Le 18 août 2017, l’agence Moody’s a publié une note annonçant une nouvelle dégradation de la note souveraine de la Tunisie, accompagnée d’une dégradation de la note de la dette extérieure de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Le pays a été déclassé d’un échelon entier, passant de la catégorie « Ba/spéculatif » à la catégorie « B/très spéculatif ». C’est indéniablement un coup dur pour l’économie tunisienne, particulièrement au niveau de l’attractivité.

Déficits et retard des « réformes » du FMI

Selon Moody’s, il y a trois facteurs principaux qui motivent cette dégradation. En premier lieu, c’est la poursuite de la détérioration structurelle du déficit budgétaire. Il est actuellement estimé à 6,1% du PIB, alors qu’il était de 4,8% en 2015. Ce creusement perpétuel est causé par la masse salariale qui accapare 60% des revenus fiscaux, par les dettes auprès des banques publiques, du système de sécurité sociale et des entreprises publiques qui atteignent désormais 12% du PIB, mais surtout par le dangereux dérapage du taux d’endettement qui est passé de 50,8% du PIB en 2014 à près de 75% actuellement. L’agence de notation a insisté sur ce dernier élément en indiquant que « la trajectoire de la dette reste particulièrement vulnérable aux fluctuations défavorables du taux de change, en raison de la part importante de la dette en devises qui représente plus de 65% du total de la dette de l’Etat ».

Vient ensuite le déséquilibre persistant de la balance commerciale. Celui-ci découle de l’accentuation de l’écart entre le rythme d’évolution des exportations et celui des importations. Durant les 7 premiers mois de 2017, le déficit commercial a augmenté de 26% pour atteindre 8.628 millions de dinars, contre 6.856,3 millions de dinars une année auparavant. Désormais, les exportations tunisiennes couvrent seulement 68,9% des importations. Ceci a fortement impacté les réserves en devises de la banque Centrale, en perpétuel déclin. Au mois d’aout 2017, ses avoirs nets en devises ont dégringolé à 90 jours d’importation. Aux yeux des bailleurs de fonds et des partenaires commerciaux du pays, c’est un indicateur alarmant qui met en doute la capacité de l’Etat tunisien à honorer le remboursement de sa dette et à assurer son approvisionnement.

Enfin, c’est l’inefficacité de la politique gouvernementale qui est mise en cause. Pour Moody’s, « l‘historique des retards récurrents dans la mise en œuvre du programme de réforme du FMI » a entravé le renforcement des institutions et leur capacité à assainir les finances publiques, particulièrement en ce qui concerne la réforme des retraites, la restructuration des entreprises publiques et la réforme fiscale.

Absence d’une politique de gestion de crise

Si le gel de la 2ème tranche du prêt du FMI au mois de février 2017 avait déclenché un signal d’alarme, cette dégradation de la note souveraine à B1 aura des conséquences un peu plus inquiétantes. La Tunisie fait désormais partie des pays les plus risqués en termes d’investissement, juste au-dessus de la catégorie « Caa/risque élevé ». Outre le fait que cela va entrainer une nouvelle hausse de la prime de risque liée à sa dette et des conditions de remboursement plus défavorables, l’Etat tunisien aura encore plus de mal à convaincre les bailleurs de fonds et à attirer des investisseurs. Entretemps, l’actualité est marquée par les scandales, les démissions, les luttes intestines, les remaniements ministériels et les pourparlers en vue des prochaines élections municipales. C’est l’instabilité politique qui a pris le dessus sur la gestion de crise.

Toute la classe politique semble oublier que le pays traverse une des plus graves crises économiques de son histoire. Aucun plan de gestion de crise à la hauteur du danger ne semble se profiler à l’horizon. Le gouvernement Chahed s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, il ne fait que du raccommodage en cherchant des solutions ponctuelles alors que les problèmes sont structurels. Face à une corruption devenue systémique, les quelques arrestations faites ne sont en aucun cas à la mesure du phénomène. Les organes de contrôle n’ont pas les moyens logistiques et humains nécessaire pour lutter contre l‘ampleur de l’économie parallèle. Ni l’administration fiscale, ni la Banque Centrale et encore moins le pôle judiciaire financier ne disposent des ressources adéquates pour lutter contre la prolifération de la fraude et de l’évasion fiscale ou le trafic de devises.

Il est devenu plus qu’urgent de reprendre les choses en main en mettant un terme aux dérapages économiques, en renforçant les institutions et en redonnant un capital de crédibilité à l’Etat quant à sa capacité de recouvrement des taxes.