Visuel de la campagne ministérielle

Le problème de la collecte des ordures ménagères demeure persistant en Tunisie. Les sacs poubelles éventrés et les déchets s’amoncellent même dans des quartiers de la capitale, comme notamment dans les environs du Bardo, où siégeait pourtant le Parlement dissous. Et voici que le ministère de l’Environnement lance en grandes pompes une campagne de nettoyage et de ramassage des déchets, baptisée  «clean-up month». L’événement ayant démarré le 14 août s’est poursuivi jusqu’au 4 septembre.

Il s’agit d’une « initiative citoyenne de sensibilisation destinée à diffuser la culture environnementale, tout en contribuant de manière ludique à la propreté et à l’esthétique du pays », peut-on lire sur la plateforme cleanup-month.tn. L’inscription est ouverte aux différentes catégories de participants, à savoir individus, équipes, associations, établissements publics et entreprises, qui ont ainsi la possibilité de choisir en ligne leur zone de collecte. Le ministère de l’Environnement, à travers ses directions régionales et les différents organismes relevant de sa compétence, «met à la disposition des participants la logistique nécessaire », tel que mentionné sur la plateforme. Du 14 août au 04 septembre, « 545 participants entre individus et associations ont pris part à cette manifestation et 237 interventions ont été enregistrées sur l’ensemble du territoire », se félicite Mahdi Abdelli, chargé de la communication auprès du ministère de l’Environnement, contacté par Nawaat.

Conflit de compétences?

« Qui a prévu cet événement ? Pour quelles raisons ? C’est juste pour se contenter de ramasser quelques bouteilles en plastique ? Qu’en est- il des décharges d’Agareb et de Borj Chakir et des plages polluées par les déchets de l’ONAS » ? déclare à Nawaat, Adnen Bouassida, le président de la Fédération Nationale des Communes Tunisiennes (FNCT) et maire de la commune de Raoued. Pour lui, le clean-up month est en deçà des attentes, et s’inscrit dans la logique des actes « occasionnels ». « C’est un signe de défaillance du ministère ! clame-t-il. Le ministère de l’Environnement est un ministère des réunions et des événements. Qu’a-t-il prévu pour les décharges anarchiques par exemple ?  La ministre se déplace avec ses cadres et se réunit avec les gouverneurs sans faire participer les communes. Tout cela pour avoir, au final, dix personnes qui ramassent du plastique », ironise Bouassida.

Crédit : ministère de l’Environnement

De son côté, Mahdi Abdelli du ministère de l’Environnement estime que la protection de l’environnement est une « responsabilité partagée » : « Arrêtons de nous renvoyer la balle. Soyons solidaires », interpelle-t-il. Et de préciser davantage : « Il s’agit d’une initiative  visant à ancrer la culture environnementale, et non pas d’une campagne momentanée. La propreté est un effort quotidien qu’il faut déployer à vie ».

Selon le chargé de la communication du ministère de l’Environnement, les actions de nettoyage ont été chapeautées par les collectivités locales, en collaboration avec les autorités régionales. L’objectif est de collecter les déchets légers, comme les sachets, les gobelets et les papiers mouchoir. Quant à Adnen Bouassida, il considère que la campagne « clean-up month » a coïncidé avec la tenue de la TICAD 8. « Il fallait attendre cet événement pour nettoyer les entrées des villes », rappelle-t-il.

Défaillances institutionnelles

L’embellissement de la ville, la suppression des sources de pollution de la voie publique et la garantie de la protection de l’environnement et de la propreté relèvent de la compétence des conseils municipaux, dispose l’article 243 du Code des Collectivités Locales (CCL). Selon l’article 210 du même code, chaque conseil municipal comprend impérativement une commission permanente chargée de la propreté, de la santé et de l’environnement. « Notre mission consiste à ramasser les déchets et à les verser dans les décharges contrôlées », précise le maire de la commune de Raoued.

Crédit : ministère de l’Environnement

Quant au ministère de l’Environnement, il est chargé principalement de la conception des politiques publiques de l’environnement. Six institutions relèvent de ses services, dont l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED), l’Office Nationale d’Assainissement (ONAS), l’Agence nationale de la protection de l’environnement (ANPE) et le Centre international des technologies de l’environnement de Tunis (CITET). Malgré l’arsenal juridique et institutionnel mis en place depuis des années, la situation est toujours alarmante.

Crédit : ministère de l’Environnement

Dans un rapport publié en juin 2022 intitulé « les droits environnementaux : entre violations et luttes quotidiennes », le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) note que « le traitement institutionnel des questions environnementales et du dossier des déchets est resté insuffisant, faute de stratégies pratiques prenant en compte les droits de l’homme, en particulier le droit des citoyens à un environnement sain ». En effet, la Tunisie vit une crise environnementale et administrative qui résulte de « l’absence de planification et de l’incapacité des structures administratives face à la question du traitement des déchets », indique le rapport.

En attendant, voici que les citoyens sont appelés à pallier les lacunes de l’Etat, théoriquement chargé notamment du ramassage des déchets. A croire que les décharges ne sont plus les seules à verser dans l’anarchie.