais jamais entendu parler. Maintenant, j’entend beaucoup parler de lui et je l’ai un tout petit peu entendu parler. J’ai écouté, par exemple, sa première allocution en tant que chef du gouvernement. Il s’est pas foulé, le mec. Quelques minutes à peine. Un discours pas plus long qu’un tweet. Appelons ça, un discours-tweet. Il paraît que c’est le dernier cri dans la communication moderne. On parle plus, on agit, on est efficace, nous dit le technocrate. Un discours aussi bref qu’un slogan de pub. Aussi trompeur évidemment. Voyons… qu’est-ce que j’en retiens ? Premièrement, il prend les jeunes pour des imbéciles : ne perdez pas espoir, leur dit-il, parce que l’avenir est préférable au présent. J’ai presqu’envie d’en rire ! Deuxièmement, il prend les femmes pour des idiotes : les femmes seront plus nombreuses au sein du prochain gouvernement. Troisièmement, il nous prend tous pour des andouilles : le gouvernement dira au peuple tunisien la réalité des difficultés économiques et financières. La phrase qu’il a en tête est quelque peu différente : le gouvernement fera supporter au peuple tunisien les difficultés économiques et financières au profit de ceux qui n’ont aucune difficultés économiques et financières. Le reste est du même tonneau. Adoubé par Béji Caïd Essebsi, soutenu de fait par Ghannouchi, il n’a que faire de l’opinion publique ; il a même négligé, je crois, le petit laïus habituel sur les inégalités régionales.

C’est donc à ce non-Premier ministre, surgi du néant et sans doute destiné à y retourner, qu’aura conduit le feuilleton estival, intitulé L’initiative présidentielle, à côté duquel les séries télévisées du mois de Ramadhan sont des chefs d’œuvre du cinéma mondial. Il n’est pas besoin, en outre, d’être un grand devin ni d’examiner à la loupe le fond de sa tasse de café pour prévoir que la farce du gouvernement d’union nationale va se poursuivre avec la désignation des ministres, secrétaires d’Etat et autres conseillers.

Comme beaucoup de gens, j’ai été enfant. Et comme beaucoup d’enfants, j’adorais le cirque. Magiciens, acrobates, dompteurs, jongleurs, trapézistes, j’aimais tout et c’est toujours le cas. Mais je n’ai jamais aimé les clowns.