Les derniers événements liés à la découverte du groupe armée ont donné lieu à de vastes rafles qui ont touchés pratiquement tous les régions du pays et qui ont visés toute personne soupçonnée parmi les jeunes d’appartenir au courant salafiste religieux. La police n’a pas fait preuve de grande ingéniosité dans l’accomplissement de sa mission, sa stratégie à consister à les attendre ni plus ni moins à la sotie des mosquées après la première prière du matin pour les embarquer. Etre jeune et se réveiller à une heure aussi tôt pour faire la prière suffit pour être taxé de salafisme. L’accusation ne repose pas sur la présomption de salafisme, mais le salafiste est présumé terroriste et l’amalgame n’a pas besoin d’arguments pour se substituer dans l’esprit des gens comme il s’est produit auparavant dans la dernière décennie du siècle dernier avec les islamistes. Ainsi les boucs émissaires sont aujourd’hui bien désignés à la vindicte populaire et la vague de répression qui risque de s’abattre encore plus sur une catégorie de nos concitoyens est dans la phase de préparation psychologique de la société pour l’amener à la cautionner. De ce point de vue les événements qui viennent de se produire en ce début d’année sont du pain béni pour le succès de cette stratégie.
Vers la fin de l’année 2002 quand l’association de soutien aux prisonniers politique (AISPP) a été fondée nous comptons plus d’un millier de prisonniers politiques et d’opinion dans nos prisons. Une grande majorité parmi eux commençaient leur deuxième décennie de captivité. Avec les dernières mesures de grâce prise par le président de la république, seuls quelques soixante-dix détenus de ce groupe restent encore en prison, c’été pour nous le comble de la satisfaction qui peut couronner notre action, nous n’avons plus aucun doute que ceux qui restent formeront le groupe des graciés à la prochaine occasion et qu’une page de notre histoire est en train d’être tourner. Malheureusement, la promulgation de la loi dite antiterroriste est venue tout mettre en cause et ouvrir la voie à une nouvelle génération de persécution et de répression. D’autres centaines de nouveaux persécutés sont venus se substituer à ceux qui ont été libérés. Tous jeunes et pour la majorité issu du milieux scolaire et étudiants, d’une moralité et d’une éducation exemplaire, issu exclusivement des milieux populaires. Ils représentent surtout l’incarnation des espoirs tronqués que leurs familles ont investi en eux.
Nous nous trouvons ainsi en ces moments face à des événements qui peuvent multiplier ces centaines en milliers. Le cycle d’injustice est en train de se répéter, il risque de prendre de l’ampleur et d’emporter dans son torrent de milliers d’innocents. Il y a aussi un grand risque que les éradicateurs cherchent à prendre de l’avance sur les conséquences affligeantes de la déroute de leur stratégie sécuritaire, dont les indices sont en train de se révéler et qui finira par se clarifier complètement dans les prochains jours, par une nouvelle vague de répression destinée à empêcher toute remise en cause ou détermination des responsabilités.
Ainsi nous nous trouvons dans une phase charnière dont peut dépendre l’avenir de notre pays pour plusieurs années à venir et qui peut même faire complètement basculer son destin. Les circonstances ne semblent plus laisser de marge à un troisième choix entre la consécration de la fracture et l’engagement périlleux du pays dans un processus de rupture qui ne fait que consacrer les objectifs de cette rébellion armée ou l’amorce d’une ouverture qui prépare la voie à la concorde nationale par la satisfaction des revendications les plus pertinentes et l’engagement des réformes les plus urgentes en gage de bonne foie à même de rétablir la confiance dans le pouvoir et à insuffler le climat d’optimisme et d’espoir dont le pays a grand besoin.
Il y a des moments ou tout politicien doit savoir taire certains différends. Personne ne doit faire du ralliement de son adversaire une condition si l’objectif d’une démocratie plurielle est sincère. Malgré la rigidité qui prévaut dans les rapports je ne crois pas qu’il y a aujourd’hui en Tunisie une divergence notable sur le pronostic de la situation. Ce qui fait réellement le partage aujourd’hui est essentiellement lié à un différend sur la stratégie à adopter. Entre ceux qui misent sur la déstabilisation sans avoir les moyens de maîtriser la dynamique d’un tel processus de changement et dont le choix d’engager le pays dans une aventure non calculée ne manque pas de subjectivité et ceux qui cherchent à faire des erreurs passés les meilleurs repères de garantie de succès pour la continuation de l’élan réformateur que notre pays à adopter depuis la création de son Etat indépendant. Si tout le monde reconnaît que la situation est grave par son processus et par les conséquences qui peuvent en découler les conditions de bâtir une nouvelle majorité sur un consensus transitoire peuvent être facilement dégagés. La question qui se pose est comment faire éviter à nos concitoyens l’expérience du risque d’un supplice dont nous somme tous conscient des conséquences et des répercussions par toutes les expériences que nous avons vécu ou pu observer le déroulement autour de nous et comment l’engager à faire de nos drames une raison de salut.
Yahyaoui Mokhtar – Tunis 08 01 2007
Source : Le blog de Mokhtar Yahyaoui
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