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Célébration à l’avenue Bourguiba. Tunis, 25 juillet 2021. Crédit photo: Tarek Laabidi

Ce qui s’est passé en Tunisie le 25 juillet a surpris une majorité de Tunisiens, sinon tous les Tunisiens. La surprise est considérée comme un principe d’action dans le domaine militaire qui ne diffère pas beaucoup du domaine politique lorsqu’il est question d’exécution.

Le 25 juillet est l’anniversaire de la Tunisie moderne et l’avènement de la République en 1957. C’est aussi après la Révolution de 2011, la date d’un événement douloureux, celui de l’assassinat du député constituant Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. C’est aussi la date du décès du président Beji Caid Essebsi, le 25 juillet 2019. Les 25 juillet d’après la Révolution ne semblent plus de bon augure.

Mais ce 25 juillet 2021 commence par un événement mémorable. Le jeunot Ahmed Hafnaoui casse cette routine de douleur et de tristesse et nous fait vibrer. Le drapeau de la République est hissé plus haut que les drapeaux des Etats6unis et de l’Australie. Ce n’est pas un drapeau daeshien ou un étendard de parti qui est élevé vers le ciel olympique, mais le drapeau majestueux de la République qui a ému tous les Tunisiens et qui a fait couler les larmes du jeune champion Ahmed lors de la cérémonie des médailles. Un jeune, un ado dirais-je, nous surprend. Voilà ce qu’un jeune tunisien est capable de faire. Que dire alors d’un Président tunisien ? On doit s’attendre à quelque chose de plus grand. Un coup d’Etat ou un coup d’Eclat ?

Les  médias tunisiens ne sont pas encore réveillés, grâce matinée dominicale oblige. Car on le ressent comme un jour chômé et que par une habitude obligeante, on commence à oublier cet anniversaire de la République et peut être à le rayer de notre mémoire. La victoire de Hafnaoui est relayée par les médias français. Une chaine arabe a osé titrer cet événement  «Hafnaoui offre la première médaille d’or aux arabes». Elle ne cite même pas la Tunisie. Quel culot ?

Un peu plus tard, la danse commence timidement autour des sièges du parti Ennahdha. Des bureaux du parti sont vandalisés. L’information est relayée par les réseaux sociaux. Tozeur, Sfax, Sousse et autres bureaux sont aussi saccagés. Les forces de l’ordre interviennent. Plus de peur que de mal. Les médias tunisiens ne semblent point  «impressionnés» par ces actes. Peut être qu’ils sont bien informés et que la situation est sous contrôle. Mais Il semble que c’est grave au niveau supérieur.

Vers 21.00, le président tient une réunion sécuritaire avec les hauts responsables de l’Armée et du ministère de l’Intérieur. En application de l’article 80 de la Constitution, il décide de geler les activités de l’ARP, la levée d’immunité des députés, le remerciement de Hichem Mechichi et de son équipe et l’intention de désigner un nouveau chef et une nouvelle formation.

A l’annonce de ces décisions, le peuple n’a pas attendu une seconde pour jubiler. C’est l’euphorie. Une foule en liesse a enfreint la loi du couvre feu pour sortir dans les rues et crier, danser et chanter. Ce n’est pas à bord de tanks comme ce qui s’est passé en Turquie en 2016. C’est un coup d’Etat tunisien avec mezoueds et darboukas. Sur ce point, ce qui s’est passé en Tunisie, c’est un coup d’Etat populaire. Mais au niveau politique, est-il vraiment un coup d’Etat ? A mon avis, non ! Le coup d’Etat  comme on le définit  est un renversement du pouvoir. Et le pouvoir, c’est le chef de l’Etat. Si c’était le chef du gouvernement, le chef de l’ARP, le chef de l’armée ou celui de la police qui destitue le président de la République, dans ce cas, on parle de coup d’Etat. Mais lorsque le président de la République destitue le chef du gouvernement, on ne peut pas parler de coup d’Etat.

Et pour les décisions prises vis-à-vis de l’ARP ? Geler les activités de cette institution pendant un mois, et lever l’immunité de ses membres s’apparente plus à un geste politique plus qu’une initiative constitutionnelle. Donner un congé à l’ARP en ce moment de canicule, de Covid ressemble plus à une décision pragmatique pour se libérer des contraintes législatives inutiles afin de pouvoir agir d’une manière efficace (Liberté d’action) au niveau de l’exécutif politique. En ce sens aussi, on ne peut pas interpréter ces actes comme un coup d’Etat. Ce ne sont que des mesures provisoires pour remédier à une situation impérieuse.

La Tunisie a sombré dans une situation chaotique dans tous les domaines depuis dix ans et aucun espoir ne se pointe à l’horizon. Faut-il la laisser s’empirer ou agir ? Un coup d’éclat est nécessaire. Nous avons attendu dix ans et essayé une dizaine de gouvernements sans aucun résultat. Attendons encore un mois ou deux ou même trois pour évaluer ce coup du Président. Avant le prochain anniversaire de la Révolution, nous serons en mesure de le qualifier Coup d’Etat ou Coup d’Eclat.