On peut être opposé au boycott et vouloir participer à ce scrutin en tant qu’électeur ou candidat. Cela ne me choque pas et je vois même certains arguments avancés comme intéressants dans le débat du « pour ou contre le boycott » comme : profiter de l’occasion des élections pour occuper le terrain et aller à la rencontre des tunisiens afin de leur montrer que des alternatives à Ben Ali sont possibles ou encore profiter des minces fenêtres médiatiques pour se faire connaître
On peut être opposé au boycott et vouloir participer à ce scrutin en tant qu’électeur ou candidat. Cela ne me choque pas et je vois même certains arguments avancés comme intéressants dans le débat du « pour ou contre le boycott » comme : profiter de l’occasion des élections pour occuper le terrain et aller à la rencontre des tunisiens afin de leur montrer que des alternatives à Ben Ali sont possibles ou encore profiter des minces fenêtres médiatiques pour se faire connaître. Ces arguments restent réalistes même si à mon sens, le terrain occupé pendant les élections est bien mince et que les impacts médiatiques en Tunisie sont quasiment inexistants.
D’autres arguments contre le boycott me semblent à l’inverse totalement folkloriques et coupés de la réalité. Je pense en particulier à ceux développés par Monsieur Manaï dans l’interview, particulièrement intéressante, donnée dans le dernier numéro d’El Khadra. Je cite :
« 1- Quant on appelle au boycott, il faut pouvoir mener une campagne dans ce sens, sur le terrain, dans le pays (ou au sein de l’émigration), à visage découvert et non de l’étranger, sur Internet et parfois sous des pseudonymes. Il faut assumer les conséquences d’un tel choix et prendre les mêmes risques que les citoyens qu’on appelle au boycott. Ceux-ci risquent leur liberté et même davantage s’ils choisissaient délibérément le boycott.
2 – L’appel au boycott exige de ses initiateurs qu’ils soient en mesure d’exercer un minimum de contrôle sur le déroulement et les résultats des élections, de disposer donc d’observateurs dans les bureaux de vote et lors du dépouillement des voix, ce qui est impossible dans la situation actuelle.
3- Pour appeler au boycott, il faudrait disposer d’une base électorale plus ou moins fidèle, suffisamment importante pour influer sur les résultats du scrutin, ce qu’aucun parti politique de l’opposition ne peut s’en prévaloir. »
Les conditions posées par M. Manaï pour un boycott sont bizarres. Des vœux pieux pour donner en pitance de la chair à la militant.
Ce travail de terrain est clairement impossible et voué à l’échec face l’omniprésence du RCD et de la Police dans toutes activités politiques ou associatives. Je parle évidemment de campagne de terrain, de contrôle du déroulement et des résultats. En l’absence d’élections réelles, parler de base électorale est un non sens. Mais à relire plusieurs fois le passage cité, je doute de plus en plus que ce passage de l’interview porte sur le boycott. Pour pouvoir s’exprimer, l’auteur incite les anonymes à révéler publiquement leurs identités. Cela sera effectivement beaucoup plus pratique pour le travail de la police politique pour organiser une répression efficace contre les têtes qui dépassent et leurs familles. Non l’appel au boycott ne constitue la réalisation d’une liste de personnes à dégommer. Comme si, il était nécessaire de mettre un nom, un prénom et une adresse sur l’auteur d’une idée, d’un mot d’ordre etc … pour que ceux-ci soient recevables.
Pour M. Manaï, il faudrait que la liberté se conquière dans un bain de sang (« La démocratie est une conquête qui se paye au prix fort. Les peuples qui en jouissent aujourd’hui l’ont payée de leur sang et de leurs larmes et ceux qui l’ambitionnent doivent en faire autant. Nous n’obtiendrons que ce que nous aurons accepté de payer par nos sacrifices. » – il est vrai qu’un peu plus bas dans l’interview l’auteur cite aussi les anciens pays de l’Est qui se sont débarrassées dans une relative « douceur » de leurs dictatures) et en révélant les identités ça serait un peu comme si nous versions une avance au pouvoir pour ce massacre annoncé.
Personnellement, l’anonymat ne me dérange pas. J’ai toujours préféré le contenu au contenant, l’être au paraître. L’auteur a sans doute forcé le trait car il rend hommage plus bas aux anonymes « c’est parce qu’il y a dans ce pays, des millions d’hommes et de femmes, qui font leur devoir en silence et dans l’anonymat… » L’utilisation d’internet non plus ne me dérange pas. Cet outil est une véritable arme contre la dictature et qui a fait ses preuves. En quelques minutes, par un réseau maillé de correspondants, une information fait le tour du monde et aucune vérité sur le régime et ceux qui naviguent dans ses eaux troubles ne peut être tu. Cet outil n’est pas contrôlable et ceux qui en usent, voire en abusent, ne peuvent pas être contrôlés par les anciens acteurs de la politique tunisienne. C’est une nouvelle donne qu’il faut prendre en considération.
C’est une partie non négligeable du combat contre Ben Ali qui échappe ainsi à ceux qui sclérosent l’activité militante et qui par une omniprésence depuis des années se pensent uniques portes paroles de la parole qui compte.
Sans le réseau mondial, les tunisiens de l’extérieur n’auraient aucune information. Ceux de l’intérieur non plus. On a beau expliquer que les sites contestataires sont censurés, les informations passent. Le net permet cela et Ben Ali est incapable d’arrêter cette nouvelle vague. Les outils des militants ont évolué avec la technique, si certains militants n’ont pas suivi cette évolution et ne la comprennent pas, ce n’est pas de la faute à la technique. Je me souviens d’un ami qui me disait qu’avec internet les sites contestataires ne touchaient presque personne. Nous étions à une énième réunion publique où une trentaine de personnes étaient réunies. Les fréquentations de site se comptent en centaines de personnes, voire en milliers.
M. Manaï a parfaitement raison quand il dit que de l’étranger c’est avant tout une action d’information qui est menée. Il a tord quand il prétend que cette action ne touche que l’étranger. Je n’aurais pas la prétention de dire que « qui détient l’information, détient le pouvoir » mais j’affirme que la diffusion d’une information libre constitue aujourd’hui un fort contre pouvoir effectif à Ben Ali. Le mépriser serait une erreur politique et stratégique (de plus) pour ceux qui se veulent représentants d’une partie de l’opposition.
Mais revenons au boycott dont M. Manaï reconnaît tout de même qu’il impose une pression réelle au régime toujours dans la même interview. Avant cela, je voudrais souligner que si les contradictions contenues dans l’interview m’ont sauté aux yeux quant aux effets du boycott, des anonymes etc … ce texte contient des vérités incontournables sur le travail à réaliser pour préparer l’alternance, le travail unitaire, etc …
Pour revenir au boycott, j’ai choisi de paraphraser des extraits de textes trouvés sur internet.
La stratégie du boycott est une démarche qui soulève beaucoup d’interrogations légitimes quant à ses résultats ou ses effets. On pourrait penser de prime abord qu’il s’agit d’un type d’action marginale. Il peut pourtant se révéler être une véritable menace pour un régime, être révélateur d’un refus d’une situation et clarifier les positions politiques des uns et des autres. Le boycott est un catalyseur . Les tunisiens peuvent être désorientés par la défaillance de certains partis à fonctionner ou à promouvoir un projet de société. Sans appel au boycott, les tunisiens contribueraient directement ou indirectement à faire élire une autre fois le même dictateur.
Sans unité autour du boycott, cela confinerait ceux qui sont en colère devant les injustices, devant les résultats des élections à un certain isolement que les partis actuels, notamment les non autorisés, ne pourraient pas rompre car ils sont dans l’impossibilité d’organiser sur le terrain des manifestations, des grèves.
Le boycott est la conduite à tenir pour retirer toute crédibilité à une escroquerie électorale. C’est le moyen aussi de transformer les mécontentements en une réelle action politique. En l’absence de possibilités d’actions sur le terrain, la non participation peut s’avérer être un dénominateur commun aux forces de l’opposition. Le boycott est un acte sincère dont le but responsabilise les électeurs potentiels et dont les effets psychologiques seront bien plus importants sur la population que ceux supposés des cadres du RCD qui feraient le décompte des voix au candidat de l’opposition. C’est une action collective porteuse d’idéologie, d’idéaux. Ce qui manque cruellement actuellement pour les tunisiens.
Le boycott c’est le refus des modes de pensées « clés en mains ».
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