Une certitude ! La Tunisie avant et après l’arrestation de Mohamed Abbou et la forte mobilisation des avocats qui s’en est suivie, n’est plus la même.
La campagne très active en faveur de la libération de cet avocat kidnappé et emprisonné depuis le premier mars dernier, a radicalement transformé la donne en Tunisie, et donné un deuxième souffle au combat pour la démocratie et les libertés.
Le scandale judiciaire du 28 avril n’était pas un choc seulement pour des avocats pourtant habitués aux parodies de justice, mais aussi pour des observateurs étrangers venus en nombre prendre note de l’état de délabrement de la « Justice » et du « Droit » en Tunisie.
C’est dans ce contexte de tension palpable, que l’Union européenne avait décidé pour la première fois de dépêcher une mission commune d’observateurs.
Après le procès, la tension est montée d’un cran et le régime s’est lancé dans une fuite en avant sans précédent (emprisonnement de Me Faouzi Ben Mrad, menaces d’arrestation de Me Sonia Ben Amor et de radiation de quatre avocats, intervention des Institutions de l’Etat dans le cadre d’une campagne de dénigrement abjecte à l’encontre des avocats libres, répression des journalistes, scandale électoral du huit mai dernier…)
Pour les européens, premiers partenaires de la Tunisie, la coupe est désormais pleine ! Faut-il attendre que le régime ne mette le pays à feu et à sang ?
« L’Europe officielle » qui a souvent déçu les Tunisiens par son silence sur les méthodes musclées du régime tunisien, a décidé de réagir fermement à l’escalade dangereuse des semaines dernières.
Pour la première fois, une délégation d’ambassadeurs de pays de l’Union européenne, s’est entretenue près de deux heures avec le ministre tunisien de la Justice Béchir Tekkari (ministre de tutelle directement impliqué dans la gestion de l’affaire Abbou et de la fronde des avocats) et Hatem Ben Salem Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des Affaires européennes (vis-à-vis et premier interlocuteur des européens.)
Au cours de cette rencontre qui a eu lieu à Tunis, dans la matinée du 11 mai, il était question notamment de la répression des avocats et des évolutions inquiétantes de la situation des libertés.
La présence de deux ministres tunisiens et le ton ferme des européens confirment l’embarras du régime tunisien qui semble vouloir chercher « une sortie honorable ». L’avocat Ibrahim Bouderbala a proposé à l’occasion de la réunion extraordinaire des avocats (samedi 14 mai) de libérer Faouzi Ben Mrad et de transférer Mohamed Abbou de la prison du Kef à une prison de Tunis et de rapprocher la date de son procès en appel en échange de l’arrêt du sit-in et de la mobilisation des avocats.
En même temps, une grande rumeur circule à Tunis sur l’éventuelle démission du ministre de la Justice (les noms de Abdelwahab Béhi et de Abdelfattah Omar ont été évoqués) et sur des tractations en vue de décrisper la situation.
Paris, le 16 mai 2005
Imad Daïmi, Vincent Geisser, Chokri Hamrouni
Comité international Pour la Libération de Mohamed Abbou
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