Ben Ali en visite au palais de Bardo pour fêter la République ! Source : Site internet de la présidence

Quelques jours avant de répondre positivement et en « toute fierté » à la demande qui lui a été faite (interdiction de rire) d’être Le Candidat du RCD pour l’élection présidentielle de 2009, « au milieu de youyous de femmes de son parti dans une salle archicomble décorée de drapeaux en rouge et blanc de la Tunisie. », notre « fier » président s’est invité, le vendredi 25 juillet, au siège de « l’honorable » chambre des députés à une réception organisée à l’occasion du 51e anniversaire de la proclamation de notre chère République nous dit-on sur le site officiel de la présidence. Il faut dire que cet anniversaire est assez symbolique pour Ben Ali puisque c’est le vingtième qu’il « célèbre » en tant que président de cette République après avoir célébré en grandes pompes le 20e anniversaire du « changement du 7 novembre », et fêté pour la vingtième fois l’indépendance de notre pays en étant à sa tête. Cela méritait bien une petite sauterie républicaine.

Il est vrai que pendant plus de 50 ans qu’on fait semblant de fêter la République, on n’est plus à une cérémonie pompeuse près. Pourtant, à la lecture du compte-rendu de cette joyeuse fête, une phrase étrange ferait dresser les cheveux sur les têtes des plus blasés d’entre nous. Je cite : « Le Président de la République a été accueilli, à son arrivée au palais du Bardo, par le premier vice-président du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, le premier ministre, le président de la chambre des députés et les membres du bureau de la chambre des députés ». Oui vous avez bien lu…le président qui, rappelons-le, est en visite au palais de Bardo, siège des supposés représentants du peuple tunisien, pour célébrer le 51e anniversaire de la République, a été accueilli par…le premier vice-président du parti au pouvoir !

Commençons déjà par ce qui relève des bonnes manières, si j’ose dire. Le président de la chambre des députés n’est que troisième dans cet ordre protocolaire. La moindre des politesses aurait été qu’il soit le premier à souhaiter la bienvenue au président. Après tout, c’est le maitre des lieux en quelques sortes et c’est à lui d’accueillir son invité. Vous…vous vous imaginez inviter, chez vous, une personnalité de l’envergure de « notre président » et accepter que se soit « le premier vice-président » de son « fan club » qui la reçoive à votre place ? Je pense que personne n’accepterait. Détrompez-vous. Le président de notre chambre des députés, lui, accepte. Et il n’est pas le seul. Ses députés non plus ne semblent pas très regardants sur les convenances puisqu’à leur tour ils se sont faits reléguer presque à la dernière place, cette fois-ci derrière les membres du bureau politique du RCD !

S’il ne s’agissait que d’une question de bonnes manières cela ne mériterait certainement pas qu’on en fasse tout un plat. Surtout connaissant les manières de ceux qui nous gouvernent. Mais voilà, une République a ses règles et parmi celles-ci se trouve celle d’un ordre protocolaire bien établi qui classe les personnalités politiques selon l’importance de leurs fonctions au sein de cet édifice. Un ordre d’importance qui, dans une République, se défini en fonction des trois pouvoirs supposés indépendants sur lesquels se base celle-ci, à savoir le pouvoir exécutif, parlementaire et judiciaire.

Dans notre cas précis le protocole républicain aurait donc voulu que le président soit éventuellement accueilli en premier par son premier ministre, étant le chef du gouvernement, et représentant du pouvoir exécutif mais impérativement suivi par le président de la chambre des députés et celui de la chambre des conseillers, représentants du pouvoir législatif. Le président du conseil constitutionnel, s’il était présent (surement un oubli), suivrait et ainsi de suite. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que notre constitution désigne ces trois personnages comme les premiers garants de la continuité du pouvoir « en cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement absolu ». Le président de la chambre des députés étant même le premier sur la liste des potentiels intérimaires.

Le plus grave, mais aussi le plus triste, c’est que ce mépris est perpétué par la tête de gondole de l’appareil de propagande du pouvoir en place, j’ai nommé la tristement célèbre Tunis7. Une petite recherche dans les archives des journaux télévisés de la chaine nationale nous permet de voir que cet ordre protocolaire est déjà de mise depuis quelques années, et plus particulièrement depuis le 20e anniversaire du « changement » comme l’atteste ce bref montage.

Il est vrai que le président de cette « chambre introuvable » n’a rien fait pour mériter un meilleur traitement. Ce n’est pas lui qui, à l’unisson avec le président de La chambre des conseillers, a accouché le premier d’une déclaration pour appeler Ben Ali à « renouveler sa candidature aux élections présidentielles de 2009 pour briguer un cinquième mandat de cinq ans » ? Permettant pour que cela puisse se faire qu’on massacre pour la énième fois la constitution tunisienne. Vu de cet angle là il ne mérite même pas d’être le président de cette chambre. Mais puisqu’on est dans cette recherche pathétique de sauver les apparences. Celle qui consiste à mettre en avant la place du pouvoir législatif et ses représentants et « le renforcement des acquis républicains », selon la formule officielle psalmodiée à tous les discours de Ben Ali, ne semble plus de mise. C’est ainsi que, dans la république de Ben Ali, un premier vice-président d’un parti politique peut reléguer au troisième rang de l’importance protocolaire le représentant des élus du peuple tunisien !

Ce manque cruel d’égards vis-à-vis des représentants de deux des trois pouvoirs sur lesquels repose notre République n’a rien de la simple faute de frappe sur une dépêche de la TAP ou de la faute de goût et encore moins d’une méconnaissance des ordres d’importances et des règles protocolaires. Il traduit en réalité, le vrai rapport de force au sein de la république de Ben Ali. Une république du parti unique avec à sa tête un homme…« unique » qui centralise à lui seul tous les pouvoirs, en théorie indépendants. Aucune institution n’échappe à cette mise aux pas de plus en plus ostentatoire. Le RCD ne se contente plus du rôle du Parti du président mais s’affiche clairement aujourd’hui comme la véritable antichambre du pouvoir du président et son unique successeur. Marginalisant ainsi nos institutions certes malmenés depuis 50 ans mais néanmoins existantes. En vingt et un ans de pouvoir Ben Ali aurait-il oublié que c’est par les règles de cette même République qu’il ne cesse de bafouer qu’il a pu, un jour de novembre 1987, en devenir le président ?

Malek Khadhraoui
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