Salah Karker, le plus célèbre des exilés de France, s’apprête à quitter l’hôpital imminement, après quatres mois de rééducation spécialisée au centre hospitalier d’Eaubonne, dans le Val d’Oise en banlieue parisienne. Karker a bien récupéré en motricité et sa voix s’est grandement améliorée. Il a quitté l’état de dépendance du à l’attaque et aux complications secondaires du fait du retard des secours.
Karker a subit une attaque cérébrale en début d’année, survenue tôt le matin du 15 janvier 2005, lorqu’il était dans sa chambre d’hôtel à Digne-les-Bains, dans les Alpes de Haute-Provence, dans la région méridionale PACA (Provence-Alpes-Côte-d’Azur). Les secours ne sont arrivés que plus de six heures après l’attaque, vu l’état d’isolement dans lequel se trouvait l’opposant tunisien, dans sa chambre de l’hôtel Saint Michel. Ce retard a failli provoquer le pire, si ce n’était le destin, l’acharnement des médecins, le soutien de la famille et une grande foi en la vie.
Après des jours de coma provoqué par les médecins pour contrecarrer les complications, pulmonaires entre autres, provoquées par le retard des secours, Salah a repris connaissance petit à petit, après un long combat pour la vie, entouré d’une femme magnifique, des enfants qui ont tout laissé et d’une poignée d’amis. Ce n’est que fin février que le “prisonnier des deux rives” a pu regagner le Val d’Oise, avant d’être admis le 18 mars au centre de rééducation de l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne. Son état s’est amélioré de jour en jour, avec des efforts spectaculaires et sans doute avec le soutien incommensurable de la famille, d’un personnel souriant et des visites des connaissances et amis, venus parfois de très loin, rendre visite à un ami.
Salah Karker a subi une procédure d’assignation à résidence, décidée en 1993 par Charles Pasqua, le tumultueux ministre de l’Intérieur français de l’époque, qu’aucun de ses successeurs Place Beauvau n’a eu le courage de lever. Cette assignation a été transférée aujourd’hui, eu égard à la situation, des Alpes de Haute-Povence (le 04) au Val d’Oise (le 95), son lieu de résidence.
Son ami, l’islamologue François Burgat, affirme que cette mesure est le produit de la “coopération sécuritaire avec le président Ben Ali“. Il avait affirmé lors de “la caravane de soutien au prisonnier des deux rives“, organisée par Khaled Ben M’Barek, coordinateur du CIDT-Tunisie (Centre d’Information et de Documentation sur la Toruture en Tunisie) : “Si Salah est coupable d’un quelconque délit, qu’on lui organise un procès équitable, qu’on le mette en prison s’il s’avère qu’il soit coupable d’une quelconque infraction. Quant à nous, ses amis, on viendra lui ramener des oranges en prison. Mais cette situation, de l’isoler, à l’Ile d’Ouessant puis à Digne, est indigne. La République dépense un argent fou pour garder un seul individu et l’empêcher de vivre avec sa famille“.
Burgat n’arrêtera pas de signer Pétitions et Tribunes. Il n’a pas été le seul soutien au “prisonnier des deux rives“. Les Hubert, avocats au Barreau de Marseille, Maître Decheszelles, la CGT, la Ligue des Droits de l’Homme et la Fondation France Libertés, entre autres associations qui se sont acharnées une décennie durant, sans oublier le CIDT-Tunisie, le CCTE (Collectif de la Communauté Tunisienne en Europe et son infatigable président Mondher Sfar) et l’ancienne association, aujourd’hui malheureusement disparue, Tunisie-Démocratie Maintenant, Radio ZinZin et l’Audace de Tunisie. Danielle Mitterrand s’est déplaçée en personne soutenir la victime de Ben Ali, dans son lieu d’assignation à Digne. Les médias régionaux et nationaux, au premier rang desquels France3 PACA et Libération ont immortalisé le calvaire du “prison ! nier des deux rives“, selon la formule de Burgat, reprise par Libération.
Le vieux lion, opposant décidé et co-fondateur du MTI (Mouvement de la Tendance Islamique, aujourd’hui Nahdha), semble avoir beaucoup appris de cette épreuve.
A la question du journaliste Tahar Labidi : “Estimez-vous responsable de ce qui s’est passé pour les prisonniers ?“, il répond, extra-lucide : “Jusqu’en 1992, oui, certainement, j’assume une part de responsabilité, mais après les arresttations violentes et les procès iniques avec leurs condamnations lourdes et injustes, c’est le régime qui assume la responsabilité principale dans le calvaire des prisonniers politiques“, avant d’ajouter : “Je suis d’accord pour toute initiative visant à libérer les prisonniers, mais nous devons limiter et réduire l’instrumentalisation politique que le régime tente de faire de cette question“.
Salah Karker, cher concitoyen et co-exilé, prends soin de ta personne et garde-toi bien des manipulateurs et des désinformateurs qui pullulent en chef dans la diaspora. Rappelle-toi le vieux diploamate, ancien résistant et ministre, à qui l’Infâme a envoyé de faux éditeurs récupérer des dizaines d’heures d’enregistrements, pour mieux les garder !
Que Salah Karker, sa femme, son fils Jaafar et ses enfants trouvent ici l’expression d’amitié et de soutien de l’ensemble de la diaspora.
Tu es un des nôtres, cher Salah, enfant de Tunisie, malgré les distances et les malheurs. Prends soin de toi et de ta famille. Ne te soucie pas de l’ingratitude et des ingrats. Laisse les petites choses comme tu me l’as dis ce dimanche, en compagnie du jouranliste et écrivain Tahar Labidi. Occupe toi des grandes questions qui se posent à notre pays. Prends soin de ta voix et de ta mémoire pour que tu puisses livrer ta parole à l’histoire.
Abdel Wahab Hani
Eaubonne / Paris, le 17 juillet 2005
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