«L’histoire a commencé quand deux jeunes ont porté plainte contre un autre pour le non-acquittement de sa dette envers eux. En marge des déclarations des deux protagonistes, la question de leur homosexualité a été révélée. L’affaire de la dette a été écartée et seule la charge de l’homosexualité entre eux a été retenue par les enquêteurs ». C’est ce qu’a déclaré l’avocate des accusés Hassina Darraji à Nawaat.

Le verdict a été prononcé le 3 juin par le tribunal de première instance du Kef en application de l’article 230 du Code pénal prévoyant une peine de trois ans pour homosexualité, a précisé l’avocate. Les deux jeunes ont refusé de subir le test anal. « C’est une lourde peine pour une charge ayant pour preuve des simples déclarations », a-t-elle déploré. Darraji a fait appel de la décision du tribunal de première instance du Kef. « Ma défense s’orientera sur la nécessité de respecter les libertés individuelles ainsi que la faiblesse du moyen de preuve », a-t-elle souligné.

Selon Saif Ayadi, de l’association tunisienne pour la justice et l’égalité, Damj, « ce n’est pas la première fois que le tribunal de première instance du Kef rend des jugements aussi sévères dans des affaires liées à l’homosexualité. Mais il y a longtemps qu’un verdict aussi dur n’avait été prononcé dans ce genre de procès, en Tunisie ».

Selon le représentant de Damj, durant l’année 2019, il y a eu 121 condamnations sur la base de l’article 230 du Code pénal, avec des recours aux tests anaux comme moyen de preuve.  Ce chiffre est le résultat d’un recensement effectué par Damj en collaboration avec l’ONG Avocats sans frontières.  « Ces condamnations s’ajoutent aux nombreuses formes de discriminations observées dans la sphère familiale et publique », s’indigne-t-il.

Rappelons que de nombreuses associations ont condamné à maintes reprises le recours aux tests anaux, considérés comme une atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes. Ils appellent également à l’adoption du projet de code des droits et libertés individuelles, présenté par un groupe de parlementaires en octobre 2018, prévoyant la dépénalisation de l’homosexualité.

A noter que l’Etat s’est engagé, il y a plus de trois ans, à travers les déclarations de l’ancien ministre des droits de l’Homme, Mehdi Ben Gharbia, à ne plus contraindre les personnes à subir le test anal. « L’Etat tunisien s’engage à protéger la minorité sexuelle de toute forme de stigmatisation, de discrimination et de violence et d’empêcher tous les tests et examens anaux anarchiques», avait-il déclaré en mai 2017, sans préciser la date de l’entrée en vigueur de cet engagement.