C’est dans un bâtiment sur trois niveaux, à une poignée de kilomètres du centre-ville de la capitale, qu’a vu le jour il y a quelques semaines, la première Maison de l’Image de Tunisie. Un lieu qui entend redonner à la culture, la place qu’elle mérite. Reportage.
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Elle a 25 ans, il en a 28. Olfa Feki, architecte et Wassim Ghozlani, photographe, sont les fondateurs de la Maison de l’Image, un espace culturel, qui comme son nom l’indique, est dédié à l’image, sous toutes ses formes : la photographie, le cinéma, les arts graphiques, la bande dessinée, la vidéo, etc. Ils n’ont voulu oublié personne. C’est dans l’Anticafé – on y reviendra – qu’ils nous accueillent, ordinateurs ouverts, téléphones sur la table : ils sont cette génération Y, que le philosophe Michel Serres nomme, poétiquement, « Petite Poucette ». Cette génération qui bouscule l’ordre établi, sans attendre la bénédiction des plus grands. Ce lieu surprend : par son audace et sa mise en scène d’une part, par l’unité de son univers malgré la diversité des espaces et des activités proposées, d’autre part.
Donner vie à un rêve
C’est en 2009 que le duo se rencontre. Elle était commissaire d’une exposition, et lui exposant. « Nous avions tellement de choses en commun, que la réalisation d’un projet ensemble était une évidence », raconte Olfa. Le projet s’est précisé au fur et à mesure des expériences et des rencontres.
On a commencé par des petits évènements dans le cadre de l’association Shutter Party. On a organisé des concours, des ateliers, des tables rondes, mais à chaque fois la question du lieu revenait : on n’en avait pas, se souvient la jeune femme.
Et plutôt que d’attendre, ils se sont dit : « Et si on créait ce lieu ? ». Au départ, ils imaginaient un endroit dédié à la photographie, mais très vite ils ont vu que le besoin dépassait cette discipline. « Et je ne voulais pas trop m’éloigner de mon domaine, qui est l’architecture », confie Olfa. La Maison de la Photo est devenue la Maison de l’Image. Ils conçoivent alors un lieu avec plusieurs espaces : une librairie, une salle de projection, une salle de réunion et formation, une bibliothèque, une galerie et un café. Ou plutôt, un anticafé. Le concept, né en Russie, est de faire payer le temps passé (ici, 4 dinars l’heure, 15 la journée) et non les boissons consommées. L’idée est de « multiplier des lieux où on peut se poser pour lire, travailler, réfléchir, faire des réunions et échanger », précise Olfa. En effet, c’est dans une atmosphère épurée et chic, mais sans prétention, que l’équipe de la Maison de l’Image a choisi de réinventer le café tunisien qui parfois ressemble davantage à une instance de paralysie sociale, qu’à un véritable lieu de sociabilité.
Les autres espaces abritent des expositions, des projections de films et documentaires, des workshops pour adultes et enfants, des ateliers de photo, de mode, de dessin. La bibliothèque, qui compte « plusieurs références, parmi lesquelles des classiques très recherchés », est accessible aux abandonnés.
La salle de réunion et formation est quant à elle à la disposition de la société civile : « avant d’être la Maison de l’Image, nous étions une association, et nous savons combien il est difficile de trouver des lieux pour travailler et se réunir. C’est notre petite pierre à l’édifice », explique Wassim, pas peu fier. Et d’ajouter :
Nous avons conçu notre projet de façon à ce qu’il soit le plus ouvert possible, c’est pourquoi nous avons choisi de nous installer à quelques kilomètres du centre-ville, alors que la plupart des espaces culturels sont en banlieue nord.
La crainte de devenir un lieu trop élitiste ? « La diversité de nos activités et notre volonté de travailler, par exemple, avec les jeunes du quartier populaire de Jbel Lahmar nous prémunira de ça », rassure Wassim. Une façon aussi d’équilibrer avec les activités organisées pour les enfants pendant les vacances scolaires, et dont le coût n’est pas négligeable.
Désengagement de l’Etat
Car quelque part, ces initiatives culturelles privées, viennent combler l’immobilisme des maisons de la culture qui sont tributaires de l’Etat. Le budget accordé à la culture représente dans le budget total de 2015, 0,66 % : des miettes. Or, nous savons tous, que la culture est essentielle au développement économique et social d’un pays. « A un moment, il faut se lancer et cesser de tendre la main au Ministère de la Culture. Sinon, on ne fait rien », affirme le jeune photographe. « Il faut qu’on puisse réfléchir à un autre modèle économique ». Le leur, c’est l’autofinancement. Avec un prêt à la banque, leurs propres économies et un dévouement total, les fondateurs de la Maison de l’Image ont pu se passer des subventions. « Mais cette indépendance a un prix », développe Olfa. « Lors du réaménagement du bâtiment, on avançait dans les travaux en fonction de l’argent que nous avions ». Le financement n’a pas été le seul défi à relever : « Nous avons été très surpris de constater qu’il n’y a pas, en Tunisie, de cadre juridique pour les centres culturels », regrette l’architecte.
Le pari de la culture
Mais aujourd’hui, tout cela est derrière eux : l’enjeu présent est de relever le pari de la culture, pour que ce lieu vive. « Nous avons des sources de revenus : la librairie, le café, les activités payantes, mais aujourd’hui nous ne couveront pas encore nos charges ». Et d’ajouter : « Rien de plus normal, n’importe quel projet a besoin d’au moins trois années pour devenir rentable ». Tout a été pensé dès le départ, et pas qu’à moitié. « Entre le moment où on s’est dit qu’on allait créer une Maison de l’Image et sa réalisation, il nous a fallu trois ans, dont une année d’étude. C’était important pour nous de commencer sur de bonnes bases en engageant un cabinet qui a fait l’étude de marché », se remémore-t-elle. « Puis, on devait trouver le lieu et commencer les travaux, qui ont duré deux ans. Au départ, il y avait de nombreuses cloisons car la maison était louée à une société, il a fallu repenser tout l’espace ».
Deux mois après l’ouverture, les deux jeunes fondateurs se disent agréablement surpris des personnes qui poussent la porte de la Maison de l’Image :
la diversité des espaces et des activités nous a permis d’attirer un public très différent. Il y a des amateurs et des professionnels, des adultes et des enfants, des personnes venues seules, en groupe ou en famille, des personnes qui viennent juste une fois par curiosité, d’autres qui sont des habitués, explique Olfa.
Et de réaliser : « avec la Révolution, il y a eu un véritable bouillonnement culturel, les attentes sont grandes ». Ainsi, ils espèrent fédérer autour d’eux une communauté de passionnés et de curieux afin de multiplier les évènements culturels en Tunisie, mais aussi encourager la créativité chez une jeunesse assoiffée de culture. L’énergie fiévreuse de ce duo n’a pas dit son dernier mot.
- Adresse
- 40 rue Tarak Ibn Zied, 1086 Mutuelleville, Tunis
- Téléphone
- 71840536
- Courriel
- info@maisonimage.tn
- Site Web
- http://maisonimage.tn/
This place seems to be very French oriented (that is not a blame) and kind of upper scale. There is nothing in it that tells a visitor that he/she is in Tunis. The few lines related to the people that visit that place seem to confirm this impression : young, old, single, couple, but most likely all coming from the upper class! The idea is good, but its implementation could have been improved.
Thank-you Franck for your comment. The challenge today in Tunisia is to create places where culture doesn’t go hand in hand with western culture, otherwise a large part of tunisian people won’t recognize themselves in this kind of places. The problem is twofold : how to create places that reflects the meta-identity of tunisian people and how to create cultural spaces that are not reserved to the upper class. It’s a real challenge. The interesting thing about the Maison de l’Image it’s that the place is open to the civil society, and this is a quite new in Tunisia!
@Franck: Welcome to a French colony called Tunisia. Here, there is no respect to the culture neither the language of the ancient native people. Nowadays, almost everyone makes its best to identify himself to french people and their way of life. But, French citizens call them “les bougnoules”. It seems that the French politicians have granted them a fake “independence” bill in 1956 only to prevent them from acquiring the French citizenship and be legally French. However, the Tunisian government still conducts a French-dictated policy in all domains. Even key ministers are almost directly appointed by French. So don’t be surprised if there are no or little references to the Tunisian land, Arabic language or native-people religion and traditions. It’s normal.