Devant une panique générale, le Président de la République, Béji Caid Essebssi, a annoncé plusieurs décisions autour des réformes sécuritaires. D’après un communiqué présidentiel, l’armée occupera les grandes villes et des lieux stratégiques, une année après le retrait de l’armée suite à la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 2011.

Ces décisions sont le fruit d’une réunion d’urgence entre le Président de la République, le Haut Conseil des trois armées, le Haut Conseil de la Sûreté Intérieure, le Premier Ministre et des hauts fonctionnaires de la Défense et du ministère de l’Intérieur. Rappelons que le Premier Ministre, Habib Essid, a déclaré, ultérieurement que les forces de sécurité ont arrêté une dizaine de personnes soupçonnées d’avoir participé à l’organisation de l’assaut sur le Musée du Bardo.

Depuis l’assaut, les réactions officielles ont penché surtout vers une radicalisation de la lutte contre le terrorisme. D’ailleurs, le jour même de l’assaut, la nouvelle loi antiterrorisme, était sur la table des négociations de la commission des Droits et Libertés au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Selon Omar Safraoui, Président de la Commission Nationale de la Justice Transitionnelle, des derniers changements sont encours :

Les modifications vont, heureusement, dans le bon sens. La semaine prochaine, le conseil du gouvernement doit valider la proposition qui sera présentée à l’Assemblée des Représentants du Peuple,

nous explique Omar Safraoui, en nous promettant plus de détails lundi prochain.

Rappelons que la Commission Nationale de la Justice Transitionnelle a proposé 80 points à réformer dans la loi : « La plus grande partie du travail consiste à clarifier au maximum le flou dans l’ancienne loi pour éviter les bavures et la violation des Droits de l’Homme », rajoute Omar Safraoui, président de la commission.

Sur les réseaux sociaux, une symphonie d’insultes et d’accusations contre des « Droits de l’Hommistes » a été orchestrée principalement par des pages facebook liées aux forces de l’ordre. Au même temps, le communiqué de « Ifrikia Lil I3laam », très peu repris par les médias, a mis l’accent sur la fragilité sécuritaire des lieux stratégiques et de rassemblement dans le pays. En citant des détails des préparatifs de l’assaut du mercredi, l’agence de presse djihadiste a précisé que les deux assaillants ont pris le métro avec leurs valises blindées d’explosifs et armes, qu’ils ont même pris un café devant le musée et qu’ils ont pris le temps d’effectuer un dernier repérage avant l’assaut.

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Capture d’écran du communiqué publié par « Ifrikia Lil I3laam » donnant des détails sur l’assaut et ses préparatifs.

Ce même communiqué précise que l’opération a été précédée par une annonce sur les réseaux sociaux.

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Nous avons même donné des indices quelques heures avant l’opération. Que veulent de plus les policiers ? Une géolocalisation ?

ironisent les djihadistes sur Twitter.
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D’après une employée au Musée du Bardo, les mesures sécuritaires n’ont jamais été fermes et sérieuses.

Nous avons demandé plus de caméras de surveillance et des portiques de sécurité, surtout après les attaques survenues dans les musées de l’Irak. Mais la direction n’a pas réellement réagi,

témoigne la jeune femme encore sous le choc du massacre.

Dans ce même contexte, plusieurs Tunisiens ont souvent observé un laxisme inquiétant dans des lieux stratégiques en Tunisie. Un journaliste en free-lance nous a confié « j’avais des interviews au Parlement. C’était ma première fois et pourtant personne n’a fouillé la voiture ni les nombreux sacs que j’ai dans le coffre. Et si j’étais un terroriste ? Je vous laisse imaginer la suite ». D’autres témoignages évoquent la même problématique à l’aéroport de Tunis-Carthage, dans les grandes surfaces, les universités, les hôpitaux et les tribunaux.

Devant les périls sécuritaires, les questions socio-économiques semblent, encore une fois reléguées au second plan. L’acharnement de l’opinion publique et de certains politiciens sur les mouvements sociaux et les revendications syndicales n’a laissé aucune place à une critique sérieuse et mesurée de l’approche sécuritaire dans la lutte antiterroriste. Il est pourtant clair que des anomalies et des erreurs ont mené aux résultats présents. Hélas, la sphère politique n’ose même pas encore demander une enquête sérieuse et surtout un dialogue national sur la question sécuritaire.