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La société Petrofac a occupé le devant de la scène toute la semaine dernière, en raison de ses menaces de quitter le pays. Finalement, l’affaire s’est soldée par un accord avec les habitants de Kerkennah et le maintien des activités de cette entreprise tuniso-britannique qui exploite un champ gazier au large de l’île.

Une série de faits marque ce « retour à la normale » à Kerkennah, et qu’il y a lieu de rappeler :

  • Le mouvement social a été traité de tous les maux ; tantôt noyauté par le Front Populaire (FP), ou par les extrémistes du parti Ettahrir (en juin dernier), mais comme la carte du FP ne marche pas, on s’est focalisé sur le parti islamiste, dans le collimateur de la justice ces derniers temps ;
  • Les diplômés chômeurs ont été taxés de bloqueurs de la production, de fainéants et de tous les torts, pour les faire passer de fauteurs de troubles. Ils exerceraient une pression sur une entreprise qui ne cherche que le bonheur de la région et de ses habitants…
  • La mobilisation était totale, pour maintenir Petrofac en activité : une dizaine de ministres engagés pour conclure un accord entre l’entreprise et les manifestants. De telles mobilisations sont rares, même pendant des moments très pénibles que le pays a vécu, tels l’affreux accident qui a eu lieu à Kasserine, ou aussi les inondations que connaissent nombreuses régions et même la capitale ces jours-ci !

Osons poser certaines des questions restées sous silence dans cette affaire, ou qui ont été tues :

  • Quelle est la réalité des contrats unissant Petrofac à la Tunisie, et quels sont les volumes de gaz extraits ? L’information disponible précise que le champ de Kerkennah (concession Chergui) produit 10% du gaz en Tunisie, laquelle production reste une inconnue pour le commun des mortels !
  • Qu’en est-il de l’affaire présentée le 08 juin 2011 au procureur de la République concernant le PDG de Petrofac (voir à ce propos le rapport de la commission d’enquête sur la corruption dirigée par feu Abdelfattah Amor) ?
  • Pourquoi le sujet des hydrocarbures demeure la chasse gardée de certains, et que notre peuple demeure dans l’ignorance la plus totale de ses ressources ? Rappelons que toute la Tunisie est donnée en concessions aux multinationales et que l’observation du sud du pays par Google Earth montre qu’il comprend de nombreuses installations pétrolières !
  • Pourquoi n’a-t-on pas évoqué la pollution par les hydrocarbures des plages de l’île et qui a porté tant de torts aux pêcheurs locaux ? On savait qu’en juin dernier, l’ANPE a minimisé la portée de la pollution, prenant clairement la défense de l’entreprise à l’origine de la pollution.
Images Google Earth du site de Franig, la première prise en 2012 et la seconde en 2016 (septembre)

Si oser défier une multinationale mobilise tout ce beau monde, cela veut tout simplement dire que le gouvernement est là pour préserver les privilèges des pilleurs et ne peut que réprimer toute revendication –légitime- des populations locales. D’ailleurs, le mouvement social de Kerkennah ne doit pas faire tache d’huile, simplement parce que nombreuses autres localités se trouvent dans des situations similaires. Il y a eu en effet un mouvement à El Faouar (mai 2015) qui s’est soldé par un échec, une aubaine pour les multinationales !

Les informations relatives à la vente du sel tunisien (contrats remontant à 1949) n’ont éclaboussé personne parmi les tenants de l’ordre et les défenseurs des pilleurs. Ils ont jusqu’à ce jour réussi à cacher la vérité sur les contrats relatifs à l’extraction du pétrole et du gaz, sauf celui relatif à British Gas à Sfax qui nous vend le gaz produit en Tunisie pour la production d’électricité !

Bref, chaque fois que des revendications pointent le nez quelque part, chaque fois que la machine médiatique s’emballe pour décrier les fauteurs de troubles et les empêcheurs de tourner en rond, il y a toujours du beau monde qui défend un ordre des plus injustes qui ne fait que profiter à une minorité aux dépens de l’ensemble de la population. Pourtant, les injustices cumulées depuis des décennies ne peuvent qu’attiser l’émergence de mouvements qui finiront par avoir gain de cause, simplement parce que leurs revendications sont légitimes, n’en déplace aux chiens de garde des intérêts des possédants !